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Kililana song

mardi 6 novembre 2012 par Thierry Saint-Solieux rédaction CC by-nc-sa

dès 9 ans

En ouvrant cet album, on pense d’abord se trouver en présence d’un somptueux carnet de voyage. Erreur ! Quelques planches plus loin, c’est bien une bande dessinée au fort parfum d’exotisme qui démarre.

À l’origine, on trouve un séjour prolongé en Afrique du grand bourlingueur qu’est Flao, un séjour qui l’amène à partager la vie des pêcheurs de l’île de Lamu.

Pour ce Breton fasciné par la marine ancienne, le spectacle des merveilleux bateaux à voiles équivaut à un voyage dans le temps. Mais en croquant les paysages et les hommes pour ce qui doit être un carnet de dessins, il multiplie les rencontres et engrange suffisamment de matière pour nous raconter une fascinante histoire, à peine décalée de la réalité.

Il peut dresser le constat des profondes mutations bouleversant le quotidien de ces amis kenyans, dont celle-ci : les riches touristes rachètent les maisons traditionnelles, et les plus jeunes habitants de l’île se trouvent réduits à l’état de domestiques !!! Triste évolution, qui concerne de nombreux pays à travers le monde... Une forme de néo-colonialisme ?

Pour autant, il ne s’agit pas d’un reportage en BD comme savent en produire Joe Sacco ou Guy Delisle et par exemple, les violences ethniques récentes qui ont secoué le pays ne sont pas évoquées.

Nous avons là plutôt, si je peux emprunter ici une phrase toute faite des critiques de cinéma, un "récit choral" où de multiples protagonistes se côtoient et se frôlent - et même, se rencontrent, parfois - tout en vivant des histoires bien différentes... Ce tableau fait de petites touches trouve sa cohérence dans la force et la profondeur des personnages principaux.

Voyez le début de l’album : un bateau en panne dans les eaux territoriales du Kenya se trouve remorqué jusqu’au port le plus proche, ce qui oblige son capitaine à se débarrasser en catastrophe d’une cargaison de drogue : alcoolique et fort en gueule, c’est une canaille finalement sympathique qui déteste les riches européens aussi stupides que vulgaires.

Et ce pépé hirsute qui refuse de céder son bout de terrain à des promoteurs immobiliers véreux - gare au pléonasme - ? C’est un chamane qui protège un territoire sacré. Mais surtout, il y a Naïm, ce gamin des rues futé et drôle qui court, qui court tout au long du bouquin ! Il court pour échapper à son grand frère qui veut lui faire suivre les cours de l’école coranique.

Et coranique ou pas, l’école reste l’école, c’est-à-dire un genre de prison alors que dehors, le soleil brille et que l’on peut se faire de l’argent en embrouillant les touristes. Quelle fraîcheur et quelle malice dans ce regard d’enfant, quel bonheur de partager ses réflexions si vivantes et si pittoresques !!!

Pourtant, tout cela ne serait rien sans le fabuleux dessin de Benjamin Flao et ses couleurs sublimes : après « La ligne de fuite » et « Mauvais garçons », voilà la preuve d’un talent qui s’épanouit...

<cite|livre|titre=Kililana song
|auteurs=Benjamin Flao
|editeur=Futuropolis
|annee=2012
|tome=1
|pages=128
|isbn=9782754803755
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Critique précedemment parue dans Actualitté

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