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Guitare en scène 2016

Daniele Gottardo, maestro et guitar hero

jeudi 18 août 2016 par Jean-Pierre Biskup rédaction CC by-nc-sa

Entretien

Rencontre avec le talentueux musicien et guitariste Daniele Gottardo au festival Guitare en Scène où l’artiste était invité à donner une masterclass le 16 juillet, et à jouer en concert le 17 juillet avant Carlos Santana. Daniele Gottardo poursuit sa direction entre guitare instrumentale et musique orchestrale pour proposer une musique riche et originale, il s’agit d’un des guitaristes à suivre aujourd’hui car il peut faire avancer la guitare.

La rencontre a pu avoir lieu après la masterclass de Daniele Gottardo qui a été riche d’informations et de conseils, et qui a permis aussi d’écouter quelques extraits de morceaux avant le concert qui se déroule le lendemain. La virtuosité et surtout la musicalité de Daniele Gottardo ont conquis et convaincu le public présent ce jour-là qui a pu découvrir ou approfondir différents concepts musicaux. Tout cela incitait à aller au concert qui a d’ailleurs été une très belle réussite avec la présence du trio électrique du guitariste accompagné d’un orchestre d’instrumentistes classiques. A noter également la présence de la guitariste Gretchen Menn durant l’interview, une bonne surprise de voir cette artiste supportant Daniele Gottardo, l’occasion de passer un bon moment avec deux guitaristes de talent et de classe !

Aujourd’hui tu es en France pour le festival Guitare en Scène, es-tu déjà venu en France auparavant pour jouer en concert ?

C’est la première fois que je viens en France pour jouer en concert et j’en suis très heureux, mais je suis déjà venu auparavant, c’était pour visiter le pays, notamment Paris avec des amis.

Que penses-tu d’un festival comme Guitare en Scène qui met la guitare en avant ?

Génial ! Je pense que c’est un merveilleux festival. Je suis très honoré d’être programmé cette année où il y a de grands noms de guitaristes qui ont marqué l’histoire de la guitare, cela allant de Carlos Santana à Steve Vai et Joe Satriani.

Tu as une approche très personnelle de la guitare. Peux-tu nous parler de tes influences musicales ?

Au début, j’étais influencé par le rock classique comme Kiss avec notamment un apport visuel en plus de l’apport sonore. J’ai été très marqué par les arts visuels, graphiques, avant la musique. Une fois plongé dans la musique, j’ai voulu étudier encore plus la guitare, et donc je me suis mis à écouter des guitaristes techniques comme Yngwie Malmsteen, Steve Vai et Joe Satriani qui tous deux jouent cette année à Guitare en Scène, et je suis vraiment très heureux et honoré de jouer dans le même fantastique festival qu’eux…

J’ai été très vite intéressé de savoir comment la musique fonctionne, connaître l’harmonie classique, les différents concepts d’harmonie, la musique classique, la musique contemporaine, le contrepoint… Je peux citer notamment Schoenberg dans mon étude de l’harmonie, ce qui m’a permis de voir différents chemins concernant l’harmonie et de ne pas tomber dans des choses systématiques… J’ai sorti mon premier album Frenzy Of Ecstazy où on peut entendre un peu cela avec le rapprochement du son de la guitare rock moderne avec différents concepts d’harmonie, des influences classiques… Ensuite j’ai développé encore plus mon étude de l’harmonie, la musique orchestrale, la musique d’orchestre de chambre, c’est ce qu’on peut constater avec mon deuxième album Non Temperato. C’est un développement naturel pour moi, ça m’a permis de composer non seulement pour la guitare, mais aussi pour tout un orchestre.

J’ai essayé de trouver une autre façon de faire de la musique de guitare instrumentale, faire autre chose qu’un trio par exemple. Je ne veux pas utiliser la guitare seulement comme la voix principale, mais je veux l’utiliser de différentes manières avec différents sens et rôles. Mon premier album était typiquement un album de guitare, avec la guitare toujours en avant. Depuis il y a eu une évolution, notamment avec ce que j’ai développé en contrepoint et harmonie, avec les différentes places que je peux donner à la guitare selon les compositions, les autres solutions que j’essaie de trouver.

Concernant la guitare instrumentale, le risque est qu’on arrive à une certaine saturation de son langage dans les compositions. C’est naturellement que j’ai pris cette direction. Je développe aussi des choses avec le langage du jazz, du bebop, le son de la guitare rock moderne, j’essaie de mélanger différentes choses, de faire quelque chose d’hybride. Cela concerne un autre projet que j’ai en trio, avec une approche moderne du bebop avec du rock. On retrouve d’ailleurs la section rythmique du trio avec l’orchestre et moi-même sur scène pour Non Temperato. Le trio s’appelle The Nuts. J’essaie toujours de sortir de ma zone de confort musical.

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 ©Alexandre Coesnon

D’après ce que tu dis, tu es assez dans un esprit de fusion musicale en t’inspirant de différents styles musicaux ?

Tout à fait ! Si on parle de fusion consistant à mélanger différents styles et concepts, on peut dire que je fais de la fusion. Par contre, ce n’est pas de la fusion dans le sens qu’on peut entendre dans le jazz notamment avec Chick Corea, Uzeb… J’aime ce style musical, mais je n’ai pas ce son typique dans mes compositions.

Qu’as-tu ressenti quand un guitariste comme Steve Vai t’a cité comme un de ses guitaristes actuels préférés ?

Je me suis senti très honoré… C’était inattendu, cela a été une surprise pour moi… Nous nous connaissons avec Steve Vai depuis plusieurs années maintenant, cela depuis le concours Guitar Idol de 2009… Environ 7 ans donc… Je suis heureux d’avoir capté son attention, car je le considère comme un guitariste très important, un guitariste qui a fait évoluer le langage de la guitare, la guitare électrique… Il fait beaucoup pour supporter la guitare et les guitaristes… Avec des concepts comme le G3 ou Generation Axe, il apparaît vraiment comme un ambassadeur de la guitare comme le dit si bien Gretchen Menn. Il a un rôle très important dans la définition de la guitare électrique moderne. J’ai été très honoré de ce qu’il a dit sur moi.

Peux-tu nous décrire ton style musical en quelques mots ?

Ce n’est peut-être pas très facile pour les gens de trouver quel est mon style musical… Au jour d’aujourd’hui, je fais des compositions pour guitare électrique. Je fais actuellement des compositions où la guitare n’est pas forcément l’instrument principal ou la principale voix. Bien sûr, j’ai passé beaucoup de temps à jouer de la guitare et j’aime cet instrument, j’aime composer pour la guitare. On peut parler de fusion dans le sens où je mélange différents styles et concepts musicaux. Ou mieux encore, on peut dire que je fais quelque chose d’hybride, de la musique hybride. Ou sinon pour décrire mon style musical, je peux dire tout simplement que c’est moi.

Quelle est ta définition de la musique ?

Je pense que la musique peut avoir beaucoup de sens différents. Pour certaines personnes, ça peut être du divertissement, du loisir, comme la musique qu’on écoute en discothèque pour danser, s’amuser. Je sais que pour pas mal de gens, la musique c’est juste du divertissement. Pour moi, la musique est un langage. Et il y a différents langages dans la musique. J’aime les langages du rock, du jazz, de la musique classique, de la musique contemporaine… Il y a de nombreux langages dans la musique, et j’aime bien les découvrir, les développer, les mélanger, et ainsi trouver de nouvelles solutions. J’aime aussi la musique en tant que simple divertissement, comme par exemple en allant en discothèque et en écoutant David Guetta qui est très bon dans la musique faite pour simplement se divertir.

Tu as donc sorti deux albums en solo. Quels sont donc tes projets actuels et futurs ?

J’ai un projet en trio avec pas mal de reprises de morceaux différents pouvant aller de Charlie Parker à Jimi Hendrix et Nirvana. Le trio en question c’est The Nuts, l’album s’appelle Giant Nuts. Je ne suis pas un puriste, j’aime des artistes et styles aussi différents pour différentes raisons. Je veux aussi continuer la direction prise pour Non Temperato avec encore plus de composition classique, plus d’arrangement pour orchestre symphonique, je veux faire quelque chose de plus élaboré. Peut-être faire aussi des compositions sans guitare. Mais je n’ai pas d’idée claire sur ce que je vais faire pour le moment et je ne veux pas en avoir. J’essaie de rester spontané et naturel dans la direction musicale que je prends, j’essaie d’être sincère dans ma démarche. Bien sûr, tout cela nécessite beaucoup de travail, mais je ne force pas les choses.

Quels styles musicaux et quels musiciens écoutes-tu aujourd’hui ?

J’écoute beaucoup de choses différentes, du jazz classique mais en particulier du bebop car je veux développer ce langage. J’écoute aussi du jazz moderne, par exemple le saxophoniste Chris Potter. J’écoute beaucoup de musique classique, du baroque italien comme Arcangelo Corelli. Quand je composais Non Temperato, j’écoutais beaucoup de musique classique de tradition russe. Parmi les compositeurs que j’écoute, je peux notamment citer Anatoli Liadov, Mikhaïl Ippolitov-Ivanov, Reinhold Glière, Lili Boulanger... J’écoute aussi de la musique d’aujourd’hui comme de l’eurodance, de la dance music, juste pour me vider la tête quand il faut.

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©Alexandre Coesnon

Que penses-tu de la guitare instrumentale aujourd’hui ?

Ce n’est pas facile de faire de la guitare instrumentale aujourd’hui. J’aime beaucoup de différents guitaristes qui font de la musique instrumentale comme Kurt Rosenwinkel, Pasquale Grasso, Mike Moreno. J’aime bien certaines idées de Tosin Abasi, spécialement pour ce qui concerne le timbre, son utilisation du registre grave, son utilisation du son… Quand j’écoute du metal moderne, j’entends surtout des choses intéressantes dans le timbre, le rythme, pas forcément dans l’harmonie… Cela manque d’harmonie, parfois je n’entends pas d’harmonie, ou j’entends des notes qui me semblent aléatoires. J’aimerais bien qu’il y ait plus d’harmonie, en tout cas il y a beaucoup de choses intéressantes dans le rythme, le timbre, le son. Pour le reste, ma petite contribution est d’essayer de mettre la guitare électrique dans de nouvelles perspectives. Je travaille par exemple pour le prochain album de Gretchen Menn qui est présente ici, et je pense que cet album peut être une surprise dans le monde de la musique de la guitare instrumentale.

Quelle est la guitare de tes rêves ?

La guitare que j’ai ! Je joue dessus depuis environ vingt ans ! J’en suis satisfait même si elle a ses limites. Elle a connu une renaissance après un travail de lutherie, j’en suis très satisfait. Fabio Gobbi et Michele Migi sont les luthiers qui ont permis cette renaissance.

Peux-tu nous parler de ce que tu utilises comme matériel musical ?

Je reste surtout concentré sur l’instrument lui-même, sur la guitare. J’évite d’avoir trop de matériel en dehors de la guitare, j’essaie de la voir comme un instrument classique. J’utilise la guitare, un ampli, un delay, un accordeur… Je veux jouer avec le plus de dynamique possible sur l’instrument, je joue de la guitare en contrôlant le volume juste avec le bouton de volume qui est sur la guitare. Je joue en n’ayant qu’un seul son, juste en utilisant le volume. Je veux être le plus direct possible avec mon instrument, je ne veux pas avoir un tas de pédales d’effets, je veux être en contact direct avec la musique.

Tu vis aux USA et en Italie. Peux-tu expliquer pourquoi tu as décidé de partir vivre aux USA ?

Je voulais avoir de nouvelles expériences, de nouvelles connections. L’Italie est connue pour la musique classique, il y a une vraie tradition pour cela. Mais il n’y a pas de véritable culture pour le rock, même s’il y a de très bons guitaristes. Aux USA, il y a une véritable culture du rock avec la guitare électrique et la musique instrumentale rock.

Avec ton expérience, que peux-tu dire aux musiciens qui veulent développer leur propre musique ?

Je peux dire que ce n’est pas facile aujourd’hui, mais il faut suivre sa passion. C’est difficile, mais s’il y a de la passion, de la volonté, de la persévérance, on peut faire sa propre musique sans concessions. Cela peut être aussi comme un combat envers soi-même.

Je ne sais pas si tu as vu le dernier film sur la vie de Paco de Lucía. Un des messages qu’on peut retenir du film selon moi, c’est que les musiciens doivent jouer leur propre musique pour vraiment se réaliser. C’est le but ultime, l’essence de la musique. Que penses-tu de cela ?

Je suis d’accord avec ça.

On ressent cela dans ta musique, cette passion, cette envie de pousser les limites, de donner le meilleur de soi-même…. Pour finir, tu peux dire ce que tu veux !

Merci Rictus.info !

L’image d’emblème a été prise par Jacques Apothéloz, dans le cadre du magazine Daily Rock

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