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L’association imagespassages œuvre pour mettre en avant la vidéo d’art contemporain à travers des installations, des projections de vidéos d’artistes, des documentaires sur l’art contemporain, des rencontres et conférences. imagespassages intervient également auprès des scolaires et met à la disposition de tous, un centre ressource d’une grande richesse, ouvert tous les mardis après-midi. Cette année l’association fête ses 20 ans, une bonne occasion pour en savoir plus sur cette association et le parcours de sa présidente.
Comment êtes-vous venue à l’art vidéo ?
J’ai fait des études d’anglais et civilisation américaine, j’étais étudiante à Nanterre en 1968, j’appréciais Anaïs Nin, sa liberté. J’ai toujours eu un intérêt pour l’art au sens large et pour les questionnements soulevés par la pratique artistique, qu’elle soit littéraire ou plastique. C’est donc naturellement que je me suis intéressée à l’art vidéo comme expression artistique dans les années 80 car c’était une forme nouvelle qui promettait de nouvelles possibilités, de nouveaux questionnements.
Dans les années 1990, je travaillais dans le domaine du théâtre pour l’association « Peuple et culture ». Malheureusement l’association a disparu, j’en ai alors profité pour reprendre une formation universitaire à Lyon et j’ai opté pour un DESS, management de projet culturel.
Pour l’anecdote, voici comment tout a démarré, j’étais au Grütli à Genève et je vois un magazine avec Jean-Luc Godard en couverture. J’ai toujours apprécié son travail cinématographique, ses expérimentations, j’ouvre donc le magazine et tombe sur un article ou plutôt une annonce « appel pour monter des actions autour de la vidéo, « les 100 lieux », nous contacter ». ce que j’ai fait et réalisé mon stage à Gen Lock au Grütli, qui soutenait ce projet. J’ai fait le tour de la France pour voir ce qui existait dans ce domaine (musées, cafés, festivals…), et commencé à constituer mon réseau. On était au début des années 90, internet balbutiait, l’art vidéo était porteur. Puis j’ai soutenu mon mémoire « la vidéo une télévision sans image » avec Jean-Paul Fargier (commissaire d’exposition, critique d’art et de cinéma...) en 1992.
Et imagespassages est né.
En 1990, il y avait eu cette exposition au centre Pompidou, "Passages de l’image. Films, vidéos, images de synthèse" et comme je suis friande de jeux de mots, le nom de l’association m’est venu facilement. En octobre 1993, nous avons déposé les statuts, le conseil d’administration comptait 5-6 personnes tous bénévoles et amis. Le Noël 93, nous l’avons passé tous ensemble à réfléchir, constituer des fichiers d’adresses et envoyer des cartes de vœux pour annoncer nos premières activités.
Les premières années nous ne faisions que des projections, ainsi que des rencontres et séminaires, des séjours culturels en Europe. Nous n’avions pas les moyens pour organiser des expositions.
Fin 94, nous avons eu notre premier projet européen « Confluence » en partenariat avec l’école des Beaux-Arts de Lyon, nous avons fait venir pour chacun des dix pays, un artiste et un directeur d’institution pour échanger sur la formation des jeunes artistes, la production artistique et la diffusion dans chaque pays. Nous avons également projeté les vidéos des artistes invités à l’ELAC (espace lyonnais d’art contemporain) géré par George Rey.
En 95, les arts électroniques (musique, image) étaient à l’honneur au Musée Château avec Collectif et Compagnie. Nous en avons profité pour proposer un séminaire sur les lieux de production et de diffusion de la vidéo auxquels ont participé George Rey (co-commissaire de la Biennale de Lyon 95 sur le thème : la Vidéo, l’Informatique et le Cinéma), les responsables de l’IRCAM (Institut de recherche et coordination acoustique), du Centre Pompidou, du CIC (Centre pour l’Image Contemporaine à Genève), du ZKM (Centre d’art et de technologie des médias de Karlsruhe)….
C’était très intéressant et le public se déplaçait, il était très curieux et demandeur. Aujourd’hui c’est plus difficile, il y a Internet même si la plupart des œuvres sont introuvables sur le net et surtout nous les présentons dans des conditions de monstration idéales comme une projection au cinéma. L’engouement est peut-être retombé. Mais nous continuons à faire des programmations pointues et le temps nous donne raison. Certains artistes présentés par imagespassages sont aujourd’hui dans les collections publiques et ont des expositions monographiques dans des lieux renommés.
Autant que possible, nous essayons de faire venir les artistes, les réalisateurs, les commissaires d’exposition, les collectionneurs.
En 1996, Jean-Louis Boissier, artiste et chercheur qui travaille sur les nouveaux média, donna une conférence sur l’écriture interactive. Aujourd’hui le Musée Château possède dans ses collections une de ses installations.
Bien sûr nous sommes heureux de pouvoir travailler avec des institutions reconnues mais nous aimons également défendre le côté alternatif. Cette même année nous avions d’ailleurs organisé à la Machine Utile les premières rencontres vidéo de jeunes artistes qui furent un succès, une centaine de personnes était présente. Samuel Rousseau, alors jeune artiste y a participé, en 2011 il était nominé au Prix Marcel Duchamp qui récompense chaque année un artiste résidant en France.
En 1998, première installation, nous présentons l’artiste américain Gary Hill au Musée Château. L’année suivante toujours au Château, Steina Vasulka, fondatrice de la Kitchen dans les années 70 à New York et artiste majeure avec son mari de l’art vidéo. Elle est présente au vernissage, c’est un grand moment. En fin d’année, nouveau projet européen « 666/999 », nous invitons six artistes et six commissaires de six pays européens à passer six jours à Annecy, nous organisons des expositions dans différents lieux de la ville, des rencontres, un séminaire.
En 2003, nouveau et énorme projet européen « Shift », neuf pays sont à l’honneur et l’exposition tourne en Europe, en Allemagne, en Finlande et en Angleterre, ce fut un travail énorme mais tellement stimulant sur le plan artistique, intellectuel et humain.
Depuis nous avons exposé des artistes de renom comme Marina Abramovic, Kim Sooja, Shirin Neshat, Mehdi Meddaci, Yang Fudong ou l’été dernier Jun Nguyen Hatsushiba qui nous fit l’honneur de sa présence.
Comment fonctionnez-vous en terme de lieux ?
Depuis l’origine, imagespassages est nomade pour ses actions. La ville d’Annecy met à notre disposition un bureau au sein du Théâtre de l’Echange. Tous les mardis après-midi notre centre ressource est ouvert pour ceux qui souhaitent venir regarder des œuvres vidéo d’artistes ou des documentaires. Nos programmations (projections, expositions ou autres) se déroulent dans les espaces de nos partenaires locaux, régionaux ou internationaux.
Régulièrement, nous proposons des expositions au Musée-Château ou dans la chapelle du Palais de l’Ile, particulièrement propice aux installations vidéo. L’Arteppes nous accueille également régulièrement ainsi que le Point Commun à Cran Gevrier qui risque aussi de fermer en fin d’année faute de subvention pour un poste. Nous participons également à des évènements internationaux, comme le Bushwick Film Festival à New York où l’année dernière l’œuvre de Clorinde Durand que nous avions présentée a remporté le prix du film expérimental, la Biennale d’art contemporain de La Havane, le Festival d’art vidéo de Casablanca, Supervues à Vaison la Romaine. Parfois nous pouvons nous y rendre, parfois seule la programmation voyage.
Vous présentez des artistes peu connus du grand public, n’est-ce pas difficile dans une petite ville comme Annecy ?
Nous avons fait le choix de l’art vidéo contemporain, notre association fête ses 20 ans, nous avons donc su conquérir un public, des adhérents certes peu nombreux (une centaine), mais fidèles, enthousiastes et toujours curieux de nouveautés et ovni artistiques. Les midis du documentaire sur l’art contemporain, les mardis midi au Théâtre de l’Echange, rencontrent une plus large audience. Nous essayons d’être en lien avec les grandes expositions à Paris, Lyon ou à l’étranger, avec les biennales de Venise, Lyon, Cuba et avec les événements récurrents comme le mois du documentaire en novembre, les festivals locaux (festival d’animation, cinéma italien, cinéma espagnol qui démarre d’ailleurs cette semaine, nous présentons cette année l’artiste colombienne Laura Huertas Millan au Musée-château ainsi qu’une sélection d’œuvres d’artistes cubains à la MJC de Novel) et présentons nos coups de cœur issus de lectures, visites d’expositions, rencontres. Les projections, qu’elles soient dédiées à un artiste ou en lien avec une thématique comme récemment avec « Jeux d’artistes », regroupent des artistes de renommée internationale ainsi que des artistes en émergence locaux et internationaux. En 20 ans, certains sont passés d’en émergence à reconnus, ce qui prouve la justesse de nos choix et nous encourage à poursuivre la promotion de l’image en mouvement contemporaine à Annecy.
Un artiste :
pas facile, il y en a tellement. J’aime beaucoup le travail de Fabrice Hyber, un artiste stimulant dont j’adore les tapisseries au Musée Château. Et bien sur le travail de Philippe Astorg.
Un livre :
« Ulysse » de James Joyce et le « Discours des animaux » de Valère Novarina
Un film :
« Théorème » de Pasolini et « Hiroshima mon amour » d’Alain Resnais, des films intemporels.
Une vidéo :
« Ten Thousand Waves » d’Isaac Julien, que j’aimerais pouvoir présenter à Annecy
Et pour suivre l’actualité d’imagespasages : le site internet et la page facebook
dans le cadre de ses cabinets de curiosités,
la conférence sur les 20 ans
de l’association présentée par Annie Aguettaz,
suivie d’un buffet
et d’une projection d’œuvres vidéo « un gout d’ici et d’ailleurs ».
Avec Imagespassages
présentation par l’artiste colombienne de ses installations vidéo.