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J’avais écouté Dead man d’Harold Martinez un peu par hasard. J’en avais été plus que ravie. Le 15 novembre, Harold est programmé à la Cave à Musique de Mâcon. Point de hasard ici, puisqu’il m’a été possible de rencontrer Harold Martinez après son concert. C’est bien de cela qu’il est question : une rencontre.
Car Harold est volubile, chaleureux et je ne suis pas intervieweuse ! Cela dit, comme je ne suis pas égoïste je consens à vous laisser lire quelques extraits de cette conversation...
A propos d’Harold Martinez...pour moi, c’est un groupe...
Oui alors c’est mon vrai nom et mon prénom : j’ai commencé tout seul, en fait. Le disque a été fait à 2 chez Fabien Tolosa qui est le batteur, l’arrangeur, et chez qui on avait enregistré le tout premier album, il avait fait tous les arrangements, le piano tout ça. Mais j’ai fait 2-3 concerts tout seul et quand j’ai été mis devant le fait accompli et qu’on me demandait de jouer, comme j’étais seul - Fabien n’était pas libre à l’époque, ce n’était pas prévu qu’on joue ensemble - donc j’ai fini par dire « je vais m’appeler Harold Martinez » point final et j’ai commencé comme ça...Et après « Fa » a pris le temps et s’est dit qu’il fallait faire un truc...
Et maintenant tu considères que vous êtes un groupe ?
Alors oui. Sans Fabien, je ne pourrais pas faire tout ça. S’il n’était pas là, je ferais autrement. On se connaît depuis très très longtemps, 25 ans, on a commencé le skate ensemble et on a toute une amitié, une sensibilité...on se retrouve tout le temps, dans beaucoup de choses, on a la même culture musicale et c’est vrai que quand je lui ai amené tous les morceaux de Birdmum, c’est lui qui a fait tous les arrangements. C’est pour ça qu’il y a tous ces sons là autour...C’est ça qui créé le lien dans tout l’album...Comme au début de « Prison (Valley » de Dead Man, ndlr), ça parle de ce gars qui est dans une prison, qui traîne ses chaînes...et ainsi de suite, jusqu’au morceau final, « Vanishing », qui parle des indiens, de ces gens brûlés, violés...ça finit dans ce chaos.
C’est un travail de moitié moitié...
Sur scène, vous interagissez, beaucoup, vous vous regardez, vous vous parlez...C’est pas Harold Martinez avec son batteur...
Non, non. Ce projet-là, il a existé grâce à lui. C’est lui qui a enregistré Birdmum, qui l’a écouté, et qui m’a dit qu’il y avait pleins de trucs à faire...Moi, j’amène les mélodies et les paroles, après Fabien fait tout ce qui va autour.
Ça marche toujours comme ça ?
Pour l’instant c’est comme ça en tous cas. Après...j’y tiens. Je ne sais pas comment on appelle ça...de l’ego ou ce que tu veux, mais j’y tiens parce que ce sont de purs moments de plaisir pour moi, de liberté et de création...c’est ma vie privée privée privée... Je me retrouve dans la semaine, j’ai un petit bureau à Nîmes, je m’enferme et j’écris mes trucs...j’y tiens énormément. Si je ne fais pas ça je vais crever ! C’est le moment très privé – que je vais divulguer aux gens ensuite, mais c’est là que je me retrouve...où je me fais mes petits films, comme du cinéma, quoi !
Le seul vrai moment, c’est quand tu rencontres des gens.
Est-ce que tu aimes les concerts ou est-ce quelque chose qui vient après, parce-que ça fait partie de la vie de l’album et des chansons ?
Non, vraiment, tu le fais parce-que t’as besoin de le faire, comme pour un écrivain ou un peintre...là tu mets des mots sur des émotions...à part que là, on est dans un roulement, ça y est, de petits zikos, qui ont un tourneur et tout...et en effet après, il faut aller défendre ce projet, pas spécialement pour vendre l’album, mais surtout pour jouer, et c’est vrai que ça, « Fa » et moi, c’est pour ça qu’on le fait encore, enfin lui le fait depuis plus longtemps que moi, il est dans plusieurs groupes.
Mais le seul vrai moment, c’est quand tu rencontres des gens - que tu partages des choses et quand tu es sur scène. Les deux se valent vraiment : Ce truc que tu as sur scène, quand tout va bien, l’adrénaline, tu as tes ¾ d’heure à toi, et puis après, toutes les rencontres qu’on fait qui sont souvent très très bonnes...moi j’aimerais beaucoup plus voyager et c’est vrai que ça fait partie du voyage humain. Et ça, chaque fois qu’on part un jour ou deux, qu’on rencontre des gens, tu rentres chez toi gonflé à bloc. Ça dure un jour ou deux, c’est toujours ça de gagné. Parfois, tu passes des putains de moments, et tu vas te coucher un petit peu tard...ben ça tu peux pas le vivre chez toi dans ton quotidien.
Après c’est vrai que la phase de création est très agréable, mettre des mots sur des émotions, mettre des mélodies et se dire ça y est je l’ai sorti ce truc-là...c’est super. Mais après...c’est tourner, voir des gens.
Il me semble qu’il y a une cohérence sur tout l’album Dead Man et tout ça donne une sensation de voyage. Il y le premier morceau, et hop on rentre dedans, on fait un trajet ; arrive le dernier morceau et on en sort...
L’idée c’était ça. Je fonctionne beaucoup par film. J’adore le cinéma. Si je pouvais voir, 3 films, je pense que je pourrais, quand j’ai vraiment le temps d’aller au cinoche...Parfois ça m’arrive d’aller voir 2 films d’affilée...J’adore ça.
Pour la musique, je fonctionne pareil. Ça part souvent d’un titre, d’un thème et après j’écris sur ça et c’est vrai que le disque, avec Fabien, on l’a construit comme ça. Un début, une fin, l’histoire d’un homme quoi. Dead Man, c’est pas en référence à Jarmush. Ça veut dire homme mort, point final...Il y a eu le deuil de ma mère avec le premier album et Dead Man, c’ était juste une suite...et là, il y aura une suite encore après ça. L’idée c’est de faire un genre de tryptique.
Martinez, quatres étoiles
Ce concert, m’aura demandé un peu de persuasion. Ma douce n’était pas encline à prendre la route nuitamment pour aller au « fin fond de bauges ».
Effectivement Jarsy est bien plus connu pour se départs de randonnées que pour sa scène Rock. Mais c’est le jeu de la Tournée des Bauges.
Après avoir dérangé une réunion de parents d’éléves, nous localisons le véritable endroit du concert : Une bâtisse solidement plantée aux abords du chef-lieu et qui sert de salle des fêtes.
La salle est « cube », sans fioriture ni scène surelevée, mais la proximité est garantie. Les bénévoles sont plutôt nombreux et le public du cru cotoie les curieux venus d’un peu plus loin. Quelques objectifs photographiques plutôt turgescents sont à l’affut.
La batterie de Harold Martinez est dejà en place, elle sera utilisée par les deux groupes. Les deux formations de ce soir ont en commun une formule réduite guitare+batterie qui s’est amplement répandu ces dernières année.
Les compères de The white Rattlesnake exécutent une succession de reprises de morceaux classique de blues et Rock, accommodés à leur sauce, qui n’a rien de figée. Les deux musiciens se sont régalés et nous avec, s’attaquant sans complexe à des classiques que d’aucun aurait pu trouver intimidant ( « Strange Fruits » de Billy Holliday par exemple) ou mettant un peu de hard-rock dans certaines reprises blues. Le set était vraiment direct et réjouissant et ce groupe de savoyard mérite d’être découvert sur scène.
Après une pause clope imposée par l’accro de nicotine qui officiait au son ce soir là. Harold Martinez et Fabien Tolosa entrent en scène et démarrent un set ininterrompu, hormis par la résolution de quelques réglages techniques. En effet le batteur, travaillant en live des bruitages grattés, frottés par le biais d’une pédale d’effet crée des nappes ambiantes qui abolissent la limite entre les morceaux, élargissant l’espace et permettant une meilleure immersion dans l’ambiance.
Et quelle ambiance ! Sombre et prenante. L’intensité de ce duo ne lasse pas de surprendre, même en les ayant déjà vus. La voix tendue me ramène au crépusculaire Folklore de Sixteen Horsepower, anologie difficilement évitable, tant la résonance entre les deux groupes semble patente. La tension des morceaux alterne du recueillement à l’incantation (« Oh, Lord ! »).
À l’occasion de ce set, je découvre aussi le travail d’orfèvre Fabien Tolosa aux rythmes, dont le jeu puissant et créatif [1] peut soudainement se faire caressant. Plaisir de voir des musiciens au service de la musique.
Un concert qui a emporté l’adhésion du public, sans réserve et sans surprise. Le rappel est constitué d’un des morceaux joués précédemment, montrant à la fois que le répertoire de ce groupe est encore en devenir, mais qu’il revendiquent de ne porter que leurs propres morceaux. On attends avec impatience le développement futur de ce projet.
Au sortir de la salle, le ciel étoilé des Bauges nous surprend et nous croisons des chamois au détour d’un potager. OD.
Tu arrives à faire des concerts et écrire le prochain album ?
On n’est pas non plus sur une grosse tournée. Ça va du coup, j’arrive à prendre du temps pour écrire chez moi.
Non le plus dur c’est de mettre des mots. Pour ma part, les mélodies sont faites –comme un film– tu te dis, ça te touche, ça te fait penser à tel univers, mais de quoi ça va parler, et après ça part. Mais je vois bien que je ne suis pas un écrivain mais c’est passionnant, tu pars dans des trucs...
Pourquoi « pas un écrivain » ?
J’écris en anglais, et ce n’est pas ma langue et...j’ai l’anglais que j’ai ! Je sais bien que j’ai un accent à couper au couteau ; il y en a qui aiment, il y en a qui détestent...Ce n’est pas un truc qui me vient facilement, je me fais aider par des dicos, je ne pense pas en anglais...mais c’est pas grave. Ça fait partie de mon truc, je suis comme ça. J’ai 40 berges, c’est venu comme ça, je ne me suis pas posé la question avant...en me disant « oh c’est vrai, Birdmum, tu fais des fautes d’anglais »...non, je veux dire, c’est mes tripes sur un truc.
Et t’as ceux qui ont adoré, et t’as ceux — et je comprends, c’est pas que ça me touche pas — qui ont dit « putain, mais l’accent, là, t’es fou ! ».
Ben ouais, mais je l’ai fait, je m’en fous.
Pour Dead Man, j’ai fait un petit effort...mais c’est tout, je suis pas américain...
Et alors, pourquoi l’anglais ?
C’est comme tous les fantasmes de gamin : j’ai été baigné par Hendrix, les Doors, Neil Young, les Stooges et tout et tu grandis avec ça.
On en parle souvent, là de la culture, du rock en France. Il n’y en a pas, enfin pour moi, il n’y en a pas, de toute la culture américaine, on baigne dedans, on fait partie de ces millions de gosses qui ont grandi avec ça et on a du mal à s’en défaire. On ressemble plus à des américains ou des anglais qu’à du rock/pop de Paris. Même s’il y en a qui le font très bien...
Pourquoi ne pas piquer ailleurs ? Enfin, ce n’est pas « piquer », mais ce sont plus nos références en tous cas. Et du coup écrire en anglais est plus facile. Ce n’est pas se cacher derrière un truc mais... C’est plus facile de dire « je t’aime » en anglais qu’en français. Ça passe mieux, habillé en noir, quand tu fais ton rockeur...(rires).AE.
Propos recueillis par Anne Emeraud à la Cave à Musique de Macon. Photos prises dans le cadre de la Tournée de Bauges à Jarsy, par Thierry Dussauge (Tit Image)
[1] Belle idée, sonore et visuelle de relâcher une chaîne sur la caisse claire pour créer de subtils bruitages