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À grand pouvoir, grandes responsabilités

mercredi 21 mai 2014 par Thierry Saint-Solieux rédaction CC by-nc-sa

Tonino Benacquista est un écrivain prolifique et protéiforme. Si son inspiration ne lui dicte pas plus d’une soixantaine de pages, il écrit une nouvelle. Deux personnages qui s’affrontent ? C’est parfait pour une pièce de théâtre. Des images dont la description par les mots lui semble ennuyeuse ou fade ? La bande dessinée s’impose !

Dans Cobayes, paru chez Dargaud, c’est le geste du peintre, créant de la beauté là où l’instant d’avant il n’y a rien, qu’il trouve si bien rendu par le crayon de l’excellent Nicolas Barral. Ces deux auteurs nous amusent énormément dans les albums de Dieu n’a pas réponse à tout, où ledit Dieu se penche avec bienveillance sur le sort d’hommes et de femmes dans le malheur, en renvoyant sur terre des personnages célèbres et talentueux pour venir en aide aux pauvres mortels.


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Dans Cobayes, le ton est plus amer : c’est une fable contemporaine mettant en scène deux hommes et une femme testant une nouvelle molécule pour le compte d’un gros laboratoire pharmaceutique. Trois personnages en détresse : Romain est un éjaculateur précoce à la vie sentimentale désastreuse. Daniel perd la mémoire, ce qui représente une menace pour son emploi et sa vie de famille.

Et Moïra est une artiste peintre ratée, en premier lieu aux yeux de son père, professeur d’arts plastiques. La première partie de l’album, précisément documentée, trouve son origine dans un témoignage recueilli il y a longtemps par Benacquista auprès d’un étudiant en médecine.

Tout le processus clinique est détaillé, y compris au niveau des effets secondaires plutôt pénibles. Dans cette histoire, le médicament testé n’est qu’un anxiolytique non perturbant qui n’a pas vocation à transformer la personnalité en profondeur, mais c’est pourtant bien ce qui advient : la faiblesse des cobayes devient leur force !!!

Inversion

Romain se révèle être un séducteur inépuisable qui multiplie les conquêtes féminines, Daniel acquiert une mémoire absolue qui lui permet de gagner à coup sûr au casino, et Moïra est du jour au lendemain l’artiste à la mode dont les toiles se vendent à prix d’or dans les galeries. Habilement, les personnages symbolisent trois domaines qui fascinent chez l’être humain : séduction, mémoire et créativité ce qui rend l’identification toute naturelle pour le lecteur.

Et bien sûr, les catastrophes arrivent, car les personnages agissent avec légèreté et inconséquence, grisés par leur nouveau pouvoir. On frôle le drame, mais le côté comédie reste présent grâce aux dialogues vifs et acérés.

Un personnage prend de l’importance au fil du récit : le médecin responsable des tests, effaré par les effets non prévus de la molécule. Ses patients deviennent des monstres au sens propre du terme, prêts à tout pour obtenir leur dose. Leur discours est particulièrement culpabilisant pour le vieux médecin, figé dans ses principes : la molécule ne créant pas d’effets secondaires pourquoi l’interdire ?

Et comment passer à côté d’une vie de bonheur, qui tient à une petite gélule. On peut craindre des comportements irresponsables s’il n’y a plus d’inhibitions, mais sont-elles constitutives de la personnalité de chaque être humain, et sont-elles forcément néfastes ? La fin de l’album, particulièrement ouverte, laisse en suspens ces questions...

Questions à poser au Pape François, testeur de produits pharmaceutiques dans sa jeunesse : un homme qui a plutôt réussi dans la vie !

<cite|livre|titre=Les Cobayes
|auteurs=Tonino Benaquista (scénario) / Nicolas Barral (dessin) / Philippe de la Fuente (couleurs)
|editeur=Dargaud
|annee=2014
|pages=90
|isbn=9782205063264
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Billet paru initialement sur actualitté.com

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