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Et maintenant, quelque chose de complètement différent : Sudden infant

jeudi 21 avril 2022 par Tom Rad-Yaute rédaction CC by-nc-sa

Chronique

Bien que ce Lunatic asylum ( Asile de fous )soit le 3e album du trio suisse Sudden infant, l’impression diffuse subsiste d’avoir affaire à une formation, peut-être estimée dans certains milieux, mais globalement très largement méconnue. Et ceci est absolument ahurissant lorsqu’on découvre l’incroyable qualité de ce groupe génial.

L’histoire de Sudden infant commence en tant que projet solo du personnage central : Joke Lanz, performeur vocal et tritureur virtuose de la noise sur platine-disques. Le projet devient un véritable groupe avec l’ajout d’Alexandre Babel, batteur et percussionniste (et directeur artistique de l’ensemble de percussions contemporaines Eklekto) et de Christian Weber à la basse, menant lui aussi une carrière à la croisée des musiques improvisées et de la recherche sonore.


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Malgré ce pedigree de haut vol, Sudden Infant joue du rock – mais attention, du rock comme on en entend tout simplement nulle part ailleurs et que ce nouvel album est une excellente occasion de découvrir.

La formule musicale de Sudden infant est avant tout profondément rythmique. Couple basse-batterie impeccable de précision, de concision, au cordeau, et en même temps capable de pirouettes rythmiques invraisemblables. L’utilisation même que fait Joke Lanz des samples et de sa voix est celle d’instruments percussifs. Qu’ils soient déclamés, hurlés, chuchotés ou slammés, les mots qu’il utilise doivent avant tout claquer – écoutez la façon dont il fait sonner le « d » de « possessed » sur le dernier morceau du disque, « Tuba manifesto ». Dans ces collages sonores, le sens, lui, passe souvent au second plan - aussi bien il peut s’agir d’un menu de restaurant, comme sur le morceau « Happiness to go » - cut-up textuel, iconoclasme littéraire qui vaut souvent au groupe le qualificatif de dadaïste.

De fait, il règne sur ce disque un esprit fantasque et iconoclaste totalement réjouissant et qui le distingue immédiatement de toute la production rock. Dans un monde idéal, des titres groovy, anguleux et délirants comme « Head » ou « Ha ha ha 1921 » - qui a des airs de tube du disque - passeraient sur toutes les radios et seraient sur toutes les lèvres. Oh, comme j’aimerais vivre dans ce monde ! Le morceau « Il y a des enfants », sur lequel est invité Franz Treichler des Young gods, avec son texte en français et son clin d’oeil à Jacques Brel, livre peut-être une part du secret de la créativité du groupe : « Je veux qu’on rit / je veux qu’on danse / Je veux qu’on s’amuse comme des fous / Je veux qu’on rit / je veux qu’on danse / Il y a des enfants / Et c’est nous ! »


SUDDEN INFANT - Head (official video)
Taken from the new Sudden Infant LP/CD “Lunatic Asylum” (FD138)
on Fourth Dimension Records 2022

Il y a du No Means No, du Métal Urbain, du Fantazio, du Arno, du Beastie Boys, du Skeleton Crew, du Captain Beefheart et peut-être même du Steve Waring (que la personne qui a reconnu tous ces noms contacte le zine, j’ai un cadeau pour elle) dans cet album étourdissant et qui se permet tout — dont le seul défaut est peut-être celui d’être un album, justement, tant on verrait bien cet activisme sonore sur des format courts.
Mais il y a surtout du Sudden infant, un groupe incroyable, éblouissant, qu’on espère bientôt voir en concert et dont l’histoire dira s’il fait partie de ces grandes formations trop fortes, trop singulières, pour toujours cantonnées aux marges. Mais ça, ça ne dépend que de nous, n’est-ce pas ?

Sudden Infant, «  Lunatic Asylum  » (Fourth dimension records, avril 2022)

  • Sudden infant + Stylianos ou + DJ :
    le dimanche 7 mai 2023 de 21h00 à 23h30 Cave 12, Genève

    post-punk dada et manipulations électroniques

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