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Le manga s’empare des classiques

lundi 19 octobre 2015 par Thierry Saint-Solieux rédaction CC by-nc-sa

Chronique

Une adaptation des grands classiques de la littérature, sous la forme de bandes dessinées ? Ce n’est pas nouveau et se fait encore aujourd’hui, avec des approches très variées, souvent passionnantes. Mais une adaptation par des auteurs japonais, avec les codes graphiques et narratifs spécifiques au manga, voilà qui peut renouveler de fond en comble notre lecture de textes bien connus !

Et selon certains, mener un jeune public à cette littérature classique réputée ennuyeuse.

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La culture japonaise, si différente de la nôtre, est aujourd’hui familière à ces lecteurs grâce aux mangas et à leur capacité à traiter avec pertinence des sujets souvent délaissés par la BD européenne.

Différentes approches

Trois éditeurs proposent donc trois approches très spécifiques, qui ont toutefois en commun les traits bien connus de la narration manga : l’abondance des gros plans, les effets de zoom sur des objets ou des parties du corps humain, qui abolissent la distance avec les personnages, ceux-ci semblant s’adresser à nous…

L’éditeur Kurokawa publie donc une adaptation des « Misérables » de Victor Hugo, réalisé par Takahiro Arai, un virtuose dont le trait est expressif, et même expressionniste. Tout est souligné, creusé, avec des protagonistes présentant des profils tranchants comme des lames de couteau. L’auteur n’a pas peur d’une théâtralité exacerbée ! Les tourments intérieurs, les contradictions du personnage principal prennent des formes spectaculaires et presque fantastiques, ce qui n’est pas contradictoire avec l’œuvre d’Hugo, qui est après tout un flamboyant mélodrame…

Chez l’éditeur Ki-oon paraît « le Requiem du Roi des Roses », adaptation du Richard III de William Shakespeare. L’éditeur n’en est pas à son coup d’essai en matière de récit historique : il compte également à son catalogue Ad Astra, racontant l’histoire d’Hannibal et Scipion, et Cesare, celle de Cesare Borgia. Richard est un hermaphrodite adoré par son père, mais détesté par sa mère.

Quand son géniteur, représentant de la maison d’York, entre en conflit avec les Lancaster pour accéder au trône d’Angleterre, Richard va révéler au grand jour son ambition politique qui s’appuie sur un cynisme et une cruauté sans limites. Si l’auteur prend donc des libertés avec le texte et les caractéristiques du « héros », il réussit à installer une atmosphère malsaine très convaincante... et très shakespearienne !!!

Nobi Nobi ! prend une option très différente. L’amateur de bandes dessinées traditionnelles relève immédiatement les traits caractéristiques du dessin de manga, ou plutôt, ceux que l’on énumère quand on veut dénigrer le manga : grands yeux, pauvreté des décors, schématisme des attitudes, cadrages répétitifs…

Des livres accessibles à tous

C’est oublier que le manga ne se résume pas à un type de dessin, comme si l’on résumait la BD franco-belge au « gros nez ». C’est surtout ne pas comprendre que le choix de dessin ne se fait pas au hasard, il vise ici un lectorat très jeune, qui veut qu’on lui parle dans une langue qui lui est familière et immédiatement accessible. S’ajoute une volonté de vulgarisation, avec deux pages de textes soignés qui résument la vie de l’auteur et la spécificité de l’histoire adaptée.

Quant à l’aspect très juvénile des personnages ou la spontanéité de leurs réactions, ne correspondent-ils pas à l’âge des protagonistes ? Ce sont de très jeunes adolescents dans Roméo et Juliette ou Les quatre filles du Docteur March, et même des enfants pour Tom Sawyer !

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