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Présenté en avant-première lors des « Rencontres du film des résistances » lundi 17 novembre au soir à la Turbine (Cran-Gevrier),L’Homme du peuple sort sur les écrans nationaux le mercredi suivant.
On ne change pas une équipe qui gagne. Pour son 35me long-métrage, Andrzej Wajda revient une fois de plus aux fondements de son cinéma : critique virulente du régime soviétique en Pologne, engagement politique et conflit chez un individu entre sa vie personnelle et son engagement.
Jugez plutôt : L’Homme du peuple est le dernier volet d’une trilogie initiée en 1977 avec l’Homme de marbre puis avec l’Homme de fer, Palme d’or à Cannes en 1981. Andrzej Wajda s’attaque ici à la vie d’un monument national : Lech Walesa. Le scénario se concentre sur la vingtaine d’années [1] durant laquelle Walesa, petit électricien sur les chantiers navals, devient le leader syndical et prix Nobel que nous connaissons. Le film est l’autopsie minutieuse d’une irrésistible ascension qui pose la question suivante : « Qu’est-ce qu’un leader politique ? » (La journaliste Oriana Fallaci, dont l’interview de Walesa structure le film ne demande-t-elle pas à l’ouvrier « Quand avez-vous réalisé être un leader ? » ?)
Derrière le portrait de l’homme, c’est l’histoire de la Pologne qui apparaît au second plan. L’Homme du peuple est autant un biopic [2] qu’un film historique, reconstitution d’une époque encore récente (le film se termine sur le discours de Walesa devant le Congrès américain en 1989) et de la dictature soviétique qui parcourt la vie de Wajda. À ce titre, le choix de croiser images fictives et documents d’archive se trouve être un procédé judicieux : le réalisateur a conscience que sa mise en scène, aussi fidèle soit-elle, ne peut rendre entièrement l’atmosphère, la force émotionnelle et symbolique des événements, des grèves, des discours [3].
Le dispositif, pour notre plus grand plaisir, brouille les frontières entre documentaire et cinéma de fiction ; la fiction est ancrée au plus profond du réel, la réalité est fictionnalisée. Entrelacement qui est souligné par les transitions entre archives et mise en scène, somptueuses. Toutefois, Wajda donne aussi à voir les limites d’un tel melting-pot : le film, dans son ensemble, est assez inégal et les images d’archives prennent le pas sur les scènes de pure fiction, si bien que, par contraste, on frôle à plusieurs reprises l’anecdotique, si ce n’est le docu-fiction tel qu’il est pratiqué à la télévision.
De la même manière, le film, malgré son ingéniosité, ne parvient pas échapper à un certain classicisme. Sans se complaire dans le moule des biopic traditionnels qui gangrènent Hollywood depuis quelques années, L’Homme du peuple donne parfois l’impression que l’on navigue paisiblement sur le fleuve de la vie de Walesa, là où on attendrait une réelle exploration des méandres du personnage. L’opposition, classique, entre face sociale et vie privée de l’homme engagé dans une « grande cause », est assez sommaire.
Wajda s’en sort toutefois par deux atouts essentiels qui font que le film est globalement une réussite. La mise en scène, d’abord, qui dépeint Walesa comme un homme encerclé, pris en étau, aussi bien par les hommes du régime que par ceux qui le somment prendre part au conflit. Et surtout, le réalisateur parvient à restituer une époque, un climat de lutte permanente qui occupe tous les terrains – le choix de la bande-son et des musiques fait sens et rend bien cette idée d’une lutte contre le régime qui dépasse le terrain proprement politique.
Les Rencontres du film des résistances
Saluons la programmation exemplaire de ce festival, qui a proposé les films de quelques grands réalisateurs, de belles avant-premières et surtout des séances en présence des réalisateurs. On peut toutefois regretter le nombre très réduit de séances pour certains films.