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Angélique Kidjo et Kady Diarra, les messagères

lundi 13 février 2023 par Anatholie photographie , rédaction CC by-nc-sa

Château Rouge accueillait à Annemasse fin janvier deux artistes d’origine ouest-africaine au message universel et authentique, Angélique Kidjo et Kady Diarra.

Kady Diarra, qui ouvrait cette soirée, apparaît sur scène vêtue d’une tunique blanche en faso dan fani (pagne tissé de la patrie en dioula), le tissu emblématique du Burkina Faso (et symbole de la révolution de Thomas Sankara), qui recouvre une robe fourreau et des talons aiguilles vertigineux, le tout pailleté : la tradition, oui, mais dans toute sa modernité.

Elle chante dans les cinq langues qu’elles a reçues en héritage, et convie aussi bien des instruments mandingues ou peuls que la guitare électrique et la batterie pour célébrer l’humanité avec ses forces et ses faiblesses, la mémoire des disparus ou encore les femmes, auquel « Mousso » rend un hommage vibrant :

Vous les femmes merci
Grace à vous nous construisons l’avenir
Moussolou vos journées sont pas faciles
A vous les femmes nous on vous dit merci
Kady Diarra @ Château Rouge Annemasse, janvier 2023

Kady est entourée sur scène par sa famille : fille, gendre, neveux et sans doute un jour petite fille, le bébé d’Assetou Koïta (chœurs, percussions et danse) ne perdant pas une miette du spectacle entre deux pendrillons, sans oublier son complice de longue date Thierry Servien à la guitare électrique.

Entre énergie des percussions de Samba Diarra et Kassoum Dembele, auxquelles répond la basse de Moussa Koïta, et poésie des mélodies teintées de transe sahélienne et soulignées par le balafon et le n’goni, les morceaux se succèdent avec bonheur et le public est non seulement invité à danser, mais même à le faire sur scène avec Kady et ses musiciens, dans une ambiance survoltée mais surtout extrêmement chaleureuse.

L’authenticité des sentiments exprimés par Kady touche, même sans comprendre les paroles, et l’émotion était à son comble pendant le poignant « Bi Bé Ké Di », pendant lequel Samba Diarra pleure dans sa longue flûte ceux qui ont quitté ce monde et dont la chanteuse, issue d’une lignée de griots et d’une famille de Nyamakala, invoque la mémoire par une émouvante incantation.

Une première partie d’exception que l’on a hâte de retrouver pour un concert complet !

Place ensuite à une autre messagère, qu’on ne présente plus et dont la voix résonne partout dans le monde pour défendre les causes qui lui tiennent à cœur : Angélique Kidjo.

La reine de l’afro-pop navigue souverainement entre les styles et les continents, de titres issus de son dernier album, Mother Nature Meant For Me », « Africa, One of a Kind ») en reprises de Celia Cruz (« Bemba Colorà », issu de son album de 2019 dédié à la reine de la salsa cubaine) et de Talking Heads (dont un « Once In a Lifetime » particulièrement réussi, issu de sa réinterprétation en 2018 de l’album Remain in Light, inspiré à David Byrne par Fela Kuti en 1980).

Angélique Kidjo @ Château Rouge Annemasse, janvier 2023

Avec Angélique Kidjo, on danse et on pense : la musique, à la fois excellente et accessible, est systématiquement chargée de sens et représente une opportunité de réflexion sur des sujets sociaux ou politiques : si « Independance Cha-Cha (One Africa) », le « tube » de 1960, rappelle la vague d’espoir soulevée par la décolonisation, « Choose Love », le morceau qui ouvre Mother Nature, dénonce des situations malheureusement bien actuelles :

Our leaders conquer and thеy divide us
Our preachers tеach the world of our colonizers

L’heure est donc plus que jamais à la solidarité et à l’amour prônés par Angélique, et son « Mama Africa » l’incarne parfaitement, qui fait danser toute la salle à l’unisson pour terminer la soirée dans la joie.

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