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Chambre d’écho pour homme seul

mercredi 22 décembre 2021 par Fanchon Bilbille photographie , Tom Rad-Yaute rédaction CC by-nc-sa

Compte-rendu

Montrer la solitude, donner à voir ce qui est habituellement invisible, partager ce qui ne peut l’être. C’est le projet paradoxal de Random solitude, spectacle solo intense de Jacques Houssay, qui reprend les leitmotiv de l’auteur annécien et rend un hommage vibrant à la littérature et à la musique.

C’est, à vrai dire, une solitude plutôt intranquille que donne à voir Random solitude, une solitude faite de creux et de pleins, de bruits, de fureur et de silences pesants qui en disent long. Creux de l’absence de l’être aimé - ou désiré plutôt -, posé d’entrée de jeu, presque comme un préalable, qui ronge et constamment présent par la petite lumière du téléphone déposé au bord de la scène, dans le cas d’un message qui n’arrivera pas. Flot des mots, qu’ils soient ceux du personnage – souvenirs, parfois traumatiques, qui surgissent, interrogations qui tenaillent sans fin – ou ceux des livres, qu’il ne tient jamais très éloignés de lui, vers lesquels il se tourne régulièrement, comme pour ouvrir une fenêtre et respirer l’écho d’une autre vie, accorder à nouveau son cœur déréglé aux battements du monde.

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Random solitude

© Fanchon Bilbille

Une scénographie froide, plutôt minimale, est le décor de cette narration accidentée : quelques objets domestiques anonymes -– frigo à bières, malle, ordinateur portable — que le personnage a pris soin d’installer lui-même sous les yeux des spectateurs, dans un appartement factice qu’il a délimité avec de l’adhésif sur le sol.

Entre ces quelques repères, émotions et paysages mentaux tourmentés se bousculent et s’entrechoquent dans l’alchimie à la fois imprévisible, abrupte et organique de la solitude -– comme un mix en mode random sur une chaîne hi-fi. Tout à son monologue, le personnage donne l’impression de constamment se mouvoir entre des abîmes béants qui l’attirent dangereusement et des hauteurs inaccessibles et écrasantes auxquelles pourtant il aspire. Son corps tremble, chute, bondit, est traversé de soubresauts comme celui d’un pantin.


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Random solitude

© Fanchon Bilbille

Mais cet imaginaire vertical et à haut risque, où plane la menace lancinante du point de rupture, existe en contrepoint d’une autre dimension, horizontale et bien plus prosaïque. Celle du temps qui passe, de l’ennui, des paroles sans substance et des gestes répétés machinalement et qui donne lieu à des scènes pathético-comiques — masturbation débile sur fond de « Like a virgin » ou commande interminable d’une pizza sur les toilettes –-, d’autant plus drôles et qui ajoutent encore à l’épaisseur du personnage.

Ce n’est que lorsque la musique paraît, sous la forme d’une playlist que le personnage lance régu­lièrement depuis son ordinateur, que le flot tout à coup se fige. Privilégiant les atmosphères poétiques, fiévreuses et habitées, elle donne lieu à de très belles scènes presque dansées, comme en suspens. Des scansions musi­cales, où le personnage, touché par la grâce et transfiguré par le travail de la lumière, semble enfin trouver son refuge.

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