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Carvallo en cavale

jeudi 20 mars 2014 par François Habran rédaction CC by-nc-sa

Michel Carvallo, “Carva“ pour les intimes, n’est plus depuis dimanche 16 mars 2014 dernier. C’est le cœur qui a lâché, probablement d’avoir trop battu la chamade. Il avait 79 ans.

Pour ceux qui ne savent pas de qui il s’agit, Michel Carvallo avait fondé Annecy Jazz Action en 1969. Une association qui avait apporté un relief soudain dans la jazz platitude culturelle de nos montagnes.

Nous ouvrons nos colonnes a tous ceux qui souhaitent lui rendre un hommage. Michel vivait en Corse avec sa compagne Dominique dont il avait adopté la fille.

Mais pour nous, ce marseillais d’origine, visiteur médical en rupture de banc, laisse avant tout à Annecy un impérissable souvenir.

l’AJA, Michel Carvallo et son pavillon du 10 chemin du Maquis à Novel (Annecy) formaient à l’époque les éléments d’une invraisemblable auberge espagnole digne de Crumb —nanas délurées comprises— un joyeux bordel où le téléphone était perpétuellement décroché, où la télé en noir et blanc (son coupé) marchait 24h/24 et où jamais les volets n’étaient ouverts.

On y croisait un peu tout le monde. Du routard sac au dos à des célébrités internationales du monde du jazz, tous les musiciens et les artistes (caractériels et non caractériels) de la région, et à peu près tous les membres du journal Hara-Kiri.

Dans la cave, il y avait une imprimerie clandestine, une bibliothèque alternative emplie d’ouvrages introuvables sur la contre culture, un labo photographique, un atelier de sérigraphie artisanal et tout le matériel de collage nocturne d’affiches.

Devant la porte était garé un tube Citroën déglingué en perpétuelle réparation et dans le jardin on trouvait un barbecue et des bouteilles de rosé ouvertes.

On y refaisait le monde à grands coups de tournois de belote et de tarot pouvant durer toute la nuit. Je n’ai jamais trouvé la porte fermée, même quand il n’y avait personne. A ma connaissance, rien n’a jamais été volé !

Pour le côté économie, je ne me hasarderai pas à expliquer d’où surgissait les réserves de boissons et de nourritures inépuisables, et je me contenterai de rappeler que tout (frigo, télé, tables, gazinière, etc) était peint en rose vif pour décourager les huissiers de pratiquer des saisies. Il faut dire que personne ne travaillait (enfin, n’avait de fiche de paye).

En gros, c’était sympa !

Donc, souhaitons que Michel rejoigne au paradis des mécréants tous les autres disparus de cette époque bénie où on ne faisait pas la différence entre Brassens et le free jazz ni entre un rockeur et un plasticien d’avant garde.

Par amitié, on ne citera pas le bouquin dont il s’était rendu coupable il y a quelques années (Panique à L’Impérial, Asile Éditions) où il retrace cette période avec une mémoire plutôt approximative et une chronologie aussi bordélique que l’évier de sa cuisine.

Toutefois, pour les nostalgiques, le CD réalisé par Pierre Coppier qui accompagne le livre et qui regroupe un grand nombre de documents de l’époque est une perle, un bijou rare et magnifique, et c’est de ce dernier que sont extraites les quelques images du portfolio (sauf la photo de Michel qui m’a été fournie par Odile Wieder).

J’étais un gamin à l’époque, mais ce drôle d’adulte là m’a laissé des traces, et pas qu’à moi. Je propose que l’Avenue d’Albigny (qui, rappelons le fût un temps l’Avenue Eugène Sue) soit rebaptisée Avenue Michel Carvallo.

Avis aux candidats aux prochaines municipales.

PS : Un premier témoignage : Denis Rodi qui fût un temps Président de l’AJA se souvient (voir ici).

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