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Trois jours avant Noël

mercredi 10 septembre 2014 par Thierry Saint-Solieux rédaction CC by-nc-sa

Chronique

Dans cet album, l’héroïne - une anti héroïne plutôt, car elle n’est guère flamboyante et n’affronte pas des situations extraordinaires - me fait irrésistiblement penser aux protagonistes des films de Mike Leigh : tout sauf glamour, cabossés par la vie et plongés dans les ennuis jusqu’au cou.

Sans doute pénibles à côtoyer au jour le jour, ils se révèlent profondément attachants dans leur volonté farouche de s’en sortir, avec de l’humour (on est en Angleterre) et quelques pintes (on est en Angleterre) pour se donner du courage. Lewis Trondheim au scénario et Stéphane Oiry au dessin nous proposent donc de suivre Maggy, une jeune femme un peu enrobée, accro à la bière autant qu’à la cigarette, et chômeuse depuis deux ans.

Trois jours avant Noël, Maggy est aux anges, car sa voisine de palier vient de lui trouver un emploi chez un détective privé. Mais une fois franchie la porte de l’agence dudit privé, elle déchante : le bureau est minable, et le maître des lieux, Anthony Wight, est en train de cuver son whisky.

Décrochant le téléphone à sa place, elle prend un message farci d’insultes et lardé de menaces. Puis elle reçoit la dame d’à côté qui veut savoir si l’enquête menée pour retrouver son canari avance un peu. Bref, elle prend des initiatives pour se rendre indispensable à son patron, quitte à magouiller pour tirer sa propre épingle du jeu. Ainsi, elle se rend dans une animalerie pour acheter un canari - quoi de plus semblable à un canari qu’un autre canari ? - et toucher la récompense en prétendant avoir retrouvé celui de la vieille dame.

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Pourtant, dès le lendemain, la voilà au chômage technique : Wight est à l’hôpital après un sévère tabassage par des inconnus, que Maggy imagine être les auteurs du coup de fil vindicatif de la veille. Fouillant dans le portefeuille du détective, elle y trouve des tickets pour une salle de jeu. Sous leur apparente banalité, voilà sans doute ce que recherchent les mystérieux agresseurs : ces petits bouts de papier auraient-ils une valeur cachée… ?

Et Maggy Garrisson est-il bien un polar ? Tous les codes sont respectés, les éléments constitutifs de ce genre sont bien présents, mais agencés par Lewis Trondheim, maître de l’ironie grinçante, et cela change tout. Un détective privé, des hommes de main, un patron de bar, une femme-flic... Autant de personnages que rencontre Maggy au fil d’un parcours souvent chaotique et toujours surprenant. Grande gueule, lucide vis-à-vis d’elle-même et des autres, terriblement futée, cette femme veut qu’on l’accepte telle qu’elle est.

Malheureusement, son besoin d’être aimée n’est jamais payé de retour, ce qui entretient chez elle une forte tendance à l’auto-dépréciation.

Cette ambiance cafardeuse n’est pourtant jamais pesante, grâce à l’humour qui est constant : il faut voir comment Maggy se débarrasse des malfrats qui veulent récupérer les fameux tickets, en menaçant de tout casser, à commencer par elle. Affectant l’indifférence et maniant le sarcasme avec brio, elle les désarçonne complètement ! Autre scène d’anthologie :l’investigation qu’elle mène dans un bar auprès de clients mâles, avec une méthode... bien particulière !!!

Maggy Garrisson nous promène de Londres à Brighton d’une façon très réaliste grâce au dessin puissamment évocateur de Stéphane Oiry (mention spéciale à l’encrage), et sans temps mort du fait des savoureux dialogues de Lewis Trondheim. Have a nice trip !

<cite|livre|titre=Fais un sourire, Maggy
|auteurs=Stéphane Oiry (dessin) / Lewis Trondheim (scénario)
|editeur=Dupuis
|annee=2014
|collection=Maggy Garrisson
|tome=1
|pages=48
|isbn=9782800160788
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Billet initialement publié sur actualitté

Portfolio

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