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Sumatra, dix ans après la terrible catastrophe naturelle. Romain y cherche sa sœur, venue avec les organisations humanitaires, et qui ne donne plus de nouvelles à sa famille depuis. Est-elle encore vivante ?
Le jeune homme enquête, en essayant de retrouver les personnes qui l’ont rencontrée, mais sa tâche est difficile : la trace de la jeune femme se perd à Banda Aceh, capitale de la province du nord et proche de l’épicentre. Au moment du tsunami, les médias parlent avant tout de la Thaïlande à cause des nombreux touristes qui s’y trouvent, mais l’Indonésie est plus touchée et compte beaucoup plus de morts. Le début du livre montre les rues de Banda Aceh, en mettant en regard la ville telle qu’elle est aujourd’hui et des dessins d’après les photos prises peu après le passage du tsunami.
C’est un désastre total, avec des épaves de bateaux au milieu des terres : une image presque habituelle pour de tels événements, une image à la fois tragique et absurde. Mais le sujet de ce livre, plutôt que la catastrophe elle-même, c’est la façon dont elle est perçue aujourd’hui par les Indonésiens, qui ont un rapport particulier avec la nature et qui croient aux esprits. Anecdotiquement, on peut croiser un certain nombre d’enfants dont le nom est... Tsunami !
il y a un voyage du scénariste Stéphane Piatzszek, avec un véritable coup de foudre pour les îles Banyak, situées dans la province d’Aceh. Des îles nombreuses - une soixantaine - et quasi paradisiaques, mais très difficiles d’accès. Pour y parvenir, il vous faut parcourir des kilomètres sur des routes défoncées, puis enchaîner sur des heures de bateau, sachant qu’il n’y a pas toujours d’esquif disponible et que les horaires sont pour le moins fantaisistes.
Fréquentées par des touristes à la recherche d’authenticité, les îles Banyak regorgent de lieux superbes comme le lac Toba, un cratère volcanique submergé niché en pleine montagne. À la mode dans les années 70 chez les routards, ces îles sont pleines de guesthouses aujourd’hui un peu délaissées, où l’on vous propose des herbes diverses et des champignons variés, à tendance fortement hallucinogène !!!
Mettant ses pas dans ceux de Stéphane Piatzszek, Romain explore l’archipel des Banyak et découvre une île qu’on lui désigne avec une crainte superstitieuse : au moment du tsunami, des cadavres de victimes sont ramenés par les courants sur la plage, venant de deux cents kilomètres plus loin.
Les Indonésiens croyant aux fantômes, aux âmes tourmentées, aux esprits en colère qui ne sont pas partis dans les règles - des règles comparables chez nous à la cérémonie de l’extrême-onction, avec les proches entourant l’agonisant - l’archipel se cotise pour s’offrir les services d’un désenvoûteur, en vain.
Depuis, l’île est maudite, mais pour autant habitée. Par qui ? Une surprise y attend Romain... Tsunami est un magnifique livre, sur le mode du carnet de voyage pour les somptueux décors. La fiction est nourrie par les témoignages recueillis et les personnages rencontrés par le scénariste : Batak, petit magouilleur qui vit près du lac Toba est un archétype, un mélange de différentes personnes. Le black parisien séropositif existe vraiment, mais dans la réalité n’a pas d’hôtel.
Quant à l’anecdote du cuistot qui décide de bâtir une tour sur la plage avec une étoile lumineuse au sommet pour que sa copine la voit sur l’île en face, elle est vraie, et d’autant plus craquante ! Le rythme de la narration est calme, mais sans temps morts, et les personnages ne tombent jamais dans le cliché. Voilà un livre beau et touchant.
<cite|livre|titre=Tsunami
|auteurs=Stéphane Piatzszek (Scénario), Jean-Denis Pendanx (Dessin,Couleurs)
|editeur=Futuropolis
|annee=2013
|pages=112
|isbn=9782754809771
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Chronique publiée initialement sur Actualitté