> Mag > Cinéma > La précieuse marchandise en salle
La mise en animation par l’équipe menée par Michel Hazanavicius du conte écrit par Jean-Claude Grumberg avait fortement impressionné lors de sa projection au Festival d’Annecy. La sortie en salle imminente de ce film est l’occasion de revenir sur l’article que nous avions publié au visionnage de ce drame.
Et pourtant, c’est bien avec la forme d’un conte que démarre La Plus Précieuse des marchandises. Pauvre bûcheron et pauvre bûcheronne affrontent un hiver de disette au cœur de leur forêt. Le bûcheron a des allures d’ogre (servi par la formidable voix de Grégory Gadebois) et sa femme porte les traits rugueux d’une vie rude.
Alors que pauvre bûcheronne pleure son enfant disparu, un des nombreux trains de passage largue une étonnante cargaison dans la neige : un bébé. Cette précieuse marchandise devient l’objet d’attention de la bûcheronne, puis de son mari attendri au fil des mois, puis de l’ermite mystérieux et enfin, de son véritable père. Car ce père a pris la terrible décision d’abandonner son bébé depuis le train qui l’emmène vers Auschwitz. Abandonner pour peut-être sauver. La petite histoire rejoint la grande Histoire et les indices laissent place à des images sans concession sur ce qu’il se passe dans les camps de la mort.
L’animation peut montrer ce qu’un film en prise de vues réelles aurait sans doute évité. L’acmé est la vision des visages décharnés, hurlant, faisant penser au célèbre tableau Le Cri de Munch.
Michel Hazanavicius, monté sur scène avant la projection avec une petite partie de l’équipe, nous avait prévenu : la décontraction et l’enthousiasme de l’équipe détonne avec ce qui va suivre. En effet. Il profite de la tribune pour confesser que réaliser un film d’animation est plus long qu’un film de prise de vues réelles, un parcours semé d’embûches qui plus est. Quelques rires complices dans la salle. Puis le noir se fait et le récit commence.
Nous sommes charmés par les paysages au fil des saisons, rappelant les tableaux des grands peintres du XIXe siècle, et happés par les visages des personnages si singuliers, comme gravés. Tout le film emprunte une ligne de crête entre la noirceur et la lumière, semblable à cet oiseau qui vole de la forêt au camp formant ce lien invisible entre le bébé devenu jeune enfant et son père. C’est intelligent, poignant et puissant.
Sortie nationale : 20 novembre 2024
Texte de cet article précedemment publié le10 juin 2024