> Mag > La Vraie Vie > Blast, 4 volumes qui pèsent lourd
Cette semaine, je pars en exploration. Mon terrain d’aventure est la médiathèque à côté de chez moi. J’ai envie de bande dessinées. Mais je n’y connais rien. Mon voisin et ami me conseille : Lis “Blast“ de Manu Larcenet ; tu verras…“.
J’ai vu, j’ai lu, ça m’a plu.
“Je suis parti le dix-neuf juin vers six heures trente. Il faisait encore frais et la rue commençait à peine à s’animer. Ceux qui rentraient se coucher croisaient ceux qui s’en allaient bosser. Quelle joie de n’être ni l’un ni l’autre ! “
Blast vol 1
Lorsqu’il y a deux flics et un prévenu dans une salle d’interrogatoire, les codes sont incontournables : Un policier gentil et un méchant ; un assis, l’autre debout ; un prévenu accablé, etc.
La question qui se pose, elle aussi est toujours la même : est-il, oui ou non, complice ou coupable, ce type auquel on pose des questions ?
Pour nous, lecteur, il s’agit invariablement de décrypter le mystère de l’extérieur. De se mettre à la place des flics. On regarde ce prévenu, on se questionne sur ce qu’il a fait ou non.
Avec Blast de Manu Larcenet, il y a bien un tel décor qui est planté, et même bougrement rude. Mais ce ne sera pas un interrogatoire comme les autres. le travail des enquêteurs sera de comprendre une série d’événements dont l’interrogé est la seule trame, la seul fil conducteur.
Ce gros mec est coupable, on le sait dès le début. Mais de quoi ?
Alors, et c’est ce qui donne à ce récit sa force bouleversante, ce n’est pas la vision des flics qui nous est proposée, mais celle du prévenu.
Un prévenu obèse, antipathique, psychotique, en quête d’une illumination et abominablement poète.
A-t-il fait plus que ce qu’on sait déjà, comment l’a-t-il fait, pourquoi ?
La véritable histoire est tapie à l’intérieur du gros mec : et il rêve, il cauchemarde.
On est avec lui. Pire : on est dedans.
Nous lecteur, nous sommes plongés dans la logique implacable de Polza Mancini (le prévenu), grâce au graphisme pur, sans concession, sans fioritures, sans joliesse de Manu Larcenet.
On voyage au pays du mental, sans pathos, sans jugement, mais avec une indéniable fascination.
Il se souvient de tout, Polza Mancini, avec une méticuleuse précision. Il n’attend aucune compassion, aucune rédemption et ne s’envisage pas comme un coupable, mais au contraire comme un monstre en souffrance. Il ne demande que ça : raconter ; mais à son rythme et à sa façon.
Les flics en sont comme deux ronds de flan.
Et c’est une sacré histoire ! Polza Mancini est-il un monstre ou un génie ? Un écrivain ou un clochard ? Une victime ou un coupable ?
Où je veux en venir ? A vous inciter à vous plonger dans ces quatre gros volumes où tous les codes sont inversés : si les flics découvrent ici une vérité, à vous de voir ce qu’elle va être… un thriller comme je n’en avais encore jamais vu, ni lu, ni entendu.
A lire d’un bloc (la série est terminée) :
Blast scénario et texte de Manu Larcenet, chez Dargaud :
1/ Grasse Carcasse, 2009
2/ L’apocalypse selon Saint Jacky, 2011
3/ La tête la première, 2012
4/ Pourvu que les bouddhistes se trompent, 2014
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