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Maykel Blanco y su Salsa Mayor

dimanche 3 juillet 2016 par Jessika Joguet rédaction , Pierre Brac rédaction CC by-nc-sa

Entretien

Maykel Blanco est un auteur, compositeur et musicien cubain qui a pris la direction du groupe de Timba « Salsa Mayor » en 2004. Aujourd’hui c’est un groupe de Timba (salsa cubaine) incontournable, composé de 14 musiciens qu’on surnomme la maquina de Cuba. Maykel Blanco, directeur d’orchestre, nous révèle une partie de sa recette magique et nous en apprend plus sur la musique cubaine.

Ton groupe fait maintenant partie du Top 5 de la salsa à Cuba. Comment arrives-tu à maintenir ta musique dans l’actualité malgré la déferlante Reggaeton ?

Je crois que Salsa mayor est un groupe qui est passé à la mode et s’y maintient en s’attachant à ce que sont ses racines mais toujours en les amenant aux temps contemporains

Nous y arrivons en faisant un songo, un son, [1] à notre manière. Une manière plus contemporaine, plus fraîche, où nous la mélangeons avec différentes sonorités qui peuvent entrer dans notre actualité. À l’heure de composer, nous gardons une grande attention aux paroles que nous utilisons. J’aime beaucoup utiliser l’argot cubain contemporain.


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Maykel Blanco y su Salsa Mayor - Palladium, Geneve
© Pierre Brac

La musique cubaine, durant toute sa vie, s’est fait connaître, s’est commercialisée et maintenant arrive dans le monde entier. Nous essayons de maintenir l’essence, mais en apportant l’air du temps.

Je crois que le reggaeton, est un autre genre. Je répète tout le temps que tout ce qui a une influence dans le public, c’est pour quelque-chose.
Pour conclure, je crois que beaucoup de travail, beaucoup de sacrifice, et de croyance, font le résultat qu’a aujourd’hui Salsa mayor

Comment expliquerais-tu la personnalité de la timba par rapport aux autres salsas ?

La timba est une musique un petit peu plus agressive que d’autres facettes de la salsa comme la new-yorkaise, la portoricaine...

Car nous les cubains, il y a quelque-chose qui est lié à la réalité, que nous (les musiciens) vivons plus des concerts live que de la vente de musique. Alors, la tendance pour un disque, est que la musique soit un peu plus tranquille parce qu’elle est faite pour ça, pour la vendre sur disque. La vente de disque est en baisse, mais les concerts se maintiennent.

Nous faisons cette musique pour que le public danse. Nous nous efforçons de trouver un bon milieu entre vendre des disques et danser en live. Mais je pense que la musique cubaine est excellente en live, elle est mieux pensée pour que le public danse, et non pour que le public écoute.
Et ceci est la différence entre une salsa et l’autre.


    Ambiance du concert

    D’abord, la lumière froide. Noyées dans les fumigènes, 14 silhouettes nous tournent le dos. On entend le piano, puis la musique est nourrie par chaque musicien, qui se retourne l’un après l’autre. C’est au tour de la contrebasse, puis les congas, la clave, la batterie, les cuivres enfin.

    Le rythme est donné. Il monte dans les jambes, les corps. Alors seulement les chanteurs nous font face. Ils sont quatre, la rumba des pieds au sommet du crâne. Le ton s’affirme et les bras se lèvent. Déjà, le public chante, danse, que des sourires sur les visages.

    Les lumières sont maintenant chaudes comme les teintes de la timba. C’est Cuba qui s’invite à Genève. Sur scène, le Salsa mayor nous offre en bonus un festival de danse.

    Les musiciens se répondent, la timba est leur royaume, leur chez eux, elle les transcende ; mais ils nous invitent au voyage. Le but, attirer coûte que coûte l’attention du danseur, aucune baisse d’intensité n’est permise. Nos corps bougent tout seul, emportés par tant de générosité et tant de soleil.

    Sur la gauche, des chorégraphies s’improvisent. A l’arrière des couples se forment pour danser. Impassible ? Impossible ! Maykel Blanco y su Salsa Mayor c’est de l’énergie à l’état pur, communicative et solaire.

    Jessika Joguet

Ici, le public non initié a une idée de la salsa influencée par la musique de Buena vista social club. Une musique traditionnelle. Comment arrives tu à produire une musique si dynamique et festive tout en t’inspirant de ces musiques traditionnelles ?

C’est un travail de toute une vie. Buena vista social club n’est rien de plus qu’un reflet de ce qui s’est fait dans les années 40-50 à Cuba, qui retourne vivre à cette époque. Mais bon ils sont pratiquement les mêmes chanteurs, les mêmes musiciens.

Si nous sommes des musiciens qui défendent ce qui s’est fait, eux furent à des moments plus favorables de la musique cubaine des années 40-50, car ils avaient un marché différent de celui que nous avons aujourd’hui. Une production différente et abordable qu’on peut dire sociale.

Je crois que la musique évolue constamment jusqu’à aujourd’hui. Mais bien-sûr, nous sommes partis du son. Le son qui est la racine forte que nous n’avons jamais perdue. Parce-que notre musique, nous l’avons dans le sang. Et pour beaucoup, nous l’aimons, l’approchant toujours plus, la transformant en ce que suit la société aujourd’hui. Ce qui veut dire que nous allons diffuser notre essence.

Prenons par exemple notre nourriture, le congri. Chaque fois que nous allons manger un congri, nous voulons le changer avec des condiments. C’est la même chose.

Beaucoup d’interaction avec le public lors des concerts de la maquina de Cuba ! C’est aussi une marque de la cubanité ?

La Salsa mayor est un orchestre qui se dédie à sa musique, au mieux possible. Nous défendons toujours notre cubanité, nous nous préoccupons aussi beaucoup de ce qu’est le spectacle.

Regarde : si on veut se mettre à la place d’une personne qui vient de sa maison. Elle va à un concert. Elle paye tout ce qu’il y a à payer. Pas seulement l’entrée, mais aussi les transports etc. La note, que cette personne doit sortir avant de partir de sa maison, c’est quelque-chose qui attire l’attention.

Le spectacle est important car il est loin. Nous les musiciens sommes avant tout des artistes. Ce que nous devons faire, c’est une représentation. Et Salsa mayor se préoccupe beaucoup de donner un spectacle indépendamment à la musique qu’il fait.

Car si j’aime seulement la musique, je m’achète le disque, je me l’écoute à la maison et je ne vais pas à un concert. Alors c’est quelque-chose à prendre en compte.

Interview réalisé (et traduit) par Pierre Brac en marge du concert au Palladium dans le cadre du Tropical Pasaporte

Notes

[1Genres musicaux traditionnels cubains

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