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Vous qui passez samovar…

Concert de Russian circles

samedi 26 octobre 2013 par Pierre-Marie Chaffotte rédaction CC by-nc-sa

Il est de ces soirées où tout est permis. Où vous vous sentez invincible au point d’aller voir un concert à 2h de route, en semaine, dans l’espoir de passer un moment d’intensité, de présence rare…

On se retrouve alors dans les temps bénis de la vie estudiantine, où les horaires de lever en semaine ne sont jamais vraiment un problème, où l’on ne sait pas encore ce que coûte une soirée de débauche sonore en pleine semaine… ah … bénie soit cette époque…

Le problème de cette démarche c’est qu’elle force l’esprit à n’en retirer que du positif, ne pas voir voir les choses qui peuvent faire regretter le déplacement, ne pas avoir le droit d’être déçu par la prestation que l’on va voir… Ce n’est pas du tout ce qui s’est passé lors de ce concert de Russian Circles au Fri-son de Fribourg…

Russian Circles, l’ovni post rock de ces dernières années…

Un univers, une patte froide, aérienne, énigmatique, où chaque parcelle de son paraît ultra travaillée tout en restant dans une logique implacable, nourrie des enchaînements ciselés au scalpel entre brutalité métal et ambiance floydienne…

Pour ma part, la curiosité de voir ce groupe qui m’émeut depuis longtemps maintenant se manifestait au travers d’un seule question que je ne peux transposer qu’à de trop rares groupes… Comment font-ils ?
Comment font-ils pour sur scène, retranscrire la complexité, le travail, le mur du son, d’un album léché, intellectualisé, à l’instar d’un Archive ou d’un Mogwai où les sons vous arrivent à la tête sans jamais comprendre d’où ils sortent jusqu’à ce que, une fois arrivé à saturation, l’esprit se laisse enfin aller aux émotions pures que peuvent procurer ce type de musique…

La caste de ces groupes reste pour moi une énigme puisqu’ils dépassent la « simple » maîtrise d’un instrument, mais bien d’une compétence en plus qui leur permettent de dépasser le cadre traditionnel d’un groupe à guitare. Ici point d’égo de shredder surdimensionné, point de débauche d’énergie inutile… juste le son, au service de l’ambiance, du morceau.

Pas de fards ni de paillettes

pour l’arrivée du groupe, une attaque franche et directe après les 10 secondes d’intro de « 309 », et les fameuses boucles omniprésentes et hypnotisantes de guitares…


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Ce sera ensuite 1h30 non-stop de montée en puissance, d’explosions, et de show scéniques, entre la virtuosité du batteur Dave Turncrantz, et sa batterie mise en avant, omniprésente, mais pas envahissante… l’efficacité, l’inventivité du guitariste Mike Sullivan, et surtout le charisme et la présence du bassiste Colin DeKuiper qui avec son look de bûcheron canadien, se dénuque au gré des riffs de basse survitaminés à l’octaver, socle monstrueux des envolées lyriques et des nappes de guitare.
Pour vous laisser imaginer la passion qui brûle au sein de ce groupe pour sa musique : à la manière d’un Johnny Greenwood, génial bidouilleur de Radiohead, voir le bassiste qui, tout en jouant son riff, appuie avec son auriculaire sur ses pads, pour ajouter des nappes de violons en fond, et ne pas perdre une miette de leurs idées, de leurs arrangements, en dit long sur leur tentative d’approcher la perfection… Idem pour le guitariste triturant en permanence ses 20 pédales de samplings, d’effets … impossibles à déchiffrer…

L’aboutissement tue alors la spontanéité : ils ont bien plus souvent les regards tournés vers leurs instruments que vers leur public, mais on leur pardonne largement cette distance aux vues du bonheur procuré.
Cette distance indissociable au parti pris instrumental de leur musique n’a été brisée qu’une seule fois… le temps d’un « hey…wait wait wait !!… » paniqué du guitariste à l’adresse de son batteur commençant trop tôt le dément titre « Mlàdek »…

Enfin !! Ils parlent !! Ils sont humains !! Et en un seul sourire repris par tout la salle, ce seul réel moment de complicité presque gêné avec leur public a définitivement finalement permis de le conquérir tout entier…
Le long rappel du groupe se faisant désirer en disait long sur la performance qu’ils venaient d’offrir…

Aussi sobres qu’au commencement, ils sont partis sur une dernière boucle de sons decrescendo, distordus, énigmatiques, envoûtants, tout en contrôle et en émotion...

Bravo à eux, merci à eux, à ces geeks de la musique dont l’obsession est de créer, d’innover hors des sentiers battus… Vous trouvez que Mogwai et le post-rock sont morts ? Russian Circles vous est tout ouvert et vous attend…

Les images illustrant cet article proviennent du concert de juin 2011 à Barcelone et sont diffusées sous licence creative common By par Alterna2
Image de Une par un internaute espagnol inconnu ayant pris le pseudo Tomator

Russian Circles — Mládek
Un live capté à Hong-Kong. Belle qualité, supporte très bien le plein écran
Tommy Au

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