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Cure toujours

lundi 28 novembre 2022 par Alex Pradervand photographie , Anne Von Klüz rédaction CC by-nc-sa

Compte-rendu

Cinq ans que je ne les avais pas vus, trente ans que je les écoute, plus de quarante ans de carrière, si je devais choisir trois disques à emporter sur une île déserte, sans hésiter il y aurait les Cure. Alors forcément, pour leur retour sur scène, l’excitation était à son comble.

Ce dimanche 6 Novembre, avec ma team de darkos, on est parti tôt direction Genève pour arriver avant l’ouverture des portes et être dans les premiers rangs. Sur place, on retrouve d’autres amis curistes dans les starting-block aussi, mangeons nos sandwichs dans la file histoire de prendre des forces, les barrières s’ouvrent, contrôle des billets, let’s go for the Cure !
Certains fans courent fissa vers la scène pour être tout devant, nous, on passera d’abord par le bar, histoire de s’hydrater et nous retrouverons bien placés au troisième rang à gentiment patienter. Dans le public, beaucoup de quadras et quinquas mais aussi pas mal de jeunes, certains parents ont « transmis le flambeau ». Beaucoup portent un tee-shirt à l’effigie du groupe, il y a quelques looks gothiques mais très peu de cheveux crêpés comme à la grande époque, question de mode mais aussi conséquence du temps qui passe et impacte notre masse capillaire…

Twilight Sad assure la première partie, je ne connaissais pas, le chanteur a une certaine présence sur scène, il gesticule, est bien habité, un bon préambule qui colle bien à la musique des Cure mais qui ne me transportera pas plus que ça. Entre les deux groupes, on entend les grondements d’un orage le temps du changement de plateau.



Les lumières s’atténuent, des volutes de fumigènes envahissent la scène, le groupe mythique fait enfin son entrée. Robert Smith entre en dernier, prend le temps de saluer son public en arpentant la scène de droite à gauche, lance quelques sourires et regards complices. Ils inaugurent le Lost World Tour avec « Alone ». un des titres du futur nouvel album qu’on attend toujours… Ce titre d’ouverture est assez lent, lourd, dure une dizaine de minutes, le chant arrive à la moitié du morceau, il commence à chanter « This is this end… ». Le concert débute sur une tonalité mélancolique, ils enchaîneront avec des titres du magistral album Disintegration : « Pictures of you » puis le sublime « Closedown » ainsi que « Lovesong » avant de jouer un autre inédit « Nothing is forever » durant lequel j’ai retenu mes larmes. Les nouveaux titres évoquent la fuite du temps, la perte d’êtres chers, la fragilité de l’existence. Robert Smith a perdu ses deux parents et son frère récemment, il chante ces memento mori avec une sincérité qui ne ne peut pas laisser indifférent, il chante des thèmes qui font écho à chacun, l’amour, l’absurdité de l’existence, rien n’est éternel…

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Il y a quelque chose de très émouvant à voir son « idole » vieillir et nous avec. Robert n’a plus la même silhouette que sur l’image iconique de « Boys don’t cry », le pétard se fait grisonnant, moins foisonnant mais sa voix est restée intacte, son timbre demeure presque juvénile, ses textes, sa façon de chanter me touchent toujours autant.

La température monte d’un cran avec le percussif « Burn » (bande-son de The Crow), le chant gagne en puissance. Ils vont ensuite enchaîner plusieurs morceaux de la première période : « At Night », « A strange day », « Push », « Play for today », « Primary », etc. Le public chauffe aussi, on crie, on chante « go,go, go » sur « Push », on tape des mains, on fait les chœurs « ooh !ooh ! Oooh ! »sur « Play for today », on oublie qu’on a plus vingt ans, on saute comme des fous, on redevient des ados sur les hymnes de notre jeunesse. Flashback, magie de la musique qui nous fait voyager dans le temps ! On atteint le top avec le dévastateur « Shake Dog Shake ».
Les morceaux en live sont aussi bons voire plus puissants que sur les albums, on sent l’expérience de quarante ans de tournées. Une lune rouge sur fond bleu apparaît sur les grands écrans et la brume des fumigènes annoncent une accalmie avec un autre inédit, « Endsong », tout en langueur « it’s all gone, it’s all gone » et « nothing » en mot de fin.


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Mais ce n’est pas la fin, le groupe joue toujours plus de deux heures, on attend le premier rappel, ils reviennent. Robert blague avec le public, il ne sait pas dans quelle langue s’adresser à nous, anglais, français, suisse ? Ils jouent le nouveau « Nothing is forever » qui reste dans la thématique existentielle avant de revenir aux morceaux connus. Je frissonne aux premières notes de « Cold », là on ne chante plus, on retient son souffle, on écoute dans une sorte de recueillement ce titre de l’opus ultra sombre Pornography. Ils termineront sur l’hymne incontournable et increvable « A forest », on retape des mains en rythme, ils concluent avec le traditionnel dialogue entre la guitare de Robert et la basse de l’ami fidèle Simon Gallup sauf que celui-ci coupera court en balançant son instrument par terre avant les dernières notes, peut-être mécontent du réglage. Deuxième clap de fin sur ce crash de basse qui larsène au sol.


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Le troisième acte du concert sera sous le signe d’une guillerette légèreté. Une ribambelle de tubes pop vont se succéder allègrement, ceux des eighties qui ont marqué toute une génération « In between days », « Just like heaven », « Close to me » ou plus récemment « Friday, I’m in love ». Robert se ballade, s’amuse avec le public, fait ses minis chorégraphies improbables dont il a le secret, ses petites facéties inimitables. Le « Teddy-Robear » se dandine, ne se prend pas au sérieux, il s’amuse avec sa propre image. Leurs chansons pop sont d’une efficacité imparable, les mélodies semblent évidentes. Cela fait un moment qu’ils terminent sur ce registre, j’aimerais qu’ils clôturent autrement mais il faut bien contenter tout le monde et ces tubes sont presque devenus des classiques qui illustrent l’étendue de l’univers des Cure. Ils ont su se renouveler d’un album à l’autre oscillant entre le post-punk, la coldwave, des albums « monuments » très dark pour ensuite casser cette image, ne pas s’enfermer dans un style et s’essayer à des chansons plus happy-poppy. La set list reflète l’éclectisme de leur parcours. Leur spectre musical est finalement assez large, un versant lunaire l’autre solaire, il n’empêche qu’ils excellent dans les deux registres, ce n’est pas pour rien qu’un public fidèle les suit depuis plusieurs décennies.
Robert Smith interprète ses chansons avec une touchante sincérité. Il se grime toujours mais chante à cœur ouvert, sans fard. Cette intégrité et l’émotion palpable de sa voix sont peut-être la clé de leur longévité. Il y a quelque chose de rassurant et un brin nostalgique à retrouver ce groupe mythique de nos eighties, ils prennent toujours plaisir à être sur scène, ils en donnent et les curistes petits et grands répondent encore présents. Cure toujours !

Merci à Daily Rock pour l’aimable autorisation d’utilisation de clichés pris pour eux par Alex Pradervand.

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