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Winshluss hante le monde de la bande dessinée et du cinéma depuis des lustres et, pour autant, il reste inclassable et underground. Il est venu cette année à Annecy pour présenter un film d’animation en compétition, La Mort, père et fils. Histoire de prolonger un peu les festivités vous avez jusqu’au 30 juin pour découvrir son univers déjanté avec l’exposition qui lui est consacrée à la médiathèque Bonlieu.
Loin de toute formation académique, diplômé de l’école buissonnière, l’animal fréquente assidûment les boutiques de photocopies où, dès les années 90, il produit ses premiers fanzines. Peu à peu, il met le pied dans la porte des maisons d’édition phares de ce qu’on appelait alors la bande dessinée indépendante (Les Requins Marteaux, Six pieds sous terre, L’Association, Cornélius…).
Lorsqu’à l’aube des années 2000, il s’invite à la table des professionnels du 9me art et met des miettes partout, d’aucuns se disent qu’il finira par rentrer dans le rang en « pissant » son album annuel... Mais Winshluss, craignant plus l’ennui que l’échec, contrarie les visionnaires et s’engage dans une armée de projets très divers.
Il maîtrise plusieurs dialectes (musique, arts plastiques, cinéma ou bande dessinée) et fait feu de tout bois avec une cohérence désopilante ! Son œuvre rhizome et chacune de ses créations fait écho à une autre ; ses personnages dialoguent entre eux d’un livre à l’autre, d’une chanson à un film.
Ainsi, au fil des ans, Winshluss a enfanté une famille de perdants pas magnifiques du tout, gentils un peu barges, vilains attachants et damnés de la terre...
Une vraie farandole de personnages qui dévalent la pente à toute berzingue sans se soucier du camion qui arrive au détour d’un virage ! Ses héros de pacotille se retrouvent toujours au mauvais endroit au mauvais moment ! Son travail suinte de références qu’il a pris le temps de ruminer : Carl Barks, Walt Disney, Charles Laughton, Strange, Romero, Darwin, Manet, Toto, les grands contes pour enfants... et tout ce qui passait entre ses mains d’enfant, pour mieux nous les recracher aujourd’hui, concassées et bileuses !
Il déboulonne règles et codes avec un sourire carnassier en prenant soin de bien s’essuyer les pieds sur toute forme de morale.
L’artiste reste volontairement dans l’ombre mais ses projets sont d’incroyables succès. Ainsi il avait reçu avec Marjanne Satrapi le prix du jury du festival de Cannes pour l’animé Persépolis.
L’exposition The Death Club met en lumière plusieurs pans de son travail en mêlant planches originales, travaux préparatoires, sérigraphies, films, maquettes et objets ... On retrouve ainsi des pièces issues de son dernier livre Dans la forêt sombre et mystérieuse mais aussi de Pinocchio , Pat Boon, Smart Monkey (court metrage d’animation en 2014), et des maquettes de La Mort, Père & Fils, son dernier court-métrage co-réalisé avec Denis Walgenwitz présenté cette année. Ce film a obtenu le prix du jury junior, qualifié par les lauréats de « prix incroyable, remis par des enfants incroyables ! », et ce ne sera pas le dernier.
Pinocchio BD, Requins Marteaux, 2008, Fauve d’or prix du meilleur album au festival d’Angoulême, 22 euros
Dans la forêt sombre et mystérieuse, BD, Gallimard, 2016, Pépite d’or du salon du livre jeunesse de Montreuil, 18 euros
La Mort, père et fils, film d’animation, 2018, Best animation au Brooklyn film festival.