> Mag > Musique > L’exploration cinématique signée Kyle Eastwood
Kyle Eastwood et son quartet revisitent des musiques de film que les cinéphiles ne manqueront pas de reconnaître tout en appréciant l’originalité de chaque reprise.
En cette douce soirée de mai naissant, tout heureux d’être enfin démasqués (!), de nombreux auditeurs se hâtent et investissent ce grand et accueillant auditorium de Château Rouge.
Une belle prestation du Louis Matute quartet, qu’il serait bon d’évoquer ultérieurement, nous met en appétit...
À la hâte, les machinistes œuvrent et mettent en place les instruments sur scène. Et qui arrive discrètement afin d’affiner les derniers réglages sur sa contrebasse et guitare électrique basse ? Celui-là même pour qui nous avons effectué le déplacement : Kyle Eastwood, en toute simplicité. Belle attitude manifestée tout au long de ce qui fut un beau concert...
Les lumières de la salle se tamisent, Andrew McCormack, piano, Brandon Allen, saxophone & clarinette, Quentin Collins, trompette & buggle, Chris Higginbottom, batterie, et Kyle se faufilent à leur place et voilà que les sons naissent après le silence...
Trompette et saxo sont déjà à l’unisson dans une interprétation fouillée d’une mélodie bien connue de Taxi Driver : nous voici portés par une musique inquiétante dans le taxi jaune de Robert De Niro, à sillonner les rues de New York ou la « faune nocturne » cosmopolite déambule, inspirant des commentaires glauques à Travis.
Pas le temps d’attacher nos ceintures (de toute façon elles étaient facultatives à l’époque !) et c’est dans la Ford Mustang rugissante du lieutenant de police Bullitt (Steve McQueen) que nous dévalons les rues pentues de San Francisco, dans une poursuite qui finira mal pour les malfrats... La contrebasse soutient un rythme affolant, les cuivres font hurler les pneus brûlants sur l’asphalte, tandis que les pots d’échappement pétaradent sous les fûts du batteur, nous respirons presque les gaz d’échappement !
Ouf ! nous descendons de voiture et sous une salve d’applaudissements, Kyle nous annonce une halte au Cinema Paradiso pour savourer une tranche d’Italie, moment de grâce nostalgique, où piano, saxo et basse nous cajolent avec cette douce ballade d’Ennio Morricone.
Batterie et basse sur un rythme méthodique nous ramènent en train vers Paris, dans Charade où Cary Grant et Audrey Hepburn s’illustrent dans une troublante histoire. Ici encore tous les instrumentistes à l’unisson nous gratifient d’une magistrale interprétation de cette composition d’Henry Mancini, ponctuée par d’audacieux arrangements du saxo.... Nous reprenons nous aussi notre souffle et voici que quatre notes répétées du saxo nous font revoir la vie en rose, avec les yeux d’une célèbre panthère et les moustaches d’un inspecteur catastrophe coiffé de son bob en tweed.
Avec Hugh Coltman, élégant dandy british, qui susurre la douce mélodie écrite par Kyle et Clint pour Gran Torino, nous roulons à nouveau dans une voiture mythique. Après toutes ces envolées orchestrales, il nous faut « redescendre du ciel » avec une interprétation pour le moins originale de Skyfall.
Cette autre composition de notre bassiste préféré est traitée avec singularité et envolées lyriques par son quartet. Le célèbre agent secret au service de sa majesté nous invite, auditeurs enchantés, à savourer un dernier rappel avec un beau blues de Miles Davis avant que les lumières ne viennent mettre un terme à cette bande-son.
Avec ce dernier album, Cinematic, Kyle Eastwood nous donne envie de faire plus ample connaissance avec sa discographie riche d’une dizaine d’opus. Cet artiste plein de talent, d’élégance et de simplicité nous encourage également à découvrir ou revoir les films évoqués dans ce qui fut une belle soirée de musique vivante.