> Mag > Musique > Émilie Mille Volts médite
La jeune artiste vaudoise Émilie Zoé, de passage à l’Usine à Genève a accepté de discuter après avoir donné un concert bluffant, naviguant entre énergie intense et intériorité sensible.
Comment viens-tu à la musique, ou comment la musique vient-elle à toi ?
Toute petite, mes parents m’ont emmenée voir Henri Dès. J’ai été scotchée de voir ce type tenir la scène, comme ça, juste avec sa guitare et sa voix. L’étincelle est venue de là. Depuis, je n’ai cessé d’écouter de la musique, j’ai commencé la guitare, même s’il m’a fallu plusieurs fois pour m’y mettre sérieusement. Le classique ne m’a pas plu au départ et je suis revenue plus tard à l’instrument, grâce à un professeur qui a su me me faire découvrir, entre autres, les Beatles et d’autres groupes qui m’ont vraiment marquée au niveau de l’écriture.
À quel moment tu décides de porter ta passion à un niveau supérieur et de t’y consacrer professionnellement ?
Ma famille m’invitait plutôt à faire un parcours « sérieux », ce qui m’a conduite à entamer des études polytechniques à l’EPFL, en électronique. Ma motivation n’a pas tenu très longtemps, d’autant que j’ai eu l’occasion de croiser prendant cette période des gens qui vivaient de leur musique et c’est là que je me suis dit : « Ah bon, alors c’est donc possible... ».
Je crois qu’au fond, ce qui m’avait attirée dans cette filière, c’était d’arriver un jour à comprendre comment fonctionnent les amplis, les guitares, tous les petits mystères du son. Mais j’ai arrêté bien avant d’en être arrivée à ce niveau et je me suis mise à écrire des chansons, cela fait six ans aujourd’hui. J’ai eu le chance que mes proches m’accompagnent et me soutiennent dans ce choix, ils me suivent de très près au quotidien.
Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ce métier tout neuf, que tu découvres un peu plus chaque jour ?
Je crois que c’est l’intensité... Pouvoir partager sur scène ce genre d’émotions, faire de chaque rencontre un moment unique, magique et se rendre compte que l’on peut ainsi toucher les gens, c’est ce qui me fait avancer. Parfois, les gens viennent me voir après un concert et me disent simplement : « Merci ». C’est juste bouleversant.
Et à l’inverse, y ’a-t-il des aspects plus négatifs, qui s’éloignent un peu de ton idéal premier ?
Honnêtement, aucun. Tout me plaît dans ce que je vis. Les temps forts, bien sûr, mais aussi les temps creux. Quand je ne joue pas, par exemple, je monte des sonos, je bricole sur scène, et j’adore toute cette dimension off. L’envers me fascine tout autant que le devant de la scène...
Le seul aspect qui pourrait parfois me peser un peu, c’est la fatigue des déplacements. On rentre d’un concert à Vendôme, qui s’est super bien passé, mais le retour, c’est toute la nuit sur la route.
Tu ne considères pas cette fatigue comme un état potentiellement inspirant, qui favoriserait certaines sensations ?
Ben en fait, pas du tout. Je n’écris jamais en tournée. J’aime mieux être posée. Je fais partie de ces gens que cela ne dérange pas de n’avoir rien à faire et de laisser du temps à ses impressions. Je n’ai pas besoin d’une tension hyperactive pour créer, je ne culpabilise pas ces temps de repos, d’écoute et les tournées n’en aménagent pas tant que cela.
Dans le concert, dont tu sors à l’instant, on a pu entendre une musique faite de contrastes, où une douceur subtile se mêle à une puissance hors norme. Comment parviens-tu à concilier ces multiples facettes ?
Cela n’a rien de réfléchi. Ça s’impose naturellement à moi. C’est ce que je recherche dans les concerts que je vais voir, donc c’est là que je me dirige tout simplement. Il y a pour moi autant de puissance dans la douceur que dans les parties plus « sonores ». J’aime tout particulièrement quand on sent que ça peut partir à n’importe quel moment... Pour moi, la plus grande cohérence, c’est la simplicité.
Pour moi, la plus grande cohérence, c’est la simplicité.
La plupart des chansons sont en anglais, pour quelle raison ?
C’est la langue principale dans laquelle j’ai écouté la musique pendant toutes ces années, et elle est devenue au fil du temps la langue de mes émotions. Il m’arrive très souvent de me surprendre à exprimer une sensation ou une idée spontanément dans cette langue, donc c’est tout naturellement que mes chansons s’écrivent ainsi.
Quand tu composes, c’est d’abord un texte, une musique ou une idée ?
En fait, c’est un peu tout en même temps. Je n’ai pas de protocole bien défini. Mon téléphone portable est rempli de lignes de guitares que je mets de côté pour plus tard, parce qu’à un moment où à un autre, elles me plaisent. Quand j’ai des lignes de texte écrites, je les confronte à ce matériau, un peu au hasard et je conserve ce qui fonctionne.
D’une manière générale, je suis une obsédée par la mélodie. Il y a certaines mélodies, même anciennes, qui continuent de me procurer une émotion maximale, ça fait quelque chose d’indescriptible, genre : « friiiigh », à te dresser les poils, comme ce morceau des Beatles, « For no one ». À chaque écoute, c’est le même effet et j’essaie, dans mes propres musiques, de viser cette pureté mélodique.
Tes chansons parlent beaucoup de lieux et semblent hantées par des images...
En effet, j’écris beaucoup à partir d’images. D’une manière générale, je m’intéresse beaucoup à l’image, c’est aussi un domaine artistique qui m’attire, je fais mes petits montages de groupes de potes qui enregistrent... c’est quelque chose que j’aime faire. Du coup, quand j’écris, j’ai à l’esprit certains flashes. J’aime beaucoup le train pour ça, et le défilé des images qui s’offrent...
À un moment du concert, j’ai cherché le bassiste...en vain. Le morceau sonnait plein, mais je ne voyais pas d’où provenait la puissante ligne de basse...Tu utilises un looper ?
Non. En fait, tout vient du travail que j’effectue sur ma guitare. J’utilise en permanence deux amplis, dont un basse et tous les morceaux reposent sur des open-tunings différents, ce qui me permet de dégager des lignes de basse très originales, sans forcément recourir à un musicien.
À ce propos, sur scène ce soir, vous étiez deux...
Au début, on jouait à quatre.
Le choix de revenir à quelque chose de plus épuré est volontaire et assumé. Ce minimalisme nous contraint à explorer dans toutes les directions, aussi bien du côté de nos instruments que sur le plan de notre affinité, qui s’intensifie au gré de chqaue concert. Au départ, simplement batteur, Nicolas Pittet est devenu choriste, puis claviériste et de mon côté c’est la même chose, je pousse de plus en plus loin la recherche sur mes instruments et la puissance de ce qui se noue est toujours très surprenante et une véritable source d’inspiration.
Combien de temps pensez-vous rester sur une telle formule ?
En fait, aussi longtemps qu’elle nous procurera autant de plaisir et à vrai dire, j’ai l’impression que ça peut encore durer longtemps tant elle est propice à la création à l’intensité. On va « essorer ce concept » jusqu’au bout, si j’ose dire, même si il semble en réalité presque infini.
Quels sont tes projets pour la suite ?
Continuer sur cette voie !! J’aimerais peu à peu découvrir de nouveaux horizons, et commencer à toucher de nouvelles scènes, d’autres pays, pour poursuivre ma rencontre avec d’autres publics. La France commence à s’ouvrir, et l’Allemagne pourrait suivre...Je me suis déjà fait une petite place en Suisse, ce qui me réjouit, mais je souhaite dépasser ces frontières.
J’aimerais ne jamais me lasser et rester aussi longtemps que possible sur cette ligne fragile où tout est si savoureux !
Dans le cadre du Festival Les Créatives
20.- CHF / 15 (réduit) / 12 (carte 20ans)