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Anarchie au Royaume-Uni

mercredi 12 juillet 2017 par Séverine Conesa rédaction CC by-nc-sa

Chronique

Élevé en Irlande, Nik Cohn découvre son pays natal à la pré-adolescence. Considéré comme l’inventeur de la rock critic et l’inspirateur du film La Fièvre du samedi soir, il conservera toute sa carrière un attachement pour les exclus de tous bords. En 1999 il décide de parcourir l’Angleterre profonde à la rencontre des marginaux et précaires qui survivent sur ces territoires désolés.

Accompagné de Mary, une jeune chercheuse en Doc Martens, il part à la rencontre du « réseau des déglingués ». Les exclus se font initiés et invitent nos deux explorateurs à entrer dans leur quotidien, à partager leurs joies et leurs peines. Au fil de ce périple parfois mouvementé Nik Cohn révèle le côté obscur de l’Angleterre : il rencontre une femme amoureuse, un marin d’eau douce, un jeune pakistanais, des rastas, des punks, des supporters de foot, des musiciens de rue, des adeptes du karaoké, des nomades, des squatteurs, des fachos, des bikers, des prédicateurs de toutes sortes et même un sosie chinois du King, prénommé Elvis Chan !

Certains lieux, que l’auteur n’avait pas revu depuis les années 60, sont en pleine décrépitude. L’explosion du taux de chômage depuis la fermeture des usines et mines, la banalisation de la violence, l’augmentation du repli sur soi et l’éclatement du lien social en sont les causes principales. Devenues simples cités dortoirs ou monuments du patrimoine pétrifiés à destination des touristes, nombreuses sont les villes anglaises qui ont perdu leur âme.

L’auteur explore les marges d’une société en plein déclin, constatant les dégâts causés par l’absence de politiques publiques et le retour fracassant des religions, seul recours pour certains. Alors que la reine est là, toujours vivante, et que la techno a remplacé le punk c’est toute une partie de la population qui est privée de futur... heureusement restent les beuveries et les fêtes gargantuesques pour oublier la misère.

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Extraits :

« A défaut de jouir d’un présent viable, la ville est avide de vendre son passé. Tout ce qui n’a pas été détruit a été transformé en parc à thème. » (p. 171)

« Ce qui le déconcerte c’est la colère noire que provoque l’art public. Les gens sont assis devant la télévision et voient les pires atrocités sans un murmure : guerres, famines, génocides. Mais qu’ils sortent promener le chien et qu’ils trouvent un bout de graffiti, un nuage de peinture sur un bloc de béton, et les voilà en train de cracher leur fureur. » (p. 304)

« Un Dieu mène à un autre. Certains jours, en parcourant la ville, il me semble rencontrer une nouvel version du Tout-Puissant à chaque carrefour. Les familiers, ceux qui attirent le plus de monde, comme les Témoins de Jéhovah et les Playmouth Brethren, disputent l’espace aux rastafariens, aux odinistes, aux wiccans, aux zoroastriens. Vers 2002, le nombre des musulmans pratiquants en Angleterre aura dépassé celui des anglicans. Je lis qu’il y a aussi deux cents cinquante mille païens et cinquante mille satanistes. La République est une Babel. Elle a le don des langues. » (p. 432)

Anarchie au Royaume-Uni  ; mon équipée sauvage dans l’autre Angleterre, de Nik Cohn, Éditions de l’olivier, 2017
21,50 euros ou empruntable à la médiathèque Bonlieu avec votre carte d’abonnement

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