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Quand Macaigne débarque à Annecy, Bonlieu tremble !

vendredi 5 décembre 2014 par Sophie Feissel rédaction CC by-nc-sa

Compte-rendu

Vincent Macaigne replonge avec fureur dans le monde dostoïevskien, en adaptant à nouveau librement (c’est le moins que l’on puisse dire) le roman L’Idiot de l’écrivain russe, dans une mise en scène contemporaine, violente et extrême.

Un avant goût lundi 24 novembre aux Nemours du personnage, avec la projection du film Tristesse Club, dans lequel il joue le frère de Laurent Lafitte, qui apprend par une sœur qu’il ne connaissait pas, la mort de leur père ...

Et on retrouve Vincent Macaigne, metteur en scène, mercredi 26 et jeudi 27 novembre dans le hall de Bonlieu, accompagné de quelques-uns de ses comédiens, haranguant la foule des spectateurs et l’exhortant à sortir du théâtre plutôt que de rentrer dans la salle, à grand renfort de mégaphones. Emmenés jusqu’à l’extérieur, chauffés à blanc, les spectateurs sont ensuite reconduits jusqu’à la salle, méconnaissable. Les plus inquiets peuvent prendre les boules quies proposées à l’entrée, les plus audacieux monter sur scène pour danser aux côtés des comédiens qui continuent de vociférer dans leurs mégaphones. Chacun a droit à une bière tout juste sortie de la tireuse qui se trouve sur scène. On se croirait à un concert de rock !

Imaginez la grande salle de Bonlieu tout juste refaite à neuf transformée en club, musique électro à fond, chaque spectateur un verre de bière à la main. Les beaux sièges blancs des dix rangées les plus près de la scène sont recouverts de couvertures noires et les spectateurs des deux premiers rangs ont même droit à une bâche plastique pour se protéger d’on ne sait pas encore trop quoi ...

Il reste encore quelques lycéens sur scène quand la pièce commence vraiment. Ils sont pris à parti par les comédiens et « inviter » à la soirée mousse (une vraie soirée avec de la vraie mousse) pour célébrer l’anniversaire de Nastassia Philippovna.

A partir de là, pendant plus de trois heures, la troupe de Macaigne s’ingénie à mettre à sac l’appartement qui sert de cadre à l’action et à sacrifier l’idiot et la société qui rend impossible son existence.

L’Idiot, c’est le prince Mychkine, un jeune homme à priori privilégié, mais surtout un être hors norme, naïf, inadapté à la sauvagerie d’une société « aux valeurs floues … installée et aristocratique, aux prises avec des changements idéologiques qu’elle ne maîtrise pas », écrit Vincent Macaigne.

Pascal Reneric prête ses traits à ce personnage à la fois grotesque et tragique, aussi clownesque quand il parle avec l’accent belge que sublime quand il s’asperge de feuilles d’or et émouvant lorsqu’il revêt un costume de miroirs et se transforme en boule à facettes.

La Russie de la seconde moitié du XIXe siècle, avec son chemin de fer, ses aristocrates cyniques, ses banquiers cupides, ses jeunes guidés par l’argent qui rêvent de liberté et d’évasion, fait écho à notre époque, moderne et décadente.

Au final, un jubilatoire jeu de massacre où paroles avec ou sans micro, sons, fumigènes, hémoglobine, mousse, terre, peinture et eau se déversent sur le plateau et au-delà ...

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