> Mag > Musique > Accords voyageurs au Romandie
Nous nous sommes rendus le 9 mars 2016 au Romandie pour aller faire connaissance avec la musique de Stranded Horses et surtout aller écouter Matt Elliott que nous avions vu en 2012 à l’occasion de l’Impetus Festival [1] – qui d’ailleurs renaît de ses cendres en mai de cette année. Une soirée unplugged et folk sous cette arche de pont transformée en salle de concert.
Sous le nom de Stranded Horses se dissimule en réalité Yann Tambour un musicien français qui a déjà fait ses armes sous la bannière d’Encre. […]. C’est donc complètement ignares de sa musique que nous le voyons débarquer sur scène accompagné de Boubacar Cissokho, un artiste nous arrivant, littéralement comme on l’apprendra par la suite, du Sénégal.
Yann Tambour salue brièvement la foule précisant après avoir fait une vanne à froid qu’il ne fallait pas l’encourager dans ce domaine – ce qui se confirmera par la suite – trahissant un léger stress semble-t-il. C’est de bon augure ! Ils sont armé d’un instrument étrange qui se nomme une kora : il s’agit d’une harpe ayant une demi (voire un peu plus) calebasse comme caisse de résonnance. Ils entament alors un titre qui est en fait une reprise improbable : « Transmission » de Joy Division. Après cette reprise, Yann passe à la guitare folk acoustique tandis que Boubacar reste à la kora et vient ajouter ses arrangements aux titres du Français.
Le public écoute religieusement, si ce n’est deux bavards qui vont se faire humoristiquement remettre en place lorsqu’entre deux chansons, le Français va demander à la régie à ce qu’ils soient moins présents dans les retours car il n’entend plus ce que joue Boubacar ! C’est vraiment à écouter et en plus nous avons été chanceux car ce dernier n’avait pas pu être présent au début de la tournée et venait enfin de rejoindre la tournée. Cela a été une formidable occasion d’entendre les arrangements folks, parfois un peu jazzy de Stranded Horses accompagnés du travail de virtuose de Cissokho sur cet instrument assez rare. On soulignera encore la générosité du groupe qui a joué pas loin d’une heure.
Et pour une fois je suis étonné du son au Romandie. D’habitude je ne vais pas souvent là, d’une part parce qu’il est rare que le programme m’intéresse – question de goût – et surtout parce que le son est franchement dégueulasse – de l’avis de nombreux aficionados qui y vont néanmoins pour y voir se produire les artistes. Comme écrit plus haut, la salle est bâtie sous l’arche d’un des ponts de Lausanne : toutes les parois sont faites de pierres et qu’il n’y a pour ainsi dire rien qui absorbe le son si bien que les ondes sonores sont réfléchies par les parois dans toutes les directions. Mais ce soir, en acoustique le son est net, précis et une fois n’est pas coutume d’un volume adapté à l’architecture des lieux !
A peine le temps d’aller chercher une bière pour les uns et encore moins celui d’aller fumer une clope pour les autres que voilà déjà Matt Elliott qui s’installe sur scène. Connu depuis le milieu des années nonante sous le nom de The Third Eye Foundation sur la scène électro, il publie sous son nom des albums acoustiques emprunts de mélodies slaves : il s’est effectivement intéressé à cette musique depuis longtemps et s’est empreint de cette âme slave pour l’incarner dans sa propre musique.
Il s’agit d’arrangements faits de samples de ce qu’il joue sur sa guitare acoustique et de sa voix. Si parfois on peut avoir l’impression que ces couches successives passent du folk au pompeux, force est de constater que plus on va en avant avec les albums plus l’orchestration est subtile et minimaliste – loin d’être simpliste – pour aller à l’essentiel. D’ailleurs sur son dernier album, The Calm before, apparaissent d’autres instruments qu’il est peu courant d’entendre chez cet anglais.
Dans sa musique il a l’art de mêler les clairs obscurs : il mélange une approche d’écorché dans laquelle il module sa voix passant d’une voix profonde et grave à une tessiture plus claire, mêlant parfois les deux à l’aide de sa loop station.
Ce soir, il l’admet lui-même un verre de whiskey – c’est un excellent remède ! – à la main, sa voix est fatiguée. On ne le remarquera presque pas si ce n’est une fois où il force un peu le volume. Il mélange l’ensemble de ses titres et on a droit même à une reprise de « I put a spell on you », standard du blues de Screamin’ Jay Hawkins, mais à la Matt Elliott à savoir bien plus sombre que l’original. Il ne s’agit pas de musique pour aller « shaker le booty » le samedi soir : il s’agit d’une ballade dans son univers lyrique empreint de nostalgie. Ce soir, il a joué entre autres : « ’The Kursk », « I only wanted to give you everything ». En rappel il a fait une reprise de Dick Dale en reprenant la fameuse « Misirlou ».
En voilà une très belle soirée, devant un public clairsemé.
Article initialement paru sur Lords of Rock
[1] Festival à cheval entre Franche-Comté et Lausanne