> Mag > Musique > Du jazz pour tous les goûts au Grand Angle pour le dernier week-end du (…)
Big band, fusion, latino ou actuel, pourquoi choisir quand toutes ces sensibilités du jazz étaient représentées au Grand Angle pour le dernier week-end du Voiron Jazz Festival.
C’est un festival comme on les aime, qui met depuis 2011 tout le pays voironnais à l’heure du jazz pendant trois semaines au début du printemps, avec une cinquantaine de concerts dans plus d’une vingtaine de communes et quelques 10 000 spectateurs, qu’ils soient amateurs avertis du genre ou novices curieux de le découvrir grâce à une programmation soucieuse d’ouverture et de diversité, mêlant avec bonheur grands noms, découvertes mais aussi artistes locaux et régionaux.
La salle voironnaise du Grand Angle reflétait parfaitement cet état d’esprit à travers sa programmation pour le dernier week-end du festival, qui a comblé les spectateurs venus en nombre.
Vendredi soir, les talents régionaux étaient à l’honneur avec La Isla Dorada, le tout nouveau projet du contrebassiste grenoblois Michel Molines qui explore les styles musicaux de ses origines vénézuéliennes. Pour son tout premier concert, le groupe était malheureusement privé de sa chanteuse attitrée, Rebecca Roger Cruz, mais quand la talentueuse Lou Rivaille accepte d’apprendre le répertoire en 48 heures pour la remplacer, on a aucune raison de se plaindre !
En deuxième partie de soirée, place à l’Amazing Keystone Big Band, dont l’envergure internationale (Victoire de la Musique 2018 du meilleur groupe, ils collaborent notamment avec Dee Dee Bridgewater, Quincy Jones, Liz McComb ou encore Ibrahim Maalouf) ne doit pas faire oublier qu’il compte nombre de rhône-alpins parmi ses 17 membres [1]. Accompagné de 2 chanteurs, Neïma Naouri et Pablo Campos, et du narrateur Sébastien Denigues, le Keystone revisite le chef d’œuvre de Leonard Bernstein, West Side Story, avec de ces arrangements swing étincelants dont il a le secret (ce qui implique, mais c’est la règle du jeu, de renoncer à la syncopation caractéristique de la version de Bernstein). Mention spéciale à Neïma Naouri pour son interprétation vocale et dramatique très inspirée quel que soit le personnage incarné.
Le lendemain soir était placé sous le signe du groove, avec pour commencer celui, explosif et irrésistible, de Symmetric, le projet issu de la rencontre entre le saxophoniste Baptiste Herbin et le trompettiste Nicolas Gardel, flanqués d’une section rythmique implacable avec le claviériste Laurent Coulondre et le batteur Yoann Serra. Quatre musiciens parmi les meilleurs de leur génération (et pas que !) dont les talents respectifs se fondent au service de compositions de haute volée mais restant complètement accessibles et festives, où improvisations, battles (entre Nicolas et Baptiste ou Laurent et Yoann) et solos viennent vraiment enrichir les morceaux. Baptiste Herbin, qui alterne sax alto et soprano, se paye même le luxe de jouer, et « pour de vrai » des deux en même temps (rappelons que les tonalités ne sont pas les mêmes entre les deux instruments !) ;
On l’aura compris, Symmetric c’est notre coup de cœur du week-end, un projet qui régale les oreilles en version enregistrée et dont la version live se révèle - comme cela devrait toujours être le cas du jazz - encore plus réussie. En un mot : jubilatoire.
Groove toujours pour terminer la soirée, avec la jam session géante offerte par Sixun, groupe phare du jazz-fusion français des années 80-90 qui s’est reformé autour d’un nouvel album, Unixsity, en 2022 : énergique du début à la fin, le set permet de retrouver intact le style Sixun (y compris le vocoder de Louis Winsberg, qui ramène tout droit au Herbie Hancock des années 70 !), dans une ambiance décontractée où les musiciens ne ratent pas une occasion de se chambrer mutuellement - un numéro que l’on sent bien rodé et qui ravit le public.
Au final, deux soirées qualitatives et variées qui démontrent si besoin en était la richesse et la diversité du genre : jazz is not dead, il se porte même très bien !
[1] L’un des créateurs et directeurs artistiques du groupe, Jon Bouteiller, est le fils du fondateur de Jazz à Vienne.