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Juste avant son concert triomphal dans une salle pleine au festival « Les Créatives » d’Onex (soirée partagée avec Flavia Coelho), Mayra Andrade a pu répondre à quelques questions concernant son actualité, son dernier album Lovely Difficult, ses projets et son rapport à la musique.
Pour commencer, peux-tu nous parler de ton dernier album intitulé Lovely Difficult ? En quoi est-il différent de tes précédents albums ?
Mon nouvel album est différent dans l’approche du son que j’ai voulu pour lui. C’est un album qui est esthétiquement plus crossover, plus en biais, moins dans une ligne traditionnelle, il est plus pop, plus contemporain… J’ai laissé parler un petit peu de la Mayra moderne qui vit avec son temps, plus que dans les précédents albums…
Dans tes précédents albums, tu voulais surtout évoquer tes racines avec le Cap-Vert ?
Voilà… En tout cas, je voulais leur donner une place qui pour moi manquait… On connaît beaucoup la musique du Cap-Vert à travers Cesária, mais il y a plein d’autres choses en fait, donc c’était hyper important pour moi de montrer qu’il y avait plein d’autres choses qui sont très laissées pour compte, très oubliées. Et après trois albums, je me suis dit qu’à partir d’un quatrième album je peux faire d’autres choses… Il y a des rencontres, j’ai notamment passé treize ans à Paris avec plein d’amis compositeurs avec qui j’avais déjà travaillé plus pour de la scène ou des compositions. Je n’avais jamais enregistré avec eux, notamment pour des questions linguistiques… Mais là je me suis dit que j’allais ouvrir un peu les vannes, pas faire tout et n’importe quoi, mais en tout cas permettre à ces rencontres-là d’exister sur un album.
On va parler du pays qui nous accueille aujourd’hui, la Suisse. Es-tu déjà venue en Suisse ? Que penses-tu de la scène musicale en Suisse et des festivals comme celui des Créatives ?
Je suis souvent venue en Suisse pour des festivals, de la scène. Je n’ai par contre pas eu l’occasion de passer du temps hors scène en Suisse. En tout cas, je trouve que le public suisse est très sympa, très enthousiaste. Parfois quand je suis en Suisse, j’ai l’impression que je suis en France… Concernant « les Créatives », je trouve que c’est intéressant de mettre la femme artiste à l’honneur. Je pense que les femmes ont une sensibilité différente dans l’art, on est différente des hommes. Il y a aussi des hommes qui ont une sensibilité très féminine, et des femmes qui ont une sensibilité très masculine. Mais au fond, c’est une approche qui est peut-être un peu différente, même si je trouve que les femmes jouent quand même un rôle très important, en tout cas dans l’univers musical dans lequel je me déplace où je trouve qu’il y a beaucoup d’artistes féminines. Par exemple au Cap-Vert, on me demande souvent pourquoi il y a autant de chanteuses femmes. Après c’est vrai, il pourrait y avoir plus de musiciennes femmes, j’en ai une d’ailleurs avec moi sur scène… Je trouve que c’est sympa de réunir des femmes parce que c’est l’occasion de se croiser, de faire des amitiés, et pourquoi pas engendrer des collaborations, des projets…
Ce serait intéressant que tu nous parles un peu des musiques du Cap-Vert, de la scène actuelle et des artistes. Ce serait bien que tu nous expliques ce que Cesária Évora a apporté, mais aussi tout ce qu’il y a aujourd’hui musicalement au Cap-Vert qui ne peut pas se résumer à un seul nom…
J’ai une tendresse infinie pour Cesária… Pour ce qu’elle a fait pour mon pays ! Je fais partie d’une génération de capverdiens qui devaient encore expliquer systématiquement où se trouvait le Cap-Vert. Et au fur et à mesure que j’ai grandi en âge, Cesária a grandi en dimension, et mon pays aussi car je dois de moins en moins expliquer où se trouve le Cap-Vert. Elle a quand même réussi à mettre un « spotlight » sur le Cap-Vert, et ça, ça n’a pas de mot, ça n’a pas de prix. Après musicalement, résumer la musique du Cap-Vert à un nom est un raccourci beaucoup trop facile. Depuis le début, j’essaie justement de tracer un chemin un petit peu en marge de la musique traditionnelle, parce que mon parcours m’a permis d’accéder à d’autres choses, et que je veux utiliser ces autres choses. On a le choix de les utiliser ou pas, on peut décider de ne faire qu’une musique 100% traditionnelle, ce qui serait beaucoup plus simple d’ailleurs…
Ce serait plus simple car il n’y aurait pas vraiment de prise de risques, ou en tout cas moins…
Oui. C’est un équilibre qui n’est pas évident à trouver en fait. Il ne faut pas se perdre, et en même temps ne pas s’arrêter à ce qu’on connaît déjà. Ensuite oui, la scène capverdienne c’est des tas d’artistes au Cap-Vert et dans la diaspora aussi. Moi-même je suis de la diaspora car j’ai vécu une partie de ma vie au Cap-Vert et une partie en dehors. J’ai toujours l’impression que je vais au Cap-Vert, mais je fais partie de la diaspora en fait. Il y a cinq-cent-mille capverdiens au Cap-Vert, et un million dans le monde… Et parmi eux il y a beaucoup d’artistes qui font connaître aussi la scène capverdienne, la musique capverdienne… Je peux citer par exemple Nancy Vieira qui vit à Lisbonne… Tito Paris et Tcheka qui vivent au Cap-Vert… Teofilo Chantre qui vit à Paris… Il y a aussi une scène de la musique électronique et une scène de la musique zouk qui sont très actives aussi…
Je suis née chanteuse, je ne le suis pas devenue…
Quels styles musicaux, groupes et artistes écoutes-tu en ce moment ? Qu’est-ce qui t’influence musicalement ?
Ça c’est deux questions en une… Parce que ce qu’on écoute n’est pas forcément ce qui nous influence… Je pense que mes influences sont un petit peu sournoises en fait, parce que ce n’est pas aussi direct, ce n’est pas genre « j’écoute un truc et ça m’influence »… C’est un peu à l’usure en fait, ce sont des choses que j’accumule, que je stocke pendant un an, deux ans, trois ans… Et au bout d’un moment, je m’aperçois que des petits bouts de choses ont fait qu’une idée est née. Mais ces idées peuvent venir d’endroits presque opposés en fait… Ça, c’est pour les influences… Concernant ce que j’écoute, quand je suis beaucoup sur la route, j’écoute très peu de musique. Mais aujourd’hui dans le train, j’ai écouté Nina Simone par exemple, voilà…
Et quelle est ta définition de la musique ?
Est-ce qu’il en faut une ? C’est une définition…
Ça peut en être aussi une réponse…
Est-ce qu’il en faut une ?
Chacun peut avoir sa définition de la musique, le point de vue de chacun sur la musique reflète un peu sa personnalité musicale…
Mais en fait ma réponse est assez cohérente par rapport à la relation que j’ai avec la musique…
Elle est très belle ta réponse…
Je suis née chanteuse, je ne le suis pas devenue… C’est comme te dire quelle serait la définition de l’être humain... C’est difficile de définir un être humain, c’est très complexe, c’est très varié… Comme je suis née chanteuse, je me souviens de moi à l’âge de deux, trois, quatre ans déjà à vivre la musique, déjà à m’émouvoir… Je pleurais quand j’écoutais des concertos de piano et que j’avais trois ans… C’est donc que la musique résonne en moi d’une manière très intuitive depuis toujours. Donc je ne cherche pas à définir la musique. La musique c’est une façon juste d’exister, même pas de vivre, mais d’exister.
Justement, si tu n’étais pas chanteuse ou musicienne, que ferais-tu ?
Je serais secrétaire, je suis très organisée. Trop. Du coup je suis tout le temps en train de répondre à des mails de travail alors que je suis en train de faire ma balance… Plus sérieusement, j’ai voulu faire de la psychologie clinique pendant longtemps.
Si tu étais un animal, tu serais lequel ?
Un cheval. Un cheval sauvage mais sur lequel un Indien bien doué pourrait monter sans selle.
Pour finir, quels sont tes projets à venir après cette tournée ?
J’imagine que ça serait un prochain album… On m’en parle, mais moi je n’entends pas trop ceux qui me parlent de ça, je n’y suis pas encore… C’est un message à ma maison de disques !
Pour l’instant tu ne sais pas encore ?
Non, j’ai encore un an de tournée…
Tu verras après la tournée à tête reposée…
Oui… En tout cas je ne veux pas trop qu’on en parle, je verrai quand je verrai…
Tu verras quand tu le sentiras…
Oui… Pour l’instant j’ai besoin de vivre !
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