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mercredi 1er mai 2013 par
Cellule Grise, pièce de Yannick Nedelec présentée par la compagnie Valminprod a une trame simple et qui expose rapidement sa problématique majeure : un jeune professeur, rempli d’exaspérantes bonnes intentions, se retrouve dans la même cellule qu’un détenu du quartier de haute sécurité surnommé « le furieux ».
Cellule grise nous amène à réfléchir sur l’univers carcéral, quand le huis clos et la promiscuité exacerbent les sentiments, les pulsions dévastatrices ….
D’abord le décor est planté, nous sommes dans une cellule : lits superposés, un mobilier à l’image de blocs de granit, une radio…seul élément rappelant le lien entre le monde extérieur et ces murs … tels des toiles d’ araignée qui soulignent à ce point l’enfermement , l’emprise sur les individus.
Ces deux individus diamétralement opposés qui n’auraient jamais dû se rencontrer vont devoir vivre 24 heures d’une intensité absolue. Bruno dit le furieux, la brute, voit l’arrivée de Samuel, le prof intello, comme un piège, une nouvelle épreuve que l’enfermement carcéral lui impose une ultime fois. Il semblerait qu’administration et bug informatique aient rappelé à Samuel qu’il lui manquait un jour d’emprisonnement à la peine de 6 mois dont il avait écopé pour homicide involontaire, lorsque, l’alcool dans son sang avait involontairement projeté sa voiture sur un adolescent.
Samuel, professeur de français, est pour le moins déstabilisé par l’intimidation de son compagnon de chambrée mais utilisera tous les codes susceptibles d’approcher cet individu qui n’est peut- être pas si asocial qu’il n’y parait ?
Violents, surprenants, percutants, les dialogues laissent peu à peu percevoir la tension entre ses deux êtres trop extrêmes dans leur personnalité pour se comprendre. Ils sont drôles pourtant ces deux hommes, touchants dans la folie dévastatrice de l’un comme dans l’utopie bienfaisante de l’autre.
Cette promiscuité étouffante pour l’un et l’autre sera étonnement propice aux confidences, à l’affrontement, à l’emprise humaine.
Qui de la force physique ou intellectuelle aura le dessus sur l’autre ?
Qui tend un piège ? L’univers carcéral (Bruno croit à une nouvelle manipulation de l’administration pénitentiaire) ou l’approche de Samuel tout en finesse pourrait-elle faire tomber la stigmatisation de brute qui habite son compagnon ?
La carapace de chacun s’étiole pour faire apparaitre l’énergie du désespoir. Tous deux sont déstabilisés par l’autre et vont tour à tour utiliser des manœuvres, des codes comportementaux qui prendront peu à peu sens aux yeux de l’autre.
Les deux moments de parloir en particulier sont d’une justesse parfaite en nous offrant chacun des personnages assis seuls face au public, le furieux dans un échange dégoûté avec sa mère pendant que le prof intello ouvre des yeux soudainement moins naïfs sur sa fiancée.
24h en soi ce n’est pas long… « Demain tout sera fini ». Ce combat est admirablement mené par les deux comédiens Maurice Martenet et Michel Valls, qui incarnent de la manière la plus juste ces deux êtres enfermés dans leurs contradictions et leur énergie du désespoir.
Yannick Nedelec donne à réfléchir sur la culture carcérale et l’enfermement de la nature humaine. Sa pièce est d’une rare justesse et « ouvre » des pistes de réflexion sur notre quête identitaire.
La pièce « Cellule grise » permet de mettre en lumière tous les signifiants que sont l’Isolement, le Silence, la Manipulation, la Pédagogie, la Domination, la Pensée.
Et la mise en scène tout en dérision, à la gestuelle décalée, à l’affrontement risible et si percutant, au trouble laissé au spectateur devant les scènes de parloir d’une noirceur morbide affûte notre regard sur la condition humaine. Un grand moment d’humanisme et de terrible réalité.
Compagnie Valminprod : http://www.valminprod.com/index.php
Metteur en scène : Jef Saintmartin
Acteurs : Maurice Martenet, Michel Valls
Par la compagnie Valm’in Prod