> Mag > Musique > Surfer sur les avalanches électriques
Samedi soir hivernal. 2°C au thermomètre. Juste assez chaud pour avoir envie de sortir, juste assez froid pour vouloir se réchauffer dans une salle de concert. Ça tombe bien, le festival Hors-Pistes s’invite dans la grande salle du Brise Glace pour une soirée définitivement électrique. Assis sur nos chaises, les jambes nous démangent.
C’est le trio nancéiens, Hoboken Division qui ouvre le bal en proposant un blues délavé et frontal.
La batterie bouillonne, le chant résonne comme une incantation et la guitare marécageuse transpire la fuzz. Si bien qu’on se surprend à voyager des étendues poussiéreuses du désert des Mojaves, aux bayous humides des méandres du Mississippi en passant par la crasse désolée des Houillères de Lorraine.
Pour continuer la soirée, Émilie Zoé calme le jeu avec un set intime et touchant.
Pour nous présenter son nouvel album fraîchement sorti la veille du concert, elle a fait le choix d’une formule en duo dépouillée.
Pour porter sa voix fragile et brute elle tire de sa guitare aussi bien des étincelles bruitistes, que des arpèges confidentiels. Pour compléter cette palette sonore, son acolyte propose un jeu si subtil et précieux que sa batterie en devient un instrument mélodique.
Les chansons, ainsi réduites à l’essentiel, tapent directement dans les tripes et la complicité évidente de ces deux musiciens habités nous laisse rêveurs, et un peu groggy.
Enfin en guise de point d’exclamation à la fin de ce concert, Peter Kernel, bien décidé à fêter ses 15 ans d’existence en grande pompe, déclament leur indépendance comme un cri de ralliement.
Si à l’origine le groupe suisso-canadien s’est construit sous la forme d’un duo (composé de Barbara Lehnhoff AKA Camilla Sparksss et d’Aris Bassetti), ce soir ils ont fait le choix de passer au quatuor en s’entourant de deux batteurs. Est-ce que cela représente une véritable valeur ajoutée musicale ? Pas sûr... D’autant plus qu’ils jouent tous les deux sensiblement la même chose. À quoi bon alors ? Et bien il faut le voir pour comprendre : c’est un véritable ballet de baguettes qui se dessine sous nos yeux. Le moindre mouvement se trouve exagéré, amplifié, parfois en symétrie, parfois sous forme de dialogue, si bien que c’est toute une chorégraphie captivante qui prend forme et donne à la musique une ampleur tour à tour hypnotique ou épileptique.
Heureusement ce n’est pas le seul aspect original de cette prestation. Peter Kernel, groupe « amateur-professionnel » (comme ils aiment à le rappeler) réussit à proposer une musique tout à la fois exigeante, minutieuse et faussement naïve. C’est de l’art brut mais réalisé avec le perfectionnisme d’un chef d’œuvre. Pour compléter cette recette insolite, entre chaque morceau le duo originel nous gratifie de saynètes d’un humour absurde irrésistible. Loin de dénoter avec la singularité et l’étrangeté de leur musique, cette dérision donne à l’ensemble une ambiance de cabaret burlesque et extravagant.
Peter Kernel surprend sur CD mais captive en live, et c’est mieux dans ce sens là.