Magazine culturel contributif en bassin franco-valdo-genevois

> Mag > Écritures > L’abyssale connerie humaine

L’abyssale connerie humaine

samedi 19 mai 2018 par Séverine Conesa rédaction CC by-nc-sa

Chronique

Brassens l’a clamé haut et fort : quand on est con, on est con ! Car la connerie est certainement la chose la mieux partagée au monde. Pierre Perret ne s’y trompe pas, qui chante qu’on est toujours le con de quelqu’un. Découvrez quelques livres consacrés à l’abyssale stupidité humaine.

L’ouvrage de Maurizio Ferraris, L’imbécilité est une chose sérieuse, est un état des lieux des études et réflexions consacrées à ce thème. À grand renfort de références l’auteur démontre que l’imbécilité n’est pas l’apanage des incultes, bien au contraire. Les grands penseurs ont tous eu leur moment d’égarement intellectuel. La stupidité est ainsi la seule disgrâce dont on peut rire sans scrupule. L’auteur distingue deux formes d’imbécilités, celle de l’élite et celle dite « de classe ».

Mais les gens sont-ils plus bêtes qu’avant pour autant ? Comme le remarque Umberto Eco en marge d’une cérémonie, les cons ne sont pas plus nombreux, ils sont juste plus visibles. En effet, internet devient une sorte de boite de Pandore des imbéciles. Le net permet la conservation et la propagation à grande vitesse de conneries monumentales qui ne seraient sans doute pas sortis du bistrot par le passé.

Il n’est plus de vie qui passe sans laisser de traces. Et, dans ces traces, il n’y a pas de fonds de tiroir, de notes, de brouillons. Tout est publié, littéralement, à la vitesse de la lumière : c’est une apocalypse sans messianisme, dès lors que la révélation totale ne se fait pas même attendre un instant. "

(Maurizio Ferraris, pp. 37-38)

La connerie est un thème fédérateur, comme en témoignent les nombreux ouvrages qui y sont consacrés. Certains sont placés sous le signe de l’humour comme Les lois fondamentales de la stupidité humaine, de Carlo M. Cipolla. L’auteur s’attaque dans cet essai à la chose la mieux partagée au monde, la stupidité. C’est sur un ton caustique et avec d’étranges schémas qu’il délivre cette vérité effarante.

Il s’agit donc pour lui d’identifier les composantes de cette force obscure mais omniprésente qui menace le bonheur de l’humanité. Un intermède technique est consacré aux relations humaines, envisagées comme l’objet de pertes ou de profits mutuels. Carlo M. Cipolla divise les hommes en quatre catégories, les crétins, les intelligents, les bandits et les stupides et démontre la puissance destructrice que peut générer la stupidité, dès lors que l’on y adjoint le pouvoir. Un petit texte rafraîchissant, une réflexion rondement et plaisamment menée, une liste de lois fondamentales édifiante.

D’autres, comme La bêtise s’améliore de Belinda Cannone sont de véritables études romancées. Un essai sous forme de conversation à trois voix : tout commence lorsque Gulliver, le meilleur ami du narrateur, s’interroge sur l’idée de bêtise, celle, en particulier, des gens intelligents. Cultivés, informés, libres (pourrait-on croire) d’exercer leur intelligence à tout moment et sur tout sujet, et subissant pourtant l’influence de la doxa. Oh,une doxa raffinée, pas simplement l’opinion du grand nombre, non : l’opinion de ce relativement petit groupe - les gens intelligents - qui domine la pensée contemporaine.

La réflexion se poursuite au fil des rencontres entre les deux amis : la bêtise est la plupart du temps l’expression de réflexes conditionnés, elle résulte d’une paresse de l’esprit. Les mécanismes de la bêtise sont la pensée-mode, la paresse, le réflexe, le bon sentiment. La bêtise s’appuie également sur une « force empruntée », « une culture partagée » ou une réduction des idées. Cette réflexion savante et vivante se fonde à la fois sur l’étude de la société et la psychologie individuelle, mais aussi sur d’autres textes. Essais et romans viennent étoffer la conversation, Flaubert, Montaigne, Proust, Muray, Pascal ou Musil sont évoqués.

Enfin, je vous conseille ce petit guide de survie, Riposte, destiné à tous ceux qui souhaitent s’armer face à la bêtise ordinaire.

 Maurizio Ferraris, L’imbécilité est une chose sérieuse, Puf, 2017.
 Carlo M. Cipolla, Les lois fondamentales de la stupidité humaine, Puf, 2012.
 Belinda Cannone, La bêtise s’améliore, Stock, 2007.
 Alain Roger, Bréviaire de la bêtise, Gallimard, 2008.
 Robert Musil, De la bêtise, Allia, 2011.
 Denis Grozdanovitch, Le génie de la bêtise, Grasset, 2017
 Jessie Magana, Riposte : comment répondre à la bêtise ordinaire, Acte sud junior, 2014
 Mozinor, Le détecteur de gros cons, Dailymotion

le Detecteur de gros cons
juillet 2005
http://www.mozinor.com
mozinor

Commenter cet article

Pour participer ici, vous devez vous connecter avec l’adresse mail de votre inscription sur Rictus.info.