> Mag > Arts > Le Livre d’Artiste, rencontre autour d’une passion
Ces samedi 3 et dimanche 4 octobre, la commune de Lucinges s’apprête à recevoir en ses murs la Fête du livre d’Artiste. Au menu, des conférences, des lectures publiques, des rencontres avec des artistes et des éditeurs présents au village pour exposer leurs œuvres. Très bien. Mais au fait, un livre d’artiste, qu’est-ce que c’est ?
Niché sur les pentes du massif des Voirons, Lucinges est en apparence une commune du Genevois français comme les autres. Et pourtant, le village détonne par son offre culturelle riche en propositions variées, audacieuse en ces temps où l’on relègue volontiers la culture au second plan des priorités politiques.
Preuve en est cette Fête du Livre d’Artiste qui va s’y tenir . Si, sûrement, le concept du « Livre d’Artiste » demeure pour l’instant quelque chose d’obscur à votre esprit, pas de panique, cette présentation de l’événement devrait y remédier.
Pour le comprendre, il convient de noter ce qui distingue le livre des autres œuvres d’art. Le livre, l’objet que l’on a tous eu un jour ou l’autre entre les mains, se différencie d’un tableau, d’une sculpture, ou d’une gravure sur un point essentiel. En effet, ces dernières formes d’art sont uniques : l’artiste, lorsqu’il crée son œuvre, réalise un original (il n’existe qu’une seule Joconde, Picasso n’a peint qu’un seul Guernica, Van Gogh qu’une seule Nuit étoilée, etc.). Le livre, quant à lui, est publié à de multiples exemplaires pour assurer sa diffusion ; il n’est donc pas unique.
Le livre d’artiste n’est pas un livre ordinaire : il est justement une œuvre unique, originale, et constitue le lieu où se rencontrent et collaborent un écrivain et un artiste (peintre, plasticien, graveur, etc.) ; l’écrivain élabore le texte, l’artiste met en forme, crée l’objet, confectionne le livre d’artiste en tant que tel. Comme une image vaut mieux qu’un long discours, voici quelques photos de livres d’artistes qui devraient vous aider à y voir plus clair.
Le lien tissé entre Lucinges et cette forme d’art encore trop méconnue qu’est le livre d’artiste ne date pas d’aujourd’hui. En 2009, Michel Butor, célébré pour son roman La Modification (1957) et sa contribution à l’émergence du Nouveau roman, commence à donner plusieurs livres d’artistes à la commune où il réside maintenant depuis plus de vingt ans. Peu à peu, le « Fonds Michel Butor » accumule les livres d’artistes. Il en comporte aujourd’hui de 700, parmi lesquels ceux que Michel Butor a lui-même réalisé avec plus de 130 artistes contemporains, mais aussi ceux d’autres artistes, donnés ou acquis par la commune.
Cette Fête du Livre d’Artiste sera donc l’occasion de valoriser cet imposant patrimoine, mais aussi de venir à la rencontre de l’un des auteurs majeurs de la littérature française qu’est Michel Butor, invité d’honneur de l’événement. Nul doute que la conférence et les lectures publiques qu’il donnera ce samedi au village [1] constitueront des temps forts du weekend et restent une occasion à saisir quand on connaît l’impact de Michel Butor sur la littérature de manière générale.
Pour autant, il ne faudrait surtout pas réduire les animations proposées ce week-end à la seule présence de Michel Butor ! Cette Fête du Livre d’Artiste, c’est avant tout et surtout un salon d’exposition, qui sera ouvert à tous, le samedi et le dimanche, au gymnase de Lucinges.
Vingt-cinq artistes et éditeurs seront présents ; l’occasion de découvrir le livre d’artiste sous de toutes ses formes, de rencontrer et d’échanger directement avec des auteurs et des artistes locaux (Alain Bar, graveur d’Albertville, Véronique Scholl, plasticienne de Viuz-en-Sallaz, un village voisin), de la France entière (Cendres Lavy qui viendra spécialement de Haute-Garonne ou encore le plasticien nîmois Robert Lobet), mais aussi d’Italie (le photographe et éditeur Daniele Ferroni) et même de Taïwan (Liya Huang, qui mène de front son activité d’artiste et la préparation de son doctorat depuis Madrid où elle est maintenant installée depuis cinq ans).
Un stand devrait également être occupé par l’Association Thérèse Houyoux, en hommage à cette dernière, plasticienne d’originaire belge qui vivait non loin d’ici, à Genève, et décédée il y a quatre ans. Sera enfin exposé le « livret d’artistes », fruit de la collaboration entre Michel Butor – qui en a composé le texte, intitulé « Laissez le papier s’exprimer » -, les artistes invités et l’organisation de l’événement, chacun complétant le livret d’une œuvre de sa réalisation, synthèse de pas moins de dix-sept œuvres assemblées autour du texte de Butor.
En marge de l’exposition permanente, la Fête sera rythmée par les différentes conférences proposées autour du livre d’artiste. Les « Conversations autour de Michel Butor, livre d’artiste et poésie », animées par Elodie Bouygues (maître de conférence à l’Université de Franche-Comté) et Adèle Réalini des Cafés littéraires de Lucinges, seront ainsi précédées d’un débat « Pour une typologie du livre d’artiste » auquel participera Philippe Marchal, tout droit venu de la bibliothèque privée du livre d’artiste de Bruxelles [2].
Divers ateliers (slam, chorale, typographie) et lectures viendront enfin compléter ce qui s’apparente à un programme alléchant.
[1] 16h pour la conférence intitulée « Conversations autour de Michel Butor, livre d’artiste et poésie », 17h pour les lectures publiques
[2] débat que les retardataires pourront d’ailleurs suivre le dimanche après-midi