> Mag > Écritures > Indomptable Thoreau
Le scénariste Maximilien Le Roy (déja en charge du texte d’un précédent album sur Nietzsche aux éditions du Lombard) semble s’être fixé comme objectif de nous faire mieux connaître des hommes dont la vie est riche d’enseignements pour chacun d’entre nous. Ce nouvel album est consacré à Henry David Thoreau...
Thoreau,
Un nom que je connais depuis longtemps, mais en raison de mon amour pour la musique ! Et plus particulièrement celle de Charles Ives. Un véritable excentrique, ce cher Ives. Autodidacte, son métier d’assureur lui assure une indépendance financière totale. L’écriture de partitions est donc un hobby, qu’il pratique sans avoir l’obsession d’être publié.
Il peut ainsi laisser libre cours à sa fantaisie naturelle, son goût pour les expériences sonores diverses et variées : hymnes religieux, chants patriotiques et fanfares militaires traversent sa musique dans une joyeuse accumulation (ou une effroyable cacophonie, pour ses détracteurs). Viscéralement Américain, il célèbre les grandes figures intellectuelles de son pays, notamment dans la « Concord Sonata » pour piano, dont chaque mouvement se réfère à un écrivain : Emerson, Hawthorne, les Alcott père et fille, et... Thoreau.
Le dernier mouvement est inspiré par son livre Walden, et pourvu d’une partie de flûte - l’instrument de Thoreau - ad libitum.
Par la grâce des films à succès que sont « Le cercle des poètes disparus » et « Into the wild », le nom de Thoreau résonne quelque peu dans l’esprit du grand public européen, mais plus encore dans le cœur des militants politiques, étant considéré comme le père de la désobéissance civile. Réputation à nuancer et préciser, ce à quoi nous invite l’excellente bande dessinée de Maximilien Le Roy et A. Dan.
Si cet album retrace la vie de l’auteur de Walden, il ne choisit pas pour autant de remonter jusqu’à son enfance, mais s’ouvre sur un geste fondateur : Thoreau emprunte une hache au maréchal-ferrant de Concord pour bâtir une petite maison au bord du lac de Walden.
Là, il vit en ermite, cultive la terre et observe la nature, pour comprendre ce qu’est l’essence de la vie.
S’opposant à l’état fédéral américain belliqueux et esclavagiste, il refuse de payer la taxe gouvernementale et se laisse emprisonner. Dès lors, il devient un symbole et une référence pour les abolitionnistes, et soutient leur action en aidant des esclaves en fuite à passer la frontière du Canada.
Mais il reste un solitaire cherchant la vérité au sein de la nature, rejetant la religion et la politique qui aliènent l’individu. Le culte de l’argent et de la réussite sociale, le progrès technologique à outrance le révulsent. Aujourd’hui, il réussit le tour de force d’être à la fois populaire, étudié à l’école comme un des grands penseurs américains classiques, et d’être une référence dans les milieux intellectuels comme symbole de la résistance au pouvoir.
Il est étonnant de constater que ses réflexions, nées dans un contexte historique et géographique bien précis, se révèlent d’une brûlante actualité dans un monde en pleine crise écologique et politique : pensez au concept de décroissance dont on nous parle régulièrement... Dans cet univers, Maximilien Le Roy et A. Dan sont des guides parfaits.
La langue est claire et forte, le dessin lumineux et simple. Vous ressortez de cette lecture emplis de sérénité et de sagesse. Et fort instruits par les excellents suppléments, sous forme de textes et photos !!!
<cite|livre|titre=Thoreau
|auteurs=Maximilien Le Roy, Dan A.
|editeur=le Lombard
|annee=1012
|tome=1
|pages=88
|isbn=9782803631001
>
Tiré d’un billet initialement paru sur Actualitté