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Festival d’Annecy 2024

Flow, accoucher de soi-même via la confrontation à l’alterité

lundi 24 juin 2024 par Nicolas Landraud rédaction CC by-nc-sa

Le Public ne s’est pas trompé à Annecy cette année en décernant son coup de cœur au long métrage en compétition Flow (qui a aussi reçu les prix du Jury, de la meilleure musique originale, et de la Fondation Gan pour le Cinéma).

Déjà en 2019, le succès d’estime, remporté par le précédent et premier long métrage Away, avait fait sensation dans la catégorie nouvellement créée Contrechamp. Comme précisé par Gints Zilbalodis en amorce de la projection de Flow, c’est bien à l’occasion de cette reconnaissance officialisée par ce prix que la carrière artistique internationale de son auteur s’est vue gratifiée d’un nouvel envol.

À l’instar d’un Bill Plympton, le jeune cinéaste — car il s’agit clairement ici d’œuvres s’inscrivant en plein dans le panthéon du 7e art (sélection à Cannes, filiation de cœur reconnus à Alfonso Cuarón) — a su préserver sa pleine intégrité en poursuivant lui-même isolément le panel complet des postes artistiques. Une telle ambition persévérante, avec moultes astuces de production glânées ça-et-là sur le parcours du combattant semé d’embuches, constitue, à l’époque actuelle des compromis avilissants, une confession de foi des plus honorables dont il incombe de saluer le courage pour l’ampleur de sa visée.
La fidélité dans la sincérité du geste est en effet primordiale à savoir préserver dans sa dimension virginale, en vue de parvenir à restituer la pureté native des inspirations fondatrices du propos.
C’est que la mise en scène, axée sur une quintessence picturale érigée comme clé de voûte de la narration transcrite essentiellement visuellement, se porte ici garante pour embrasser l’authenticité des ambiances et relations ténues, dont la portée symbolique aspire à l’universel.

Le degré de poésie, telle qu’engendrée dans la contemplation plastique immersive doublée de nappes instrumentales rythmiques, réussit l’exploit d’emporter l’imaginaire dans des contrées inédites, que seule la dimension virtuelle du jeu vidéo avait jusqu’à présent réussi à sublimer.
D’abord dans « Journey », pour sa fluidité paysagère, son rendu lumineux et sa bande son orchestrale peaufinée.
Ensuite dans « Shadow of the Colossus », pour sa magnificence architecturale baroque et la spatialisation tout en lumière diffuse des ses grandioses perspectives imposantes.

L’apport d’une troisième dimension, dans la gestion de la profondeur de champ, ouvre la voie à l’inclusion de personnages singuliers en devenir, comme autant d’alter-egos venant participer au même titre que le protagoniste à l’aventure initiatique, à l’image du parcours du jeune réalisateur ayant été ici confronté au travail en équipe. La reconnaissance au sein de la famille d’âmes, recomposée autour d’affinités électives, a ainsi permis une entente fusionnelle inédite pour mener à bien la barque de l’édifice artistique, dans le respect de sa cohérence autour de son auteur consacré.

La gestation du projet Flow a pris tout le temps nécessaire à sa maturation (5 ans, soit le double de Away, mais pour une ambition tout autre), nourri par l’observation de la Vie captée dans son âpreté virginale par un regard d’une désarmante profondeur immaculée. Nous nous réjouissons de voir cette progression naturelle du travail de production se poursuivre sans heurts pour venir alimenter le monde des idées d’un tel degré de sensibilité de son créateur.
Officiant comme proue du navire, l’artiste en herbe fait aujourd’hui figure de pionnier, en tant qu’il propose un nouvel élan revigorant aux possibilités offertes par l’animation comme modalité de langage artistique, pour la révélation de terres encore inconnues où tout reste ouvert à l’exploration intime tous azimuts.

La portée contemplative, emprunte de l’intériorité du silence sondé dans les entrailles du monde, soulignée par une caméra constamment dynamique, restera naturellement à l’honneur pour élargir au mieux le champ perceptif du spectateur ainsi convié à l’auto-émancipation par l’invitation à autant de touches méditatives, comme la solitude du jeune aviateur l’avait rendu possible dans Away, et de même que le recours aux personnages animaliers a su le prolonger dans Flow.

Passés la progression du golem glouton dans Away et le déluge dans Flow comme allégories de l’écoulement du temps révélant le caractère périssable de la vie, la menace extérieure gronde toujours en toile de fond, ne laissant aucun répit aux consciences incarnées inscrites chacune à son échelle dans un processus d’éveil sans fin vers plus haut et plus large que soi, ballotté entre immanence et transcendance, à la manière de Jonathan Livingston le goéland dans l’oeuvre de Richard Bach, ou tel L’Homme qui plantait des Arbres chez Frédéric Back.

La crise dont il est ici question renvoie bel et bien à la chrysalide du papillon en devenir que constituent l’homme et la déclinaison de ses avatars.

Flow (Gints Zilbalodis, 2024), 1h25. Ordinateur 3D.
Origine : Belgique, France, Lettonie (Dream Well Studio, Sacrebleu Productions, Take Five Productions)
Sortie en salle annoncée pour le 30 octobre 2024 (UFO Distribution).

Lien vers le dossier de presse, avec un long entretien passionnant sur le parcours du réalisateur :
Dossier de Presse

Portfolio

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