> Mag > Musique > Des festivals féminins
Les dernières années ont vu fleurir un genre particulier de festival, mettant à l’honneur les talents spécifiquement féminins, dans un registre simplement musical ou étendu à d’autres dimensions de la création.
L’amplification de ce phénomène et la démultiplication des événements arborant cet étendard ne manquent pas de soulever quelques interrogations, fort légitimes, et qui ne sauraient se réduire à la bien compréhensible inquiétude de tout ce que la musique comporte de machos barbus, chevelus, hirsutes et désespérément virils, qui voient leur part de marché décroître comme peau de chagrin.
Plutôt que de conclure hâtivement (un peu trop peut-être), à l’instar de l’excellent Quentin Tarantino, que le 21me siècle sera féminin ou ne sera pas, et de se plier à l’irrésistible ascension des héroïnes si surprenantes de son Boulevard de la mort, véritable allégorie qui met en scène la victoire d’amazones brutales et improbables sur tous les clichés d’une virilité has been, il peut être utile d’interroger les mobiles plus profonds d’une telle tendance.
Dans un tel exercice, une alternative plutôt réductrice ne manque pas de se dessiner. N’est-on pas en effet contraint d’appréhender de tels événements soit comme la manifestation d’un féminisme militant, soit, à l’inverse comme sa récupération opportuniste et mercantile ?
Dans le premier cas, comme tout militantisme, il peut nous apparaître pesant et potentiellement préjudiciable à la qualité artistique de ce qui est présenté. Comme tout art engagé, il souffrirait de la présence excessive de son message, d’une idée qui transpire, vampirise, hante toutes les prestations, au point d’en briser l’énergie et le souffle. Trop moral, chargé de reproches, réactif plutôt que créateur, l’art engagé comporte toujours une dimension effrayante, à plus forte raison pour la gente masculine, qui ne pourrait dès lors y trouver son compte...
Mais à l’inverse, ces événements pourraient n’être que l’habile récupération d’une telle revendication par un opportuniste cynique, indifférent au contenu et soucieux de surfer une vague porteuse. Dans les deux cas, il faut bien remarquer que le tableau semble terne et peu attractif...
Mais une telle alternative, quoique tentante, doit sans doute être dépassée. Le double soupçon dont elle se fait l’écho découle en réalité de la manière même dont la question est posée...Se demander « pour quoi ? », c’est présupposer (et par là même créer) un intérêt sous-jacent, un calcul opportuniste, mais c’est alors manquer la dimension profonde de la culture.
L’événement culturel, la fête, la célébration, le festival sont toujours marqués par la contingence et n’obéissent proprement à aucune nécessité.
Dans une telle formule, plus ouverte, peuvent se loger des mobiles plus complexes, plus subtils, mais également plus discrets. À supposer que les créateurs de tels événements aient l’intention de mettre un peu de lumière sur une création féminine perçue comme plus pudique, discrète et moins tapageuse, le fait de l’avouer les exposerait à devoir justifier un tel préjugé, potentiellement offensant pour celles qui se trouveraient ainsi dévalorisées et réduites à une forme d’assistanat... C’est tout le paradoxe du don, qui perd sa valeur lorsqu’il est dit et qui ne s’exprime pleinement que dans une ombre discrète.
Créer de tels événements, c’est donc peut-être répondre à une injonction aussi simple que ce « Pourquoi pas ? » et s’ouvrir à une aventure qui ne possède pas encore toutes ses réponses au moment où elle s’initie...Une telle légèreté permet de se défaire un peu de cette logique intéressée dont le soupçon pourrit tout ce qu’il touche et constitue sans doute la meilleure manière d’approcher le prochain événement du genre que sont les Créatives d’Onex.
Festival visant à mettre en avant des femmes qui mènent à bien une idée qui leur est propre, de la conception à la réalisation, qu’elles soient seules ou associées à d’autres femmes ou hommes.
Musique, humour, danse, stylisme, djettes, réalisatrices, dessinatrices, et auteures sont au programme sur 19 jours.
Côté musique, beaucoup d’artistes suisses au programme et de nombreux duos mixtes. Des couleurs musicales très métissées avec du Reggae, raggamuffin, de l’électro-pop, des djettes, de la folk, des musiques du monde et de la chanson francophone. Mais le festival ce n’est pas que la musique, plusieurs formes artistiques sont à l’affiche : de l’humour avec deux one woman show, un solo de danse-théâtre, un spectacle et un atelier pour enfants, des matchs d’impro théâtrale, et, poursuivant la programmation cinéma démarrée en 2011, nous présenterons le travail de trois réalisatrices en collaboration avec le CinéLux à la Jonction : deux films et un documentaire sur les femmes dans le rock.