> Mag > Cinéma > Annecy 2012 - Jour 2
Cette deuxième journée s’annonce heureusement plus calme le matin. Je n’ai juste rien mangé depuis 24h, tout va bien. Je file dès l’aube à la conférence de presse qui réunit autour de Patrice Leconte, Gilles Podesta (producteur), Régis Vidal (concepteur graphique), Etienne Perruchon (musicien) et Jean Teulé (auteur du livre Le magasin des suicides).
Ensuite, le making-of de Brave est au programme, suivi d’un apéro organisé par les studios Disney/Pixar.
Petit retour donc sur le Magasin des suicides. Ce qui ressort de cette conférence de presse, c’est l’extraordinaire union de l’équipe. C’est bête à dire, mais malgré la longueur de la production - quatre ans ! -, le facteur humain et l’amitié se voient entre Patrice Leconte, son producteur, son bras droit sur le film, et aussi avec Jean Teulé, homme immense et d’une grande sympathie soit dit en passant. Son ouvrage adapté, il ne voit pas d’inconvénient à ce qu’on en change la fin - conspuée par son propre éditeur et même ses lecteurs ! Patrice Leconte a choisi l’espoir et les rires pour conclure son film. L’auteur du livre en est heureux, ravi de découvrir une autre vision, surtout si c’est celle de Patrice Leconte, qui a lu ses lignes. Même chose, Patrice Leconte a laissé semble-t-il une grande liberté à son équipe. Lui qui se dit pointilleux, qui aime tout maîtriser, a su déléguer. Un film d’animation ne peut se faire qu’en équipe et tous ceux que j’ai interrogé m’ont confirmé leur liberté. Plus on donne de liberté à un artiste de dessin animé, plus il se met au service de la vision de son réalisateur, généralement... L’alchimie a fonctionné pour ce Magasin des suicides animé. Alors, Le magasin des suicides, c’est le pays des Bisounours ?
Du tout, car si on s’en tient au scénario, on se demande même si le film ne devrait pas être interdit aux enfants non accompagnés. Sur les paquets de cigarettes, il y a bien la mention « fumer tue »... Heureusement, l’ambiance macabre du film se combine avec la légèreté des chansons. Le magasin des suicides est effectivement une comédie musicale, dans le pur style Disney de la bonne époque, sans le côté « tout gentil tout beau ». La projection d’hier avait un peu trop monté le volume, mais les textes de Patrice Leconte et la musique d’Etienne Davodeau servent à contrebalancer la mort et la fumée de cigarette, la dépression de chacun qui font le fond de commerce du couple Tuvache.
On a également eu droit à quelques prévisions enthousiastes sur le prochain film de Patrice Leconte, qui décidément aimé l’animation et s’y recolle pour Music ! qu’il co-réalisera cette fois avec Régis Vidal. De nouveau, ce dernier, avec Florian Thouret, est aussi à la conception graphique. Le scénario est signé de Jérôme Tonnerre. Une date de sortie ? Noël 2015, dans trois années seulement donc. Au boulot !
Après m’être enfin sustentée, au soleil s’il-vous-plaît - ça ne va pas durer -, c’est le making-of de Brave qui m’attend. La Petite Salle de Bonlieu était autrefois ouverte à tous - dans la limite des places disponibles... ambiance. Au vu du succès des conférences de type making-of ou work in progress, ces séances demandent à présent un ticket d’entrée. Annecy est devenu le pays de Willy Wonka. J’ai mon ticket d’or, je pénètre donc dans l’antre.
C’est l’occasion de découvrir le court-métrage des Gobelins du jour, un très joli film dansant, qui projette les légendes irlandaises dans le fantastique. Une séance par jour est indispensable pour voir tous ces courts-métrages créatifs sortant de l’école des Gobelins.
Serge Bromberg, le fameux, seul et unique, qui semble chaque année porter le festival sur ses épaules sans que son enthousiasme ne faillisse jamais, rappelle que le festival d’animation d’Annecy, depuis les années 60, était tourné vers le cinéma indépendant. Mais les studios Disney et Pixar sont au moins aussi heureux que lui de présenter en avant-première leurs productions. C’est un Français installé aux Etats-Unis, Julien Schreyer, lighting supervisor, qui présente le making-of et a commencé avec Pixar sur Ratatouille, puis Cars 2, Toys Story 3. En quatre images, allez savoir si c’est car un technicien qui s’exprime, mais je trouve que les défis techniques sont plus mis en avant dans ces fameux gros studios que l’histoire. La lumière, les recherches de ses variations en Ecosse, les textures des personnages et de leurs vêtements, tout cela est d’une belle complexité, et met en valeur l’attention du détail. Mais on en oublie bien souvent le scénario, traité presque comme une technique d’écriture, plutôt que d’être emmené avec le cœur.
Ca tombe bien, car on découvre les 30 premières minutes de Brave. C’est une exclusivité totale. Et je ne peux m’empêcher de penser à ce qui se disait le matin même auprès de Patrice Leconte. Les première minutes de Brave sont grandioses, superbes, tant au niveau de l’action, bien menée, rythmée, alternant les envolées lyriques, l’humour et ses pauses, les batailles et la vivacité... Mais voilà, si on y regarde bien, tous les plans ne sont pas utiles. A-t-on besoin de cette séquence clippée, d’environ 2 minutes, pour montrer le besoin de liberté de Merida l’héroïne ? Je suis une spectatrice comme les autres, je me laisse submerger par ces images. Avec un œil de monteuse, je m’interroge. Le défi de la technique est relevé. L’émotion est là. Mais l’essentiel ? Dans le film de Patrice Leconte, le rythme est dément, non pas parce qu’il se passe mille choses, mais parce que chaque plan raconte une chose. Honnêtement, Brave est sidérant et ces trente premières minutes en appellent au moins 90 autres que j’ai hâte de voir. Mais, avec un regard plus froid, on aurait pu raconter la même chose en deux fois moins de temps.
Revenant sur ses expériences précédentes à Pixar, Julien Schreyer se rappelle de plans que lui-même appelle « plans cartes postales » sur Cars 2. Ces plans ne sont là que pour montrer Paris, dire que l’action s’y passe... et aussi relever un challenge de lumière. Challenge, un mot qui revient aussi dans la bouche de Julien Schreyer. Je regrette cette omniprésence du défi technique, même si l’histoire de Brave a l’air également plaisante.
Pour le plaisir, je retourne ensuite découvrir le making-of d’un film plutôt aux mains des Walt Disney Animation Studios, Wreck-it Ralph - Les mondes de Ralph en français. Les images que j’ai pu glaner sur le net sont parfaitement horribles, et sont aussi à l’opposée de l’animation classique de Paperman, présenté également dans la Petite Salle de Bonlieu. La visual development supervisor sur Wreck-it Ralph, Lorelay Bové commente la séance et les images préparées. La présentation est classique et notre petite intervenante un peu timide. Cependant, je peux vous dire que le trailer de Wreck-it Ralph, avec son défaut d’image - bien foutu techniquement, encore une fois, mais dans une ambiance jeu vidéo réaliste, pas franchement poétique - met le paquet sur l’humour... Les références aux jeux vidéos classiques sont nombreuses et promettent du lourd à un public très geek, notamment avec des séquences en 8 bits loin de la 3D à laquelle on est habitué. Le trailer sera disponible sur le net demain.
Je revois ensuite Paperman, déjà découvert hier. John Khars lui-même vient en parler. Le film, toujours produit par les Walt Disney Animation Studios, est à l’opposé de Wreck-it Ralph, d’un absolu classicisme. Je ne reste malheureusement pas pour l’entendre raconter la production de ce joli court-métrage, j’ai une interview de Patrice Leconte de prévue - promis, après aujourd’hui, j’arrête de vous embêter avec lui.
Après une excursion du côté du MIFA qui s’ouvre demain, et du barbecue organisé par Disney/Pixar, et une fin de soirée au Chardon, haut lieu des débauches du monde de l’animation à Annecy... Je ne vous garantis pas 15 séances demain, mais j’essaierai de me lever tôt, c’est promis.
Article précedemment publié sur le blog de Fanny