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Eclectique électro

samedi 2 avril 2016 par Lucile Philippe rédaction CC by-nc-sa

Compte-rendu

Samedi dernier, soirée ElectroBox à Château Rouge. ÉlectroBox, c’est la boîte à électro : une de ces boîtes qui regorgent de surprises, de pépites hétéroclites qui ont le seul point commun de nous surprendre. C’est le pari des éditions successives d’ElectroBox, de proposer dans une même soirée des formations fondamentalement différentes, qui explorent les multiples facettes des musiques électro.

Et il faut dire qu’il y a de la matière : en 2014, ils avait associé Kadebostany et Aufgang, en 2015 DJ Vadim partageait l’affiche avec Carbon Airwaves, Virus Syndicate et Murkage.
2016 confirme la richesse et la diversité de la scène électro européenne, avec Scratch Bandits Crew, General Electriks, FlexFab, et 3 sets de Dj pour lier le tout.

Mixer à ce point les genres, c’est faire le pari de réunir plusieurs publics pour un même événement, c’est mélanger les influences et les affinités, attirer l’un pour convaincre l’autre, inviter à prêter une oreille malgré soi. Une suggestion de découverte bien plus subtile et conviviale que les propositions algorithmées des moteurs de recherche ou autre réseaux sociaux.

Car oui, la convivialité est au rendez-vous à Château Rouge, où les bénévoles et l’équipe d’accueil sont comme à leur habitude avenants et sympathiques. Le marathon musical prévu ce samedi soir a mobilisé une brigade visiblement (visuellement !) très investie, avec leur maquillage délirant, baignants dans le spectre de la lumière noire. D’emblée on est en boîte, les lasers et la fumée sont de la partie, on ne s’entend plus commander au bar, toute tentative de communication tourne au téléphone arabe, et Château Rouge se retrouve métamorphosé en club, avec un son de qualité. Que demander de plus ?

Erisu

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Le line-up est dense, éclectique, et réglé comme un coucou suisse. Le premier set, bien installé sur la scène qui fait face au bar, est dirigé par Erisu : lourde tâche que de mettre le public dans l’ambiance de cet enchaînement de concerts qui s’annoncent tous aussi sportifs les uns que les autres. Tout frais de leur début de soirée tranquille, les plus ponctuels commencent à se trémousser au fur et à mesure que la salle se remplit. Les plus timides en profitent pour commander leur premier verre et explorer la scène de ce qui sera la grosse claque de cette édition d’ElectroBox. Mais avant, Erisu clôt son set à la demande, avec un signe d’acquiescement en direction de la régie : il est 22h tapantes, on passe aux choses sérieuses.


Scratch bandits crew

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Sans traîner on se dirige vers la salle qui accueille les têtes d’affiches. Le fan club se prépare psychologiquement à ce qui va suivre, et le reste de la salle se remplit rapidement. Ce qu’on ne sait pas encore, c’est qu’en moins d’une heure, on fera TOUS partie du fan club. Dès les premières minutes, on voit que l’on a affaire à des artistes complets, qui maîtrisent les arts de la scène. Le show est autant visuel que musical, avec un effort de mise en avant des samplers (ce qui fait souvent défaut dans les concerts électro). Sans compter que le fond de scène équipé d’un attirail de vidéo projection nous plonge dans l’univers du groupe et fait intervenir les chanteurs du Crew et leur environnement urbain. Ils ne sont que deux sur scène mais font exister toute la communauté Scratch Bandits Crew, qui rayonne dans le monde entier. Mobilité géographique, voyage temporel aussi, avec l’invocation de la meilleure veine hip hop des années 90, des remix de samples efficaces et rodés. Le set est magistral et rondement mené. Certainement le plus fédérateur de cette nuit. Après un rappel en apothéose, et une photo de famille (« tout le monde les bras en l’air ! »), c’est complètement secoués et emballé que le public rejoint la seconde session de DJ.

Anton Madera

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Difficile de passer après une telle performance, mais la mission d’Anton Madera est bien de maintenir le public au même stade d’ébullition jusqu’au premières notes de General Electriks, LE groupe pour lequel (presque) tout le monde s’est déplacé. Malgré quelques tentatives réussies d’interpeller la foule trémoussante sur des morceaux connus qui se prêtent bien au remix d’électro club (le moment Depeche Mode sera le sursaut d’intérêt général pour Anton Madera), on ressent moins d’adhésion pour ce set de DJ que pour le précédent. Mais quel défi de devoir convaincre un public qui vient de voir le duo de Supa-Jay et Syr. Un public qui attend en trépignant (sur un tout autre registre) General Electriks…


General Elektriks

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En retournant dans la salle principale, on passe sans transition d’une ambiance club à celle d’une scénographie quasi-théâtrale. La scène est retaillée par des lumières qui nous plongent immédiatement dans l’univers de General Electriks. Un jeu de clair-obscur invoque l’aspect cinématographique de ce groupe qui maîtrise aussi bien leurs partitions que leur chorégraphies.

En quelques points, assister à un concert de General Elektriks, c’est :

 apprécier la qualité de leur composition : on reconnaît dès les premières notes le morceau qu’ils vont jouer, et cela devient un jeu avec le public de conquis. Un rythme, un accord de clavinet, un petit air sifflé, et c’est toute la salle qui vibre d’une seule et même pulsation.
 constater la virtuosité des musiciens qui s’essayent à tour de rôle à des solos endiablés, ce qui rend le concert unique, et donne tout l’intérêt de voir les musiciens en direct.
 admirer les personnages sur scène. Ils ne sont pas instrumentistes, ils sont littéralement possédés par leurs instruments. Leurs gestes et leur danse s’inspirent de leur jeu musical : ils ne dansent pas sur leur musique, ils dansent leurs instruments. On les croiraient tout droit sortis d’un film de Bob Fosse, avec leurs costumes, leurs déhanchés, et le son du clavinet en plus !
 attester de la joie de vivre de ces musiciens, qui communiquent une énergie positive, électrique (sans mauvais jeu de mots), qui partage beaucoup avec un public qui lui rend bien.

Le concert se termine après un long rappel (un rappel de General Elektriks peut-il être long ? Vous avez 4 heures), et laisse le public de fans conquis. Paradoxalement, s’il s’agissait du groupe le plus attendu, ceux qui étaient venus pour l’ensemble de la soirée sont ressortis sans coup de cœur et presque lassés d’une certaine monotonie dans leur façon de jouer.
A l’inverse, ceux qui s’étaient déplacés pour General Elektriks ne se sont pas fait priés pour partir assez rapidement et déserter la salle. Et tant pis pour eux, ils auront raté Sophie Watkins.

Sophie Watkins

C’était le dernier DJ set de la soirée.

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Elle se définit comme un mix de groove house, d’électro dancefloor et de riot techno (comprendre : techno de fille qui en a). Voilà pour les notions théoriques. En pratique, elle aura proposé le set le plus sobre et le plus efficace de la soirée. La D-jane [1] est notre voisine, puisque basée à Thonon-les-Bains, mais parcourt toute l’Europe avec ses mix et son groupe WÄKS. À découvrir absolument si vous aimez les ambiances totalement enivrantes. C’est l’artillerie lourde de l’électro, mais mixée avec une véritable science du rythme. Ces 45 minutes passent trop vite. Une fraction de seconde on pense à prendre un verre ou à aller s’en griller une, mais un nouveau beat nous retient jusqu’à la fin. Sophie Watkins sera la seule femme de la programmation, et elle sert la session DJ la plus puissante et la plus applaudie : elle est la révélation de cette soirée.

Flexfab

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Il reste encore une soixantaine de vaillants pour finir de profiter de ce panorama du style electro. FlexFab prend la suite de la scène principale, avec un jeu de lumière travaillée et agressif qui fait corps avec sa musique. Il remixe un son assez brutal et sombre, avec par moment des samples orientaux bien pensés. Mais la fin de soirée se fait sentir rapidement, et alors qu’il est bientôt 3h30, Flex Fab a le tact et l’ingéniosité de faire son rappel sur des samples de chants d’oiseaux. Un final en beauté, malgré la fatigue et la salle qui se vide petit à petit. Au sortir de Château Rouge, un écho des chants d’oiseaux, mais en vrai cette fois, nous fait émerger de ce marathon musical : la boucle est bouclée.

Bilan plus que positif donc pour cette troisième édition d’ElectroBox, qui aura le mérite de tenter le grand écart entre les diverses mouvances électro, de la plus enlevée et sautillante de General Electriks à la plus lourde, sombre et puissante de FlexFab ; du scratch qui tache à la house qui groove, toutes les nuances co-existent dans le panel offert par Château Rouge. La boîte à bijoux révèlent de belles perles cette année.
Séance de rattrapage pour les Lyonnais avec Reperkusound au Double Mixte à Villeurbanne, et pour les Suisses avec l’Electron.
Et on espère que les prochaines éditions d’ElectroBox rassembleront un public encore plus nombreux, encore plus curieux, encore plus transformiste, encore plus éclectique.

Notes

[1terme anglophone pour Djette, un tantinet moins péjoratif

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