> Mag > Écritures > Que soient bénis les ignorants
Ne buvant pas de vin et ne sachant pas dessiner, suis-je autorisé à vous parler du dernier livre d’Étienne Davodeau, Les ignorants (Futuropolis) ?
Pas d’importance, le but de cet ouvrage est de vous amener à comprendre le processus de création d’une bande dessinée aussi bien que d’un vin, et de mettre en lumière ce qui rapproche ces univers si opposés... a priori !
Étienne a donc pour ami Richard, vigneron bio - enfin, c’est plus compliqué que ça, il y a bio(logique) et bio(dynamique) ! - à qui il veut faire découvrir le monde de la bande dessinée et à qui il propose en échange de l’aider dans ses vignes. Sécateur dans une main et carnet de croquis dans l’autre, il en fait le héros d’une BD didactique sur son quotidien de petit producteur...
Richard est un homme chaleureux, entier, qui n’hésite pas à chambrer Étienne Davodeau quand celui-ci s’égare complètement en dégustant de bonnes bouteilles, et à dégommer les auteurs de BD qui ne lui plaisent pas, fussent-ils considérés par d’autres comme des Dieux vivants (pauvre Moebius !) : il aime - ou pas - avec spontanéité et bon sens...
Nous suivons Étienne et Richard depuis la taille de la vigne jusqu’à la mise en bouteilles, en passant par les traitements divers et variés, mais jamais chimiques ! Nous voyons notre vigneron recevoir des cavistes, importateurs et restaurateurs, et bien sûr, les collaborateurs de l’incontournable Robert Parker, homme controversé sur lequel nous avons ainsi un avis éclairé et nuancé...
Ouvrir un album de Davodeau, c’est comme visionner un documentaire de Raymond Depardon ; c’est l’assurance de rencontrer de sacrés êtres humains et ici comme dans Rural (qui nous parlait des agriculteurs), viscéralement liés à la nature et au rythme des saisons ! Dessinateur et vigneron choisissent à chaque étape les outils et ingrédients nécessaires pour leur création, et l’amour du métier les préserve de toute lassitude...
On voyage beaucoup dans ce livre : festival de BD, imprimerie, domaine viticole, fabrique de tonneaux... On s’engueule un peu et on rigole beaucoup !
Même amour pour le vin, même volonté de rendre accessible un univers complexe avec Les gouttes de Dieu de Tadashi Agi et Shu Okimoto (Glénat) mais une approche très différente !
Les mangaka (ndlr : auteurs de Manga) ont la capacité de traiter tous les sujets imaginables et d’en tirer des histoires aisées à suivre, malgré le très grand nombre de personnages et les digressions permanentes !
Ici, c’est la compétition que se livrent un connaisseur et un néophyte pour emporter une collection de grands crus, et l’on retrouve un thème cher à la culture japonaise, en l’occurrence la transmission du savoir, mais aussi le rapport de maître à élève qui en découle...
À l’occasion des différentes péripéties, les auteurs abordent la question du mariage des vins et des aliments et laissent entendre au passage que la cuisine chinoise serait difficilement compatible avec le bon vin, pour une raison que je vous laisse découvrir en lisant ce manga !
Cette série est un vibrant hommage rendu aux grands domaines viticoles français et au travail de leurs propriétaires, et s’adresse à tous les types de lecteurs : les amateurs éclairés en matière de vin y trouveront des informations passionnantes amoureusement distillées, et les profanes entreront dans cet univers de façon ludique et décomplexée… Santé !
<cite|livre|titre=Les ignorants
|auteurs=Étienne Davodeau
|editeur=Futuropolis
|annee=2011
|pages=267
|isbn=978-2-7548-0382-3
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<cite|livre|titre=Les Gouttes de Dieu
|auteurs=Tadashi Agi, Shu Okimoto
|editeur=Glénat
|lieu=Grenoble
|annee=2008
|collection=Seinen Manga
|tome=T1 (21 Tomes parus pour l'heure)
|traducteur=Anne-Sophie Thévenon
|pages=218
|isbn=978-2-7234-6340-9 (Tome 1)
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Article précedemment publié sur Actualitté