Frieren, le renouveau de l’heroic fantasy

Et si le meilleur manga et animé n’était ni une histoire de pirates plus ou moins loufoques, ni celle d’un apprenti ninja, et ni celle de super-héros trop musclés se bastonnant tout le temps en faisant exploser des planètes ?
Frieren va à contre-courant de tout cela : ici pas d’histoire linéaire avec un héros en apprentissage, pas de bastons et d’action plus ou moins inutiles tout le temps, pas de rythme effréné... C’est même tout le contraire : le personnage principal est déjà à son top dès le début de l’histoire, les scènes d’action sont ponctuelles et rares, le rythme est lent et contemplatif... Bref, tout l’inverse des recettes des plus grands succès en mangas et animés, voire même d’une grande partie des créations et fictions au sens large... Et pourtant, ça cartonne ! Succès critique avec des nominations, récompenses et prix... Succès populaire avec un lectorat du manga qui s’étend, et des spectateurs de l’animé de plus en plus nombreux qui placent Frieren au sommet... Comment expliquer cela ?

L’histoire commence par ce qui pourrait être la fin de nombreuses fictions : quatre aventuriers dont fait partie l’elfe mage Frieren sont accueillis en héros après une quête de dix ans qui s’est terminée par leur combat victorieux contre le Roi Démon. Le monde est enfin en paix, tout est bien qui finit bien. Le temps passe... Cependant Frieren en tant qu’elfe a une très longue durée de vie, et son rapport au temps n’est pas le même que celui que connaissent ses anciens compagnons d’aventure qui peu à peu disparaissent, ce qui bouleverse Frieren qui d’habitude impassible n’avait jamais connu de tels sentiments. Elle décide alors de partir pour une nouvelle quête pour mieux comprendre les humains mais aussi elle-même.

Frieren est écrit par Kanehito Yamada et dessiné par Tsukasa Abe, une scénariste et un dessinateur de talent qui commencent à se faire connaître avec cette série de mangas qui débute en 2020, et qui sera ensuite adaptée en 2023 en animé par le studio d’animation Madhouse avec une équipe de choc.

Frieren se distingue par plusieurs choses : son originalité, sa beauté, sa profondeur.

Originalité car même si l’œuvre s’inspire de l’heroic fantasy, elle ne se contente pas de recycler ce qui a déjà été fait. Le début de l’histoire est remarquable comme le commencement de Game Of Thrones dans son côté surprenant. Le monde, le lore, dans lequel évolue Frieren est quelque part dans l’inspiration entre Le Seigneur des Anneaux de Tolkien, Dungeons & Dragons, et les jeux vidéo de type Zelda ou Final Fantasy...

Niveau dessin, c’est un beau trait qu’on peut voir dans le manga, qui est embelli en version animée avec des détails, couleurs, effets et mouvements dignes d’une grande production. Les décors, lieux et paysages sont magnifiques, les personnages sont bien reconnaissables et expressifs, l’animation est belle et fluide avec un rythme varié et des points de vue différents selon les contextes. La musique accompagnant l’animé est également de toute beauté.

La force de Frieren réside en particulier dans la profondeur des thèmes abordés : le temps (le rapport au temps, le temps qui passe), la vie (le sens de la vie, il faut vivre et ne pas seulement exister), la mort... Il y a un côté contemplatif et philosophique dans Frieren que l’on ressent en accompagnant les aventuriers que ce soit à travers une apparente banale promenade dans un village, un voyage à travers de belles contrées variées, des discussions de la vie de tous les jours, des combats spectaculaires, des sorts allant de la confection de fleurs à la destruction de démons...

Bref, Frieren est un chef-d’œuvre du manga, de l’animé, quelque part entre l’heroic fantasy (qui présente un récit héroïque dans le cadre d’un monde merveilleux) et le shōnen (qui se caractérise généralement par une action intense, des combats et des histoires d’aventure).
À la lecture de Frieren (la série de mangas est en cours, et l’animé devrait se poursuivre donc), j’ai été plus qu’agréablement surpris, c’est plaisant à lire, riche en aventures et émotions, avec un côté touchant et profond qu’on ne trouve que trop rarement.