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Jusqu’au 27 juin, la 9e édition du Festival de Caves présente une trentaine de spectacles de théâtre dans 60 villes de France « dans des caves, sous-sols et autres petits lieux ». Premier flash à Lyon avec Ce quelque chose qui est là, adapté à la scène par Chantal Morel d’après le texte d’Antoine Choplin La nuit tombée. Un voyage de nuit vers Pripiat, en Ukraine. Vertige assuré par des comédiens à vif, à l’os.
Un lundi soir. Rendez-vous sous un arbre à la station de métro Ampère, dans le 2e arrondissement de Lyon. Les spectateurs arrivés, l’ouvreuse les guide « à deux pas », à trois ou quatre rues de là. L’immeuble est bourgeois. On passe la porte, on traverse la cour, puis plonge par l’escalier jusqu’à une voûte de pierres qui flaire l’humidité. Une trentaine de chaise entoure, au fond, une estrade de bois que cernent quelques projecteurs. Deux silhouettes patientent dans l’ombre.
Lumière. Noir. Et là, le bruit de moto rompt le silence. C’est parti. Gouri, l’écrivain public et poète, revient à Pripiat, zone interdite après l’accident nucléaire de Tchernobyl. Il passe chez Iakov et Vera, des amis d’avant, croise encore un autre homme dans la nuit.
Sur la scène, les mots ne la ramènent pas, confinent parfois à la sécheresse. Les gestes, contraints par l’espace réduit du plateau, un carré de vieilles planches, vont à l’essentiel, à l’os : ce regard tourné, cette toux qui plie le corps contaminé, le buste tendu dans la nuit sur une bécane. Du confinement extrême de la scène, les comédiens Roland Depauw et François Jaulin tirent une douleur qui force la pudeur. Que se passe-t-il après l’accident nucléaire, quand le désastre s’insinue dans chaque repli de la vie ?
Après, les hommes vivent, reviennent dans leur maison chercher les traces d’un quotidien passé, posent la main sur l’épaule de l’autre, dictent une lettre à l’être aimé. Sous la voûte de la cave, les voix et les corps se glissent dans la nuit, soutenus par une bande son au cordeau : chuintement de la rivière, moteurs des patrouilleurs, tapis de feuilles mortes.
Chantal Morel, la metteure en scène, explique que « cette histoire simple, et les contraintes qu’elle nous impose pour donner à voir et à entendre, nous conduisent à renouer avec ce qui, au théâtre, se noie dans les recherches de la technique contemporaine ». Elle poursuit : « Ainsi, l’humble et la mesure redonnent au théâtre de quoi se redresser de la honte qui le pousse à délaisser sa tâche la plus difficile : humaniser l’être humain ». Limpide, encore.
« Ce quelque chose qui est là » sera joué les 30 et 31 mai à Montbéliard, puis les 6,7 et 8 juin à Paris
Lire : La nuit tombée, d’Antoine Choplin, ed La fosse aux ours
Né à Besançon à l’initiative de Guillaume Dujardin (directeur artistique) et de la Compagnie Mala Noche, le festival a petit à petit essaimé en Franche-Comté, Bourgogne, Rhône-Alpes. Et jusqu’à Montpellier, Baumes-les-Dames puis Paris, en juin.
La Genèse
En 2005, la Compagnie Mala Noche créait dans les caves d’un particulier bisontin, Le Journal de Klemperer, monologue adapté du journal tenu entre 1933 et 1945 par le philologue allemand Victor Klemperer. Ce spectacle se faisait en partenariat avec le Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon. La cave était le moyen de rappeler les conditions de survie et la nécessité de se cacher pour un intellectuel comme Klemperer sous un régime dictatorial.
Le lieu « cave » s’est révélé être un lieu formidable de création et a remporté un succès certain.
Le Festival à Besançon
dès 2006, un projet de création de spectacles multiples dans une période limitée, une sorte de festival dans lequel la seule contrainte serait l’unité de lieu : la cave.
La proximité avec les spectateurs, le décor naturel, la petitesse de la « scène », la limitation des éclairages et de la technique ont engendré des formes artistiques particulières.
Développement du Festival
Pogressivement, lLe Festival a grandi et continue de grandir. Rejoint chaque année par de nouvellles villes. Depuis 2010, le Festival est présent sur tout l’axe Rhin-Rhône, de Strasbourg à Lyon et s’invente aussi de nouveaux partenariats ailleurs en France, à Lille, Nantes, Orléans, Toulouse…
Expansion mutuelle
La maîtrise de la direction artistique reste bisontine mais chaque compagnie locale propose des spectacles qui peuvent intégrer la programmation commune.
Le Festival devient ainsi un réseau de sous-sols à l’échelle européenne, dans lesquels des créateurs inventent des spectacles.
Pour réserver : 03 81 6179 83 ou Mail : festivaldecaves@gmail.com
www.lefestivaldecaves.fr
D’après La Mémoire de l’air de Caroline Lamarche et Un Mage en été
d’Olivier Cadiot
/ Conçu par et avecAnne-Laure Sanchez
Cie La Cham
Un jour d’été, elle découvre une photo. Une photo d’une femme qui se baigne dans une rivière. Une femme inconnue. Elle se souvient d’une promenade et d’une robe rouge, un jour d’été. Recoller les morceaux.
Avec du scotch.
12 / 10 / 7 €