> Mag > Musique > Bror Gunnar Jansson, du blues couleur noir
C’était en 2014, ou quelque chose comme ça. De loin, j’avais entendu ce truc caillouteux, de son de sécheresse, d’aridité. Je ne l’ai pas vraiment lâché et en avril dernier, il a remis ça.
Arrêtez tout et écoutez : Bror Gunnar Jansson est en concert le 17 novembre à la Cave à Musique, à Mâcon.
Bror Gunnar Jansson a une trentaine d’année et a sorti en avril dernier « And the Great Unknown » , album en 2 volumes, qui pourrait constituer la suite de l’épisode « Moan Snake Moan », sorti en 2014. puisqu’on retrouve des morceaux en commun, numérotés et sous-titrés.
Presque pareils...mais les variations qu’il nous propose laissent l’auditeur baigner dans cette atmosphère spéciale et préserve la force, l’impact de sa musique à nos oreilles, au lieu de la diluer sans fin.
Jansson rejoint la cohorte des one man bands (ou des artistes "omnipotents") : assis avec sa guitare pendant que ses jambes s’occupent de la batterie, il chante d’une voix qui se traîne, qui râcle comme une pelle sur un chemin de cailloux et parfois s’énerve, se soulève pour aller dans les hauteurs ou les profondeurs - c’est comme on veut - et nous offre un blues rock souvent lancinant, qu’on écouterait les jours de grande fatigue et de chaleur lourde et poussiéreuse. Des histoires, comme des prophéties, ou des incantations nous sont racontées ; des personnages sombres et pourtant ravissants prennent vie dans nos oreilles.
À mesure que les chansons s’égrènent à nos oreilles, on constate de Jansson convoque aussi le folk, le rock ; des instruments ou des rythmiques tordent un peu les définitions trop rapides. Cette façon de faire n’a qu’un effet : souligner, faire ressortir les histoires ou les messages délivrées par le chanteur.
Au final, la musique de Jansson est une musique de film, d’un film intérieur qui irait chercher dans les côtés les plus noirs de l’existence.
Aussi, même si cela peut paraître secondaire, Jansson est suédois. On pourrait se dire qu’on s’en fiche ; dans un sens, peu importe tant que la musique nous plaît ?
Oui, on pourrait.
Sauf que le blues distillé par Jansson mérite qu’on se penche un peu sur l’histoire de cette musique : le blues provient de l’Histoire des Etats-Unis, s’est construit, a grandi, s’est transmis dans des conditions bien particulières, avec des artistes eux-mêmes considérés comme des gens « à part ». Et sans verser dans un débat sur la légitimité, ou les différences culturelles ou d’autres trucs fumeux de ce genre-là, il faut reconnaître que ce qui est génial avec la musique de Jansson, c’est qu’il arrive à s’approprier un genre musical sans se borner à respecter des schémas techniques, tomber dans la prouesse pour se faire accepter par ses pairs.
Sur les vidéos et sur les photos qui illustrent ses albums, on voit un homme au visage fin, presqu’émacié, habillé en costume, ce qui donne un côté froid et distant. Bror Gunnar Jansson pose tout le monde d’entrée de jeu, et nous, on l’écoute nous raconter, tout entier imprégné de l’âme de ces bluesmen maudits des débuts, ses histoires étranges.
A écouter urgemment : Moan Snake Moan (2014, Normandeep Blues Records), And the Great Unknown, vol. 1&2 (2017, Normandeep Blues records)
Voir également les photos prises lors du Crissier Blues Festival de 2014, par Christophe Losberger.
Blues et plus si affinités
Dans le cadre des Nuits de l’Alligator
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