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Stalag II B

mardi 7 janvier 2014 par Thierry Saint-Solieux rédaction CC by-nc-sa

Allons bon, Jacques Tardi nous reparle de la guerre ! Oui, mais pas la même que d’habitude !!! Et plus encore que des combats, c’est de la captivité dont il est question , celle de son père, retenu prisonnier dans un camp en Allemagne près de la Baltique, entre 1940 et 1945.

À l’origine du livre intitulé dans « Moi René Tardi prisonnier de guerre au Stalag II B (Casterman), il y a trois cahiers d’écolier datant des années 80, où René met par écrit ses souvenirs à la demande de son fils. Avec quelques petits dessins à la clef, pour mieux visualiser les choses !

Une façon de mettre en ordre et de préciser les détails d’un récit qui obsède Jacques Tardi depuis son enfance, depuis le temps où ce père meurtri lâche par bribes ce qu’il a sur le cœur…
Dans un mélange de honte et de rage... Idée assez géniale et très touchante, le fils se met en scène dans sa BD, gamin en culottes courtes et béret dialoguant avec son père, sur un ton fort impertinent. On le voit ainsi juché sur le tank... pardon, le char de papa qui bousille allègrement les panzers de l’ennemi.

Car René Tardi veut en découdre avec l’armée nazie. Plutôt antimilitariste, il choisit quand même le métier de soldat pour échapper à la pauvreté et ne pas se morfondre derrière un bureau. Et fulminant contre les gradés incompétents qui mènent les pioupious à l’abattoir. Pour les hommes qui survivent à la monumentale raclée de 1940, c’est le voyage en train jusqu’en Allemagne pour être regroupés dans un camp de tri, avant d’être enfermé dans un Stalag.

Et dans ce Dulag XII D situé près de Trèves, par l’effet d’une coïncidence étonnante, René Tardi rencontre fugitivement Jean Grange, le futur papa de la compagne de son fils, Dominique Grange !!! Trop belle, cette coïncidence... Trop pour que Jacques Tardi ne fasse pas ici une entorse à la vérité ! Mais cette rencontre n’a rien d’invraisemblable, et surtout, est très symbolique.


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Comme René et comme la plupart des hommes de cette génération, cet étudiant en médecine voit ses ambitions ruinées par la captivité. Pas question de devenir professeur comme il en rêve : les places pour les concours sont déjà trustées par les fils à papa...

À son retour de captivité, la douleur de Jean Grange est encore exacerbée par les réflexions du grand-père maternel qui a fait 14-18. Parce qu’il est rescapé de l’enfer des tranchées, il juge les prisonniers de guerre comme étant des planqués, à l’abri des bombardements et des rationnements de l’occupation. Et des soldats de troisième ordre, humiliés par les Allemands en 40. Jean devient un médecin dévoué et discret qui intériorise sa souffrance.

Le contraire de René Tardi, un fort en gueule révolté par tout ce qui le choque, et qui le fait savoir. Autant dire qu’il a de quoi pester tout au long de son séjour en Prusse Orientale !!! Tout ce qu’il nous raconte est précis, détaillé, jamais ennuyeux. Je vous laisse, en lisant ce livre, prendre connaissance de son quotidien misérable, entre les brimades des gardiens, le travail forcé chez des paysans aux méthodes d’esclavagistes, et surtout la faim.

Délirante. Obsessionnelle... Tout cela et beaucoup d’autres choses émouvantes, tragiques et cocasses, vous pouvez les découvrir dans Moi René Tardi prisonnier de guerre au Stalag II B où Jacques Tardi est à la hauteur de sa réputation : la meilleure !

<cite|livre|titre=MOI RENÉ TARDI, PRISONNIER DE GUERRE AU STALAG IIB
|auteurs=Jacques Tardi
|editeur=Casterman
|annee=2012
|isbn=9782203048980
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