> Mag > Musique > Radiohead entre dans l’anneau Nimois
Radiohead, c’est mon groupe préféré. Je préfère le dire pour qu’il n’y ait a pas d’ambiguité, comme ça c’est clair, c’est net, c’est précis.
Les concerts de Radiohead sont toujours de grandes expériences pour celui qui les vit. Mais celui ci était particulier, très particulier.
Quelques bribes de la scène apparaissent à travers les arches des Arènes. Il est environ 16H30, et quelques masses de fans dont nous faisons partie attendent patiemment l’ouverture des portes, prévue dans deux heures et demie, environ.
Ce qui est intéressant c’est que l’on entend le groupe faire son soundcheck. Videotape, I Might be Wrong et toutes celles de « King Of Limbs » défilent. L’excitation monte.
Apparemment, pas de balance pour Caribou (qui doivent assurer la première partie ce soir) puisque nous sommes autorisés à rentrer juste après que Radiohead ont fini leur soundcheck.
La horde de fans que nous sommes rentre au compte-gouttes, grâce à des vigiles plus que compétents, ce qui évite les mouvements trop brusques. On se tape quand même le traditionnel sprint pour être tout devant, et on se retrouve au troisième rang. On n’arrive pas à croire que Thom sera là dans quelques heures, à trois mètres de nous.
Les musiques d’attente défilent, tapent sur les nerfs, mais heureusement il y a un jeu de cartes, et de la bière.
20H40 : Caribou arrivent sur la scène. Il faut rappeler qu’à la base, Caribou, c’est un mec, un seul, qui fait de la pop psyché, puis de l’électro minimaliste, puis les deux en même temps, et que ce qu’il fait sur disque, c’est génial. Le voir arriver sur scène avec 3 autres musiciens n’est donc pas très étonnant, vu la complexité des arrangements.
Le concert démarre, et il n’y a presque pas de son. On dirait que la façade n’est pas allumée et qu’on entend que les retours. Au fur et à mesure du set, le son s’amplifie. Les techniciens ont sûrement dû faire les balances pendant le concert, et le résultat sonore n’est pas au rende- vous. La performance non plus avec de nombreux plantages rythmiques, décalages par rapport aux effets électroniques, et surtout des chansons qui montent toujours en intensité, descendent, remontent, redescendent mais n’explosent jamais, ce qui donne quelquefois un sentiment de frustration assez désagréable.
Ah et également, on aurait été en droit d’attendre un peu plus que 5 chansons. Mais bon ça, c’est sûrement pas eux qui décident.
Avant d’aller plus loin, il convient de rappeler des évènements passés : Il y a un peu moins d’un mois, sur la dernière date de leur tournée en Amérique du nord à Toronto, la scène s’est effondrée quelques heures avant leur passage sur scène, blessant plusieurs personnes et tuant sur le coup leur roadie batterie, Scott Johnson. Ils ont alors annulé les 7 premières dates de leur tournée européenne qui suivaient, et la tournée recommençait donc ce soir-là, à Nîmes. Ça promettait donc d’être une date très, très spéciale. Et ça n’a pas manqué, les hommages à leur défunt technicien étant répartis tout au long du concert.
Le premier, c’était de commencer le concert par Lucky, chanson parlant... d’un survivant à un accident. Toutes les dates antérieures de la tournée commençaient par Bloom, et de ce fait, nous savions dès la première chanson que nous allions vivre un moment d’exception.
Le groupe a justement continué avec un Bloom grandiose, qui a remis d’un seul coup à leur place tous les détracteurs de leur dernière pièce, « The King of Limbs ». Les versions live du dernier album sont véritablement épiques. Le groupe ose de toutes nouvelles chansons, et c’est avec de grands frissons que l’on découvre Staircase et Identikit. Vivement le prochain album !
Quelques classiques bien placés comme 15 Step, I Might be Wrong ou encore Pyramid Song font rugir de plaisir la foule.
Mais le premier moment exceptionnel arrive à la fin de Nude, ballade mystique datant de 2008 (dans l’album « In Rainbows »). Le morceau se termine sur le falsetto magnifique de Thom Yorke, et la foule commence alors une gigantesque standing ovation qui dure quelques minutes. Le groupe est aux anges et ça se voit. De notre côté, on a clairement le sentiment de leur faire retrouver leur envie de jouer, de continuer cette tournée, ce, malgré la perte, le deuil, la tristesse, l’accident.
L’ambiance est ensuite électrique sur Lotus Flower, Feral et Little by Little, la foule sautant et dansant en chœur. Il y a une ambiance particulière, une connexion incroyable entre les gens et le groupe. L’apogée (pour l’instant) arrive avec Paranoid Android, le grand tube épique de 6 minutes sorti de l’album le plus connu du groupe, « OK Computer ». Les arènes chantent et le groupe quitte ensuite la scène pour le premier rappel.
pour le premier rappel, je sens les Arènes trembler sous mes pieds.
Je sens les Arènes trembler sous mes pieds. C’est réellement impressionnant.
Et puis Radiohead revient, avec une belle surprise : Treefingers, un morceau instrumental datant de 10 ans en arrière, jamais joué en live auparavant.
La grosse dizaine de milliers de personnes se tait alors, comme transcendée. Elle se taira encore pour Give up The Ghost, ballade acoustique tirée du dernier album. Et elle se taira une troisième fois pour la seconde apogée de la soirée, Videotape. Cette ballade piano/voix triturée par des percussions et ambiances étranges est implicitement mais clairement dédicacée à Scott Johnson. Cette chanson parle de la mort, tout le monde le sait, c’est pourquoi des larmes coulent, silencieusement, dans le public.
Le groupe s’en va ensuite, après un Arpeggi prenant et une nouvelle chanson immense, Full Stop.
Il revient sans tarder avec Everything in its Right Place, classique de l’album « Kid A », aussitôt suivi de la brûlante Idioteque, avec un final techno/transe à couper le souffle.
On arrive alors à la dernière chanson, à la troisième apogée, au dernier hommage à Scott et surtout à la chanson la plus magnifique du set. Reckoner, cette fois explicitement dédiée à leur défunt technicien, en fera éclater en sanglots plus d’un. Dont moi. Car lorsque les images de la victime de l’accident sont diffusées sur les écrans géants, lors de l’ultime montée en puissance de la chanson, tout le monde est touché. Tout le monde applaudit, les Arènes tremblent encore une fois.
Le groupe s’en va alors, lâchant leurs dernières forces pour remercier gracieusement le public. Les lumières se rallument, la sono crache une chanson jazzy, et tout le monde reprend conscience, petit à petit. Ceux qui sont là pour la date du lendemain savent que ce ne sera pas pareil. C’était une expérience unique, à vivre pleinement, intensément.
On a eu une chance incroyable de pouvoir assister à ça, et on le sait tous.
Mais en dehors de ces circonstances particulières, sachez que Radiohead est un grand groupe de studio, certes, mais c’est vraiment (et surtout) un immense groupe live.
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