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Joseph Joanovici... Juif bâtissant une fortune dans la vente de ferraille et achetant sa tranquillité sous l’occupation en faisant affaire avec les nazis. Résumant à lui seul les formidables ambiguïtés d’une des périodes les plus tragiques de l’histoire de la France contemporaine, ce personnage hors du commun fascine jusqu’au bout d’un album qui conclut une série magistrale !!!
L’idée de départ était, pour Glénat, de faire le portrait d’hommes et de femmes hors du commun, qu’ils soient des héros ou des salauds.
Des personnages vivant et agissant dans les périodes troubles de l’histoire contemporaine. J’espère que ce projet de collection sera suivi d’effet et que nous n’en resterons pas là ; il y a de quoi faire ! J’aime énormément « Il était une fois en France » , une des meilleures séries récentes que l’on puisse lire, selon moi !
Entre la fin des années 30 et celle des années 40, il ne fait pas bon vivre dans notre pays : à la crise économique et à l’émergence d’idéologies extrêmes succèdent les destructions du deuxième conflit mondial et les déchirements de l’après-guerre. C’est à cette époque que naît, culmine et finit l’incroyable trajectoire de Joseph Joanovici.
Un récit tout en flash-back (comme « Il était une fois en Amérique » de Sergio Leone !) mené de main de maître par Fabien Nury et Sylvain Vallée. En 1965, Joseph est en train de mourir dans la misère, veillé par sa fidèle compagne Lucie Schmidt et surveillé par son pire ennemi, le juge Legentil.
En 1905, Joseph se cache en compagnie de la petite Éva, pour échapper aux pogroms qui sont monnaie courante dans sa Bessarabie natale. Devenus adultes, ils se marient et viennent en France. Joanovici est illettré, inculte, mais rusé et doté d’un incroyable sens des affaires. Il fait fortune dans le commerce de ferraille : son lien quasi viscéral avec le métal est illustré par une scène qui revient plusieurs fois dans la série où on le voit mordre dans un échantillon pour juger de sa qualité !
En 1940, il s’apprête à embarquer pour les USA après la mise sous séquestre de son entreprise, mais un faussaire le met en contact avec l’occupant allemand et il devient leur fournisseur attitré. Pour sauver sa peau et préserver sa famille, Joseph s’enfonce toujours plus avant dans la collaboration et achète sa tranquillité auprès de Lafont, un des chefs de la Gestapo française.
Quand le vent commence à tourner en faveur des alliés, il décide d’aider la résistance et parvient à jouer sur tous les tableaux jusqu’à la libération, mais ses choix dictés par l’urgence de la situation sont lourds de conséquences : au moins indirectement, Joanovici a désormais du sang sur les mains. Il sort de la guerre en héros, mais la vengeance personnelle d’un petit juge l’abat définitivement... En refermant ce sixième volume de « Il était une fois en France », que faut-il penser de Joseph Joanovici ?
Que c’est un homme sans scrupules, employant des méthodes de voyou. Mais un homme poursuivi par la haine et l’envie tout au long de son existence, ce qui le pousse peut-être à devenir un monstre d’amoralité. Et surtout, une cible facile pour les épurateurs acharnés en 1945.
Alors que des salauds comme René Bousquet et Maurice Papon échappent au glaive de la justice...
<cite|livre|titre=La terre promise
|auteurs=Nury Fabien (scénario) / Vallée Sylvain (dessin)
|editeur=Glénat
|lieu=Grenoble
|annee=2012
|collection=Il était une fois en France
|tome=6
|pages=68
|isbn=9782723484992
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Chronique précédemment publiée dans Actualitté