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Ceux qui m’aiment prendront le train ...

jeudi 17 octobre 2013 par Sophie Feissel rédaction CC by-nc-sa

Cette fois c’était à nous de prendre le train pour lui rendre un dernier hommage, dire au revoir une dernière fois à l’homme de théâtre et cinéaste Patrice Chéreau, décédé lundi 7 octobre à l’âge de 68 ans, et enterré au Père Lachaise à Paris ce mercredi.

Lundi soir, il y a dix jours déjà, je reçois ce message « Pas lui, pas déjà ! ». Je venais d’apprendre la mort du metteur en scène que j’admire le plus et j’étais en train de penser exactement la même chose : Pourquoi lui ?!

Patrice Chéreau, c’était ma référence. Je me suis construite au fil de ses mises en scène et de ses films ...

Il commence le théâtre à l’atelier du Lycée Louis-Le-Grand et découvre très vite que ce qu’il aime, c’est organiser, mettre en scène, diriger les autres. Les autres, ce sont Jean-Pierre Vincent, Jérôme Deschamps, Jacques Schmidt ou encore Hélène Vincent. Il monte ses premiers spectacles où l’on trouve déjà les caractéristiques qui feront son originalité et pour lesquelles on le considère comme un génie de la mise en scène : violence, virulence, sens de l’image, implication physique.

Jérôme Deschamps confie : « Je l’ai rencontré vers 15 ans au Lycée Louis-Le-Grand, nous avions le sentiment de faire partie d’une page de l’histoire du théâtre. Il m’a appris que le théâtre était bien davantage qu’un métier : une passion, une obsession qui pouvait provoquer un état de guerre ! ».

En 1983, Chéreau prend la direction du théâtre Nanterre-Amandiers, où il crée un projet sans précédent : un institut conviant toutes les disciplines, théâtre, musique, opéra, cinéma. Et fonde l’école des Amandiers, où seront formés Valeria Bruni Tedeschi, Vincent Perez, Laurent Grévill, Marianne Denicourt, Agnès Jaoui ...

Le 23 février 1983, Nanterre-Amandiers ouvre sur un coup d’éclat : la création de Combat de nègre et de chiens, de Bernard-Marie Koltès.
Les noms des deux hommes sont associés pour longtemps.

Alors que je fais du théâtre depuis quelque temps, je prends ma première vraie leçon de théâtre en regardant Patrice Chéreau travailler avec Pascal Greggory pour monter Dans la solitude des champs de coton, de Bernard-Marie Koltès. Une exigence sans pareil, mêlée d’un profond respect de l’autre. Chéreau a une manière particulière de diriger les acteurs, entre intuition animale et intelligence profonde des textes.

Que de souvenirs de purs moments de plaisir, de surprise, d’émotion, tant au théâtre qu’au cinéma : Retour au désert, toujours de Koltès, avec Jacqueline Maillan et Michel Piccoli ; Phèdre pour l’inauguration des Ateliers Berthier avec Dominique Blanc ; La Nuit juste avant les forêts, encore de Koltès, avec Romain Duris pour la première fois au théâtre ; Rêve d’automne, de Jon Fosse, avec Valeria Bruni-Tedeschi et Pascal Greggory, où il est question d’amour et de mort, alors que Chéreau vient d’apprendre qu’il est malade ... ; La Reine Margot, Ceux qui m’aiment prendront le train, Intimité, Persécution ...

« Personne ne savait comme Patrice Chéreau mettre en scène les visages et les corps, leur solitude intempestive et leur désir effréné de s’approcher, de se combattre ou de s’étreindre, dans la haine comme dans l’amour. A chaque fois, ces visages et ces corps laissaient une part d’eux-mêmes, et vous, déchirée. »

Ce soir, je me sens orpheline ...

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