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L’exposition Montreurs d’ombres au musée Chateau d’Annecy est l’occasion unique de découvrir la formidable invention et le travail titanesque d’Alexandre Alexeïeff et de Claire Parker sur la technique des écrans d’épingles.
Alexandre Alexeïeff [1] a vécu les soubresaut du XXme siècle en Russie. Il rejoint finalement la France où il terminera sa vie, à l’exception d’un parenthèse entre l’invasion nazie et 1947.
Il travaille tout d’abord comme graveur et illustrateur et se fait un nom avec des gravures illustrant de la littérature russe, comme « les frères Karamazov » de Dostoïevski, « les mémoires d’un fou » de Gogol , « Docteur Jivago » de Pasternak et encore bien d’autre.
Il est a ce moment là marié à une jeune russe Alexandra Grinevsky, actrice qu’il a rencontré à Paris en 1922 et qui lui donnera une fille Svelltana l’année suivant [2]
Claire Parker nait en 1906 à Brooklin dans le Massachusett dans un milieu aisé.
En 1932 alors jeune étudiante elle se rend chez les Alexeïeff pour apprendre la gravure. Quelques années plus tard elle deviendra sa femme.
Alexandre Alexeïeff avait une obsession : faire de la gravure animée. Il cherche alors pendant plusieurs année un moyen pour arriver à cela. C’est en regardant un autoportrait du peintre Goya qu’il remarque son réseau de traits courts orientés en même sens.
Il réfléchit alors à comment faire pour reproduire la même chose mais en utilisant une approche de graveur. Lui vient alors l’idée géniale de fabriquer un écran d’épingles. Le principe en est simple : un tableau blanc percés de nombreux petits trous dans lesquels coulissent des épingles noires. Un éclairage rasant fait que l’ombre portée des épingles crée un trait plus ou moins long en fonction de l’enfoncement des épingles dans l’écran. Le déplacement des épingles avec des outils et la prise de cliché entre chaque petits déplacements permet de créér une animation image par image. Il crée de 1931 à 1933 son premier écran d’épingles, avec le soutien financier de Claire Parker.
120 cm de large sur 92.5 cm de haut avec 500 000 épingles de 0.9 mm de diamètre et de 2.5 cm de long. Un travail de titan pour le fabriquer.
S’en suit un film d’animation image par image qui a révolutionné le monde du cinéma de l’époque « Une nuit sur le mont chauve ».
Il poursuit tout le reste de sa vie l’amélioration de ses écrans d’épingles avec différents prototypes et écrans en utilisant des fabrications diverses, jusqu’au 2 derniers :
le Junior (Nec = nouvelle écran d’épingles) 52 cm x 39 cm à 240 000 épingles de 0.45 mm de diamètre 1967/1968 qui a été fabriqué et vendu à L’ONF au canada par le biais de Norman Mclaren,qui tenait vraiment à ce que cette invention soit utilisée.
L’épinette en 1970 (presque jumeau du nec) 56.5 cm x 40 cm avec 270 000 épingles de diamètre 0.49mm.
Actuellement Le Nec est le seul écran encore utilisable dans le monde.
Jacques Drouin un québequois a fait toutes sa carrière cinématographique dessus avec entre autre « Le paysagiste
voir »
et« Empreintes »
voir.
Il a ensuite passé le relais à Michèle Lemieux qui a réalisé son premier film en écran d’épingles en 2012 « Le grand ailleurs et le petit ici »
voir
Mais l’exposition cette année à Annecy n’est pas un hasard, en effet Alexandre Alexeïeff à été très actif dans la création du festival du film d’animation dans les années 1960, dont il a d’ailleurs réalisé les premières affiches sur écran d’épingles.
Il a aussi été le parrain de l’atelier de cinéma d’animation d’Annecy crée en 1972 et à un construit un petit écran d’épingle en bois.
Une autre raison de l’organisation de cette exposition cette année est que l’épinette à été rachetée par le CNC et remise en état pour être à nouveau opérationnelle et permettre la réalisation de films dessus comme sur le NEC.
La semaine qui précède le festival d’animation de cette année, un stage organisé par le CNC se tiendra avec des réalisateurs de talents qui ont postulés.
Cette formation sur l’épinette sera dirigée par Michèle Lemieux afin de déceler un réalisateur français ou résident en France qui fera des films dessus. L’épinette à l’issu de ce stage sera, elle aussi, exposée au musée château.
Une démonstration par Michèle Lemieux et Jacques Drouin aura lieu Jeudi 18 Juin à 11h au musée château. A ne pas manquer.
Sachez qu’un livre sera édité pour l’occasion de cette exposition et sera disponible courant juin.
Dans cette exposition vous pourrez retrouver toute la vie d’Alexeïeff évoquée, ses gravures, ses écrans d’épingles et les outils qui servent à les modeler. Traces émouvantes d’un artisanat obstiné.
Vous pourrez vous aussi vous essayer à cette technique avec un petit écran en bois et un application pour filmer image par image sur une tablette numérique (cliquez pour agrandir cette image)
vous découvrirez un autre système incroyable qu’Alexeïeff a inventé :« La totalisation ».
Un outil qu’il a utilisé dans de nombreuses publicités.
Il a recouru pour cela à des pendules qui tournent assez rapidement pour générer un tracé dans l’espace lorsque l’on utilise un appareil photo en pause longue. Modifiant légèrement la hauteur du pendule crée alors des mouvements et des tracés proches de ce que l’on peut voir sur un oscilloscope. Un procédé d’image analogique de synthèse avant l’heure, en quelque sorte.
Cette homme avait de toute évidence un grand esprit créatif.
La salles des colonnes du musée présente les travaux contemporains de ses descendant artistiques.
Avec bien sûr les films et des croquis de Jacques Drouin et Michèle Lemieux, mais aussi Florence Miailhe, Marie Paccou ou Regina Pessoa dont le travail pictural à quelque chose de commun avec le rendu de l’écran d’épingles.
le documentaire ci-dessous a été réalisé lors de la livraison du NEC à l’ONF. Alexandre Alexeïeff et Claire Parker y expliquent l’utilisation de leur écran d’épingles
Toutes photo prises par Alexandre Noyer
Rétrospective du Travail de Parker/Alexandriev
tous les jours de 10h30 à 18h (derniers billets délivrés 45 mn avant la fermeture)
Adulte : 5,20 €, Enfant : 2,60 € (gratuit -12 ans accompagnés d’un adulte) groupe (>5 personnes) : 4 €
Réduction diverses
[1] Il est née à Oufa en Russie en 1901, mais il passe son enfance en Turquie à Constantinople où son père était attaché militaire à l’ambassade russe. Son père se fait tuer par les services secrets allemand et la famille se rend alors à Saint-Pétersbourg en 1906. Il fuit la russie en 1921, traumatisé par les horreurs de la révolution de 1917.
[2] Sveltana nous à quitté il y a quelques mois à l’age de 95 ans et toute sa vie elle aura œuvré pour que l’invention de son père puisse continuer à exister.
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