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Alors que la Première de sa nouvelle pièce « Antigone 466-64 » vient d’avoir lieu à Ouagadougou, après 3 mois de création au Burkina Faso, c’est l’occasion de revenir sur le parcours de Claude Brozzoni.
Nouvellement arrivée dans la région annécienne, j’ai eu la chance de rencontrer Claude Brozzoni à son retour d’une tournée dans les Pyrénées Orientales et avant son départ pour l’Afrique. L’occasion d’évoquer avec lui le chemin parcouru, la création de sa compagnie, le choix des auteurs qu’il met en scène et des comédiens avec lesquels il travaille …
Originaire de Cluses, Claude Brozzoni se lance dans des études d’ingénieur et n’imagine pas alors qu’il montera un jour sur scène, encore moins qu’il dirigera une compagnie de théâtre et mettra en scène des spectacles pour partager et raconter des histoires.
C’est à 23 ans, dans les années 70, avec Jacques Quoëx, son professeur d’arts plastiques au lycée, plasticien et metteur en scène, qu’il commence le théâtre. Ils travaillent 10 ans ensemble. Cette collaboration lui donne le socle, les racines sur lesquels il s’appuie encore aujourd’hui.
Claude Brozzoni travaille ensuite comme comédien avec différents metteurs en scène. Mais se questionne : « Pourquoi me demande-t-on de faire ci, de jouer comme ça … ? »
Il décide de fonder sa propre compagnie, pour se poser lui-même les questions et laisser parler son intuition.
Ainsi, il crée la Compagnie Brozzoni le 24 décembre 1987, avec Dominique Vallon. La Compagnie sillonne d’abord l’est de la France (Annemasse, Bourg-en-Bresse …) enchaînant les résidences, avant de s’implanter à Annecy en 1997.
Après avoir monté un spectacle à Avignon, Brozzoni est fatigué. Bien qu’il n’y ait jamais pensé avant, il décide de partir en 2009, sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Juste avant son départ, il découvre les poèmes de Mahmoud Darwich. Durant les presque 2000 km qu’il parcourt à pied, cette poésie l’accompagne, l’idée du spectacle se forme : un spectacle simple, dépouillé, mêlant textes, musique, peinture … Au final, « Quand m’embrasseras-tu ? » est un spectacle poétique, où l’on navigue entre tous les sens, où la perception du corps est aussi importante que celle de l’esprit.
Les deux pièces de la Compagnie Brozzoni qui sont en tournée en ce moment sont « L’Iliade » de Homère et « Quand m’embrasseras-tu ? » de Mahmoud Darwich.
Quels auteurs mettez-vous en scène ?
« Le fil conducteur dans le choix d’un auteur est le suivant : je choisis des auteurs vivants ou au moins contemporains, des auteurs qui se posent des questions profondes sur la souffrance de l’homme, mais portent en eux une lumière, des auteurs qui croient en l’amour et sont ouverts sur la vie. »
Ces auteurs ont un parcours intérieur, un chemin de vie similaire au sien. Parfois, ce sont des auteurs classiques, comme Homère ou Shakespeare. L’important est qu’ils soient généreux, qu’ils parlent des gens simples. Dans leurs textes, on retrouve le passé, les traditions, la culture d’un peuple. Ce sont des auteurs en évolution, pas en réaction.
Entre Homère (l’Iliade) et Mahmoud Darwich (Quand m’embrasseras-tu ?), il y a ce lien : ce sont des témoins de leur époque, qui essayent de nous enseigner des leçons de la vie.
Comment travaillez-vous ?
« Mon travail, comme des cailloux semés les uns après les autres, a une logique, constitue un vrai parcours, chargé de vie et d’espérance, autant que de souffrances et de violence. Ces cailloux sont autant de phares, de bougies dans l’obscurité … »
Claude Brozzoni aime travailler la matière brute, se confronter à elle, la tailler pour aller vers un objectif, même si cet objectif n’est pas connu au départ.
« Soit on reste ce qu’on est, soit on travaille, on évolue … »
Avec qui travaillez-vous dans votre Compagnie ?
« Notre Compagnie, c’est un équipage au long cours : comédiens, musiciens, techniciens … nous travaillons dans la continuité, en toute confiance, pour aller plus loin, se dépasser … »
Son équipe lui est fidèle depuis plusieurs années. Ensemble, ils échangent, cherchent, se questionnent sur l’humain et le divin.
« Ce qui fait avancer, c’est la discussion ouverte, les débats constructifs … »
Ce qui est intéressant dans le travail, c’est de se laisser emmener vers là où on ne croyait pas aller, de découvrir, de se découvrir …
Ainsi, Claude Brozzoni a rencontré Abdelwaheb Sefsaf en 2004. Ils ont travaillé ensemble sur trois ou quatre spectacles avant « Quand m’embrasseras-tu ? ».
Quels sont vos projets ?
« Un voyage en Afrique ! »
Ou plus précisément, cette aventure au Burkina Faso pour créer un spectacle autour de Nelson Mandela.
En 2010, Claude Brozzoni rencontre Paul Zoungrana, directeur de la compagnie burkinabaise Arts en Intersection, alors qu’ils présentent chacun un spectacle à Bonlieu. Très vite, naît l’envie de travailler ensemble et de monter un projet en Afrique avec les deux compagnies.
Claude Brozzoni est déjà allé trois fois au Burkina Faso, avant cet été, et Paul Zoungrana est le comédien de « L’Iliade ».
Pour cette nouvelle collaboration, Claude et Paul décident de monter un projet autour de la vie de Nelson Mandela. Mais, Nelson Mandela seul est trop emblématique, trop historique. L’idée prend forme d’un spectacle en deux parties : la première sur l’enfance de Mandela, la seconde sur Antigone de Sophocle, que Nelson Mandela a montée en prison et qui aborde le sujet de la résistance à une loi dictatoriale unique. Antigone représente un idéal en nous, moins inatteignable, plus métaphorique.
A voir en juin 2014, à Bonlieu Scène Nationale :
« Antigone 466-64 » - d’après « Un long chemin vers la liberté » de Nelson Mandela et « Antigone » de Sophocle (Site de Bonlieu Scène Nationale).
Les créations - Mise en scène Claude Brozzoni
Crédits photographiques pour le spectacle L’Iliade : Sandra Bariller, pour le spectacle Quand m’embrasseras-tu ? : Marc Limousin.
Dernière création de la Compagnie Brozzoni.
Vendredi et samedi à 20h30. Dimanche à 17h.
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