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Ave Arena, ceux qui veulent plaire te saluent

mercredi 17 mai 2017 par Pierre-Marie Chaffotte rédaction CC by-nc-sa

Compte-rendu

Tout le monde imagine plus ou moins précisément ce qui se passait dans sa vie il y a 20 ans et le chemin parcouru…
Placebo, une madeleine de Proust pour certains d’entre nous, ont passé les 20 dernières années à parcourir le monde, à distiller leur rock particulier, tellement froid, rageur et mélancolique.
À une époque où les produits marketing musicaux délivrant un-single-et-puis-s’en-va sont légion…où le concept d’album ne veut plus dire grand-chose, Placebo a traversé la révolution d’internet, du MP3, en restant cette icône pendant une génération entière.
Et rien que pour cela, une tournée, aussi intéressée soit-elle, a le mérite d’exister.

En 20 ans et 7 albums, le choix est vaste pour les deux derniers survivants de la formation originelle, les deux créateurs du groupe en vérité, pour composer leur setlist et le potentiel de tubes à venir fait saliver d’avance.

Après une belle intro cadeau (d’anniversaire) : « Every me Every you », le clip en version prise originale pour mettre dans le bain les plus fans du groupe, le riff tant attendu arrive enfin :

Attaquer un concert par le riff de « Pure Morning », véritable hymne rock fédérateur, l’efficacité de la tourne de batterie, puis du riff de basse est une méthode qui marchera encore dans 20 ans, tellement elle est jouissive !


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Brian Molko, Placebo
@Arena Genève, mai 2017
© Lionel Fraix

Une fois les lumières allumées, l’évidence du Placebo d’aujourd’hui apparaît : Les stars, ce sont eux : Brian Molko et Stefen Osdal, les deux fondateurs du trio originel, sur une scène épurée, très classe, loin devant les autres musiciens.
Placebo était un trio ont toujours eu des musiciens additionnels sur scène ; aujourd’hui ils sont pas moins de six sur scène.

Quatre musiciens se partagent l’estrade en fond de scène :
Exit l’excellent batteur Steve Forrest qui les a fait renaître artistiquement, à mon sens, sur l’excellent album de Battle for the Sun. Exit la sobriété et les limites inhérentes à un Power Trio… à 6 sur scènes, tous les délires sont permis : Il est possible de reproduire absolument toutes les subtilités, toutes les orchestrations qui germaient de l’imagination des musiciens lors de l’enregistrement…avec la puissance en plus !

Ne boudons pas notre plaisir ! le son est proprement monstrueux ! 3 guitares, violons, claviers… une avalanche de sons, de nappes, d’ambiances !
Pour qui aime les sons très produits et propres, c’est superbe ! D’autres regretteront l’absence de spontanéité et le côté très produit, mais Brian Molko, c’est connu depuis longtemps (20 ans), est un adepte du perfectionnisme, un obsessionnel du son et de ne rien laisser au hasard.

Mais revenons-en au live : Après un « Pure Morning » particulièrement monstrueux donc, Placebo nous offre une plongée dans des chansons brutes, pas forcément les plus attendues, mais que l’on redécouvre très efficaces en concert : Les récents « Loud like love » ou « Jesus’s Son » sont parfaites, et donnent un ton très puissant et rageur à ce début de concert !

L’Arena de Genève, assez clairsemée il faut l’avouer, peuplée majoritairement de trentenaires et de quadragénaires venus savourer un des groupes phares des dernières décennies, ont l’air ravis, de voir les deux Placebo s’en donner à cœur joie. Les lumières, l’écran géant, l’absence de retours sur scène et le monochrome Blanc, noir gris des estrades, des tenues donne un côté très classieux à l’ensemble, propre, encore une fois à ces icônes qui ont toujours tout soigné dans les moindres détails.
Stefen Osdal, bassiste de métier, change d’instrument quasiment à chaque morceau… Piano, guitare, basse…tout y passe au gré de leurs envies…c’est leur « soirée d’anniversaire » comme Brian aime à le rappeler, et ils se font plaisir en occupant toute la scène, en accord avec leur style…efficace, monochrome, « froid »...

Brian, justement, qui passe en revue sa collection de guitares entre chaque morceau. Chaque modèle de guitare correspondant à une période du groupe… de la Fender Jaguar ou la Gibson SG des débuts, à la Telecaster ou des Gretsch sur les derniers morceaux en date. Les amateurs apprécieront le matériel qui défile entre les mains de Brian ou Stefen.

La setlist est mine de rien assez surprenante, incluant des B-sides, comme « Lazarous », ou « Twenty years », titre indispensable à cette tournée, retour mélancolique sur le passé, qui prend tout son sens ici. De la mélancolie exacerbée, il est en clairement question sur cette première partie de concert…

Les titres s’enchaînent à grande vitesse en baissant en rythme, laissant beaucoup la place aux mélodies basées sur le piano, à la pop savamment étudiée, mais plus propice à l’émotion qu’à faire bouger les foules.

L’hommage rendu à David Bowie, défilant sur le grand écran riant avec Brian Molko sur le fameux « Without you I am nothing » — lente progression pleine d’émotion— en est le parfait exemple.

L’enchaînement tout trouvé avec « I know », un des climax du premier album qui est une vraie rareté en live. Joué pour le coup de manière très violente, perdant en subtilité et en légèreté. Dommage… ce sera leur seule chanson qui m’aura déçue niveau choix artistique.
Pour le reste, après une litanie de chansons mélancoliques assez longue, traversant les époques et les albums ( la rare « Exit wounds », « Space monkeys », « Protect me from what I want », l’excellent « Lady of the Flower » du premier album joué beaucoup plus lent et nonchalant…), on se demande quand cela va décoller.


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Stefen Osdal, Placebo
@Arena Genève, mai 2017
© Lionel Fraix

Brian se décide enfin à réveiller tout son monde en annonçant haut et fort la fin de la période mélancolique et en haranguant la foule à faire la fête avec eux pour leur anniversaire.

S’ensuit pour le coup un déferlement de pépites rock, dont les très catchy et dansant « For what it’s worth », le mythique « Slave to the wage » et sa fin magique appelant à la fuite du système…le « run away » repris par tous...debout dans les tribunes.

Les inévitables « Special K » en mode très très énervé, et « Bitter End » finiront d’en mettre plein les oreilles et les yeux, avec des lumières magnifiques, à ceux qui doutaient que ce concert soit un concert de rock.

Après un premier rappel attendu avec le thème du premier album…qui fait toujours son effet sur un public de trentenaire, « Teenage Angst » s’enchaîne avec « Nancy Boy », où Stefen brandit longtemps, comme un trophée, sa basse Thunderbird aux couleurs arc-en-ciel, pour rappeler clairement, à qui l’avait oublié tant les évolutions de style ont été nombreuses, que Placebo est depuis 20 ans l’ambassadeur de la culture gay, et de la promotion de la tolérance.

Une petite dernière pour la route avec un « Infra Red » bien plus réussi que sur album à mon sens, avec en fond, avant la sortie de scène, une image floutée, sur un paquet de cigarette identifiant clairement Trump comme le nouveau cancer. Une fin de chanson et de concert engagée donc, d’une façon que l’on ne leur connaissait pas forcément.

Une dernière ballade pour un dernier rappel…Une reprise de Kate Bush…« Running Up That Hill (A Deal with God) » qui pour le coup clôture parfaitement leur set de 25 chansons tout de même avec une fin interminable ou les autres musiciens s’éclipsent pour laisser les deux Placebo saluer une dernière fois la foule... seuls… sobres, efficaces…comme à leur habitude.

Placebo a toujours tranché les opinions… depuis 20 ans. Ils continueront à le faire avec cette tournée, les fans y trouveront totalement ce qu’ils sont venus y chercher, du romantisme exacerbé, une palette de morceaux allant du rock teinté émo, à la pop-électro. Les moins fans ne pourront néanmoins qu’apprécier la maîtrise de leur art, la cohérence de leur style et la propension à distiller des hymnes imparables pour lever les foules.

Ils m’ont personnellement conquis, j’en ressors avec un grand sourire malgré les travers que je leur trouve, qui peuvent me laisser perplexes chez eux, malgré mes chansons préférées qu’ils n’ont pas joué.
Ils sont bons, ils ont tracé leur route, sont tombés dans la redondance parfois, comme énormément de groupes qui durent…mais quel parcours, et quelle classe !

Merci messieurs, à dans 20 ans, qui sait ?

«  Ceux qui veulent plaire  » est la traduction du terme latin Placebo.

Toutes les photos ont été prises par Lionel Fraix.

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