> Mag > Musique > Chef-d’œuvre ou coup d’épée dans l’eau ?
« The King Of Limbs » est le 8e album du quintet oxfordien Radiohead. Sorti sans promo, à la surprise générale, il a dérouté aussi bien fans que critiques, que ce soit au niveau musical ou promotionnel.
Lors de sa sortie, on a longtemps débattu sur le mode de commercialisation choisi par Radiohead (oublié le « paye ce que tu veux » de « In Rainbows »), ainsi que la déroutante courte durée du disque, oubliant finalement l’essentiel de la démarche de Radiohead à mon sens, c’est-à-dire : la musique. Et le « pourquoi faisons-nous de la musique ». C’est donc de cela que je veux vous parler sur cet album.
Il est clair que, une fois de plus, Radiohead prend des risques. Comme ils l’ont fait pour « Kid A », ils dynamitent une fois encore leur propre style à la recherche de nouvelles façons d’aborder la composition et les sons. C’est le premier album qu’ils ont travaillé à distance, s’envoyant leurs boucles et leur parties les uns aux autres pour créer un amas de superpositions de couches instrumentales, la voix de Thom Yorke venant unifier le tout. Le premier titre Bloom est une parfaite illustration de ce mode de composition.
Après la première écoute il en ressort pour moi que tout ceci est à double tranchant. D’une part, ce coté gamins curieux toujours sur le fil du rasoir, toujours à remettre en question leur travail, à chercher pourquoi continuer leur carrière, offre à Radiohead une puissance créatrice innovante et décoiffante. On a vraiment la sensation que, une fois encore, Radiohead prend 10 ans d’avance sur les sons et les rythmes qui seront popularisés demain. D’un autre côté, il flotte dans cet album une ambiance impersonnelle un peu trop feutrée. Comme s’il caressait subtilement l’euphorie mais sans nous y entraîner comme les précédents opus. Le mixage et les courtes 30 minutes accentuent bien entendu ce phénomène. Thom Yorke a d’ailleurs lui-même reconnu qu’ils ont été bêtes de ne pas intégrer des B-sides très réussies comme Staircase à l’album. A voir la force que prennent les nouveaux morceaux en live on comprend que ce mode d’enregistrement retire quand même une certaine intensité aux compositions.
Après plusieurs écoutes, on retrouve ce qui fait la force de ce groupe depuis « Ok Computer » : les arrangements. Tellement subtils, soignés et travaillés qu’ils ne peuvent se révéler vraiment à l’oreille qu’au bout de quelques écoutes, et qu’ils peuvent encore vous surprendre à la 100e. Et à partir de là, on peut vraiment entrer dans le détail et savourer les trouvailles mélodiques de Thom Yorke. C’est planant. Étrange. Parfois sombre. Parfois calme. En tout cas, c’est beau.
En ce qui concerne les thèmes de l’album, il est difficile d’en parler, étant donné que les paroles de Yorke sont énormément sujettes à interprétation. Mais pour moi cet album parle du fossé entre la nature et l’homme, d’un voyage spirituel, et de l’éloge du silence… A vous de trouver pourquoi !
En résumé, Radiohead surprend, déroute un peu, mais éblouit toujours la scène musicale actuelle en nous procurant un album suffisamment intéressant, bien que court et timide, pour nous donner envie, pendant les années à venir, de plus en plus, de nous asseoir aux racines de ce « Roi des Branches »…
Billet initialement publié dans le blog wild is the music
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