> Mag > Musique > Un si beau silence
Notre Silence est le nom du premier album en nom propre pour Michel Cloup. Il nous invite en effet à tendre l’oreille. Vers des horizons intimes...Au gré d’une musique qui sait la richesse des pauses et de mots toujours comptés pour mieux révéler, faire advenir. Un nouveau paysage, à dimension humaine, s’ouvre à nous...
Cela fait plus de 15 ans que nos routes sont accompagnées, de façon plus ou moins présente, par Michel Cloup. Tout d’abord en tant que membre de Diabologum. Groupe pionnier des années 90, entre exigence, érudition, noirceur et lucidité. À leur palmarès l’extraordinaire « #3, Ce n’est pas perdu pour tout le monde », œuvre au noir d’un groupe donnant voix à une jeunesse ne sachant dire son mal-être face à la société d’alors aussi bien qu’à elle-même. Les toulousains, se référant à l’art, à la sociologie ou la philosophie, auront su mettre des mots-poignards sur ce sentiment diffus qui nous habitait, avec une précision affolante, laissant à d’autres le cynisme ou la pose.
1998 verra la scission de la formation initiale en 2 entités distinctes avec Programme (emmené par Arnaud Michniak) et Expérience pour Michel Cloup. Les voies se radicalisent mais le fond est toujours le même et l’exigence vient sans cesse épauler la colère. Cette exigence en aura rebuté plus d’un aux travers d’expériences musicales toujours plus poussées. Les hommages ne sont pas loin non plus, notamment avec un album entier de reprises « Positive Karaoke With A Gun », ode aux courants alternatifs.
Puis vient le temps de Michel Cloup, avec « Notre Silence ». Il n’est pourtant pas seul puisque Patrice Cartier, déjà batteur du temps d’Expérience, l’accompagne ici encore. Cependant, du “je” d’emprunt, fictionnalisé de Diabologum au “nous” d’Expérience, Cloup parle maintenant bien de lui-même, à la première personne. Dans des circonstances ô combien douloureuses.
Car ce disque est comme une mise à nu, à la pudeur élégante. En évoquant la perte d’un parent (mais aussi sa propre paternité), il nous livre certes là des tourments intimes, profonds et bouleversants mais dans une saine retenue. Loin de tout lyrisme ou pathos, les paroles sont simples, directes et atteignent inmanquablement nos propres failles. La musique, réduite à sa plus simple expression rock (guitare, batterie, chant) éprouve sa force et sa pertinence dans sa volonté de ne pas en faire trop. Comme une ascèse essentielle.
Ce n’est donc pas de déprime dont il s’agit, même si on devine qu’elle aura hanté l’auteur. On perçoit plutôt le cataclysme, le ravage de la perte, la colère puis l’abattement. Et la chaleur des vivants. La colère est toujours là, la quarantaine passée, et on s’étonne qu’elle soit toujours si proche et intime. Elle aura revêtu d’autres habits mais son feu habite et consume inlassablement. Elle est aussi ce qui permet de poursuivre. Elle est la vie même, si prégnante dans cet album, et dont on perçoit les moindres soubresauts.
Michel Cloup donne ainsi vie à une oeuvre personnelle, loin de tout formalisme et formatage mais qui touche chaque auditeur au plus profond de son être. Et où on redécouvre cette prémonition datant du temps d’Expérience : seule la musique est un soulagement.
Gratuit !