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Croc’ the rock, Étagnières
vendredi 10 novembre 2023 par ,
Compte-renduDépart d’Annecy après 1h30 de route sous la pluie, le son des essuie-glaces, le passage de frontière au pas et les incompréhensions du code la route suisse, nous voila arrivés à Croc the Rock ! Accueillis par des hommes en imperméables oranges qui nous indiquent gentiment où se garer.
À droite, l’Auberge, très grand espace sous tente avec le bar, la restauration et des tables et chaises pour consommer tout ça. Nous y commandons des bières qui sont des IPA siglées Croc’ the Rock. grande classe.
Ensuite un fumoir outdoor avec un espace abrité où 100 personnes tentent de rester au sec sous une tente de 50 m2 (il n’a pas arrêté de pleuvoir de la soirée).
Enfin, nous arrivons dans le bâtiment principal. À droite le stand tatoo, un peu plus loin un stand de Disc-a-Brac Records (disquaire à Lausanne) le gars est sympathique et possède une super sélection, puis le merchandising des groupes et du festival.
Puis entrée dans la grande salle, très agréablement surpris par la taille, la qualité du son. Vraiment parfait. On se dit que l’on va se régaler !
Le temps de boire quelques gorgés de cette IPA (qui nous plait bien) que le concert d’Annie Taylor commence.
D’après leur bio, le groupe, originaire de Zurich, joue entre « le desert rock, le shoegaze, indie et des influences pop ».
Dès le début, ça joue fort et bien. Gros son, rond et tranchant.
La chanteuse rappelle Kate Pierson (B52’s) et certaines parties de guitares aussi d’ailleurs.
Le bassiste a quelque chose de Lemmy (Rickenbacker, ampli marshall, cheveux noirs lisses et longs), avec un jeu entre groovy garage rock 70’s et le Kim Deal des Pixies.
Le guitariste semble tout droit sorti d’un groupe de rock suédois (hellacopters pour ne citer qu’eux), avec sa flying V et son tee shirt sans manche. Des solos 70’s qui arrachent et des riffs qui rappellent parfois Bad Nerves [1] ou les B52’s comme dit précédemment.
Ça joue vraiment bien et les lumières à la hauteur. C’est beaucoup plus rock n roll en live que sur disque. Ça envoie ! Le show est vraiment millimétré, voire un tantinet trop, ce qui fait ressentir un léger manque de sueur et de spontanéité vers la fin du concert.
Le public réagit super bien, danse, enchaine pogos et slams.
Le concert se termine et, ayant un petit creux, nous dégustons les sandwichs du festival — au rôti de porc cuit à la braise pendant 4 heures. Autant vous dire qu’ils sont fondants et goutus. Les cuisiniers nous partagent leur technique très scientifique pour une cuisson parfaite, allant jusqu’à prendre leur température au cœur de la viande.
Ils viennent de Rouen, ce qui me donne un a priori positif vu le nombre de bons groupes venant de là bas.
La formation est assez hétéroclite. Je citerai le bassiste avec une basse 6 cordes qui porte un maillot de foot et le guitariste jouant alternativement sur une 8 cordes et une 12 cordes.
Le guitariste chanteur à une voix rappelant King Krule et, de leurs côtés, les guitares vont plus chercher du côté des regrettés Women, avec le combo telecaster/twin reverb qui donne ce son tranchant et sec, avec un jeu aiguisé.
Leur musique est assez technique, avec pas mal de mises en place et de changements dans les morceaux.
Les Interludes ambiants qui renvoient à Angelo Badalamenti sont bien sentis et donnent du relief et de la texture à la prestation.
Le tout est intéressant, mais ils sont desservis par un son qui manque de rondeur, un peu aride.
Je suis curieux de les voir dans quelques années, quand leur musique se sera plus affirmée.
À la fin de leur concert, pause du côté de l’espace grillade, non pour encore déguster un sandwich mais pour se réchauffer devant les braises encore chaudes. Toujours en observant les fumeurs se compacter sous la tente à leur destination.
C’était le groupe que nous attendions le plus ce soir, très curieux de voir ce que des titres comme « I am Kate Moss » ou encore « Clocks ». Ils font une sorte de post punk noise arraché, mais bien plus ça, en fait, et sont originaires de Brighton.
J’étais vraiment curieux de voir comment ces morceaux sonnaient en live.
Cal Francis, chanteur d’une nonchalance et d’un charisme rare. Quelque part entre le Joker de Heath Ledger et Anya Taylor-Joy dans Le jeu de la dame.
Tantôt il chante, tantôt il marmonne ou hurle, le tout avec un détachement énorme. On ne le ressent pas du tout comme du je-m’en-foutisme ou du mépris, mais comme une attitude, un humour pince-sans-rire qui donne le sourire à tout le public.
Dès la deuxième phrase du premier couplet du concert, il est déjà au milieu de la fosse en train de crier dans son micro.
De son côté, le groupe tient la baraque avec panache. Ça joue bien et fort, les guitaristes ont de supers sons de guitare, bien stridents, le batteur a l’air heureux d’être là et frappe fort. Ils font plaisir à voir !
Pendant toute la durée du concert, l’impression d’un gros chaos, tout en tension et en dynamique. On se demande où ça va et ça va toujours quelque part, à l’image de leurs disques. Et on se laisse porter dans ce voyage psychédélique rock bruitiste et brut.
Des silences, parfois, qui semblent surprenants et maitrisés à la fois. « Must be boring to watch » nous dit le chanteur, l’œil vide et le sourire en coin.
Ça s’est beaucoup moqué des règles du volume sonore en Suisse, en demandant au public de ne pas applaudir mais de faire des pouces levés à la place, entre chaque morceau. Comble de la nonchalance, il crée un braveheart [2] dans le public surchauffé et, au moment de sa résolution, il se retourne et prend une longue gorgée de bière, dos au public, pendant que la foule se déchaine.
Le concert se termine et, tous remontés par le festival, nous reprenons la route, encore sous la pluie, mais de nuit cette fois.
Très bonne soirée que ce Croc the Rock 2023 ! Des concerts de qualité, un son aux petits oignons, l’organisation a vraiment bien fait les choses, jusque dans les détails et tout le monde était ouvert et souriant . Un grand merci à Lola pour sa conduite impeccable et ses parents pour leur routière kangoo et le bip télépéage intégré.
[1] qui jouent le samedi dans le même festival d’ailleurs
[2] tradition typique des concerts de metal où au signal d’un membre du groupe le public se sépare de part et d’autre afin de laisser une allée devant la scène, pour ensuite se précipiter les uns sur les autres à la manière d’une bataille d’infanterie