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Automne, temps pluvieux... C’est le moment idéal pour se replonger dans l’écoute de la musique et découvrir (ou redécouvrir) différents groupes et artistes... Pour ouvrir cette nouvelle rubrique de L’album du grenier, je propose l’écoute d’un O.V.N.I. musical sorti il y a un quart de siècle : Hallucination Engine de Material, avec Bill Laswell à la direction... Retour vers le futur avec de la musique fusion d’avant-garde !
Tout d’abord, comment suis-je tombé sur cet album ? Par hasard (mais existe-t-il vraiment ?), il y a des années de ça, au cours d’une discussion banale au début en dehors du cadre de la musique... Et le hasard fait parfois bien les choses !
Material est un des (nombreux) groupes et projets du musicien Bill Laswell qui à lui seul mériterait qu’on écrive des pages et des pages tant il est un créateur original et prolifique. On est dans un univers artistique et musical où plusieurs styles se mélangent, jazz, rock et autres... On peut parler de progressif, d’expérimental... Un côté avant-gardiste et futuriste parfois... En tout cas, de la création semblant sans limites...
Hallucination Engine est un album qui semble unique en lui-même, sui generis, sans forcément de précédent ou de suite... Mélange de jazz, rock, funk, dub, musique indienne, il a un côté planant et spatial. L’album sort en 1994 (il y a 25 ans) proposait un type de fusion musicale particulièrement original et novateur pour l’époque
Tout commence avec « Black Light », ça monte progressivement, c’est planant et expérimental, jazz, dub et funk, saxophone... Ensuite arrive « Mantra » où on sent forcément plus la touche de musique indienne avec des instruments traditionnels, un mélange de sons acoustiques et électriques pour un bon et dynamique trip musical.
« Ruins » revient à quelque chose de plus posé et contemplatif. « Eternal Drift » commence de manière minimaliste avec discrétion d’instruments et voix aérienne. « Words of Advice » est du genre spoken word comme on dit, c’est plus un interlude qu’autre chose, une pause où on peut écouter William S. Burroughs lire certains de ses textes.
« Cucumber Slumber » est une reprise originale et personnelle d’un beau et bon morceau du fabuleux Weather Report [1].
« The Hidden Garden » se montre à la fois planant et très lyrique, quelque part entre musiques d’Occident, d’Orient et d’Inde... On peut écouter ensuite une belle reprise de « Naima » de John Coltrane (génie du jazz et de la musique)... « Shadows of Paradise » clôt de manière magistrale et lyrique l’album avec sa fusion musicale détonante.
L’équipe des musiciens accompagnant Bill Laswell est assez hallucinante, issus de différents styles musicaux et du monde entier. Je vais commencer à citer ceux qui font partie de mes musiciens préférés (tous styles confondus) : les joueurs de tablas Zakir Hussain et Trilok Gurtu, L. Shankar au violon électrique, Vikku Vinayakram au ghatam, le saxophoniste Wayne Shorter, le bassiste Jonas Hellborg... Tout ça fait déjà pas mal penser aux belles heures de Shakti [2] et à d’autres projets musicaux de John McLaughlin que ce soit sous son nom ou avec The Mahavishnu Orchestra par exemple...
Bien sûr Bill Laswell est de la partie et fait le multi-instrumentiste tout en assurant la direction musicale. À noter également la participation de nombreux autres artistes talentueux dont Bootsy Collins, Simon Shaheen, Nicky Skopelitis, Bernie Worrell, William S. Burroughs, Liu Sola, etc... Tout ce collectif aux multiples facettes ne s’éparpille pas dans tous les sens et réussit à créer une œuvre cohérente où chacun peut apporter sa touche personnelle.
Au final, que penser de l’album et où le placer ? Ce qui est sûr, c’est que cet album est de qualité et original, avec de la musique très créative qui reste quand même assez accessible. Au pire un bon album, au mieux un album culte car il en a certaines caractéristiques : son côté unique en son genre, une équipe de musiciens aussi improbable que magique, la méconnaissance du public quant à l’existence de cette œuvre.
Bref, le mieux c’est de l’écouter et de se faire un avis par soi-même—avec des oreilles averties quand même car c’est parfois bien perché. Un album hallucinant, hallucinogène, qui a le mérite de sortir des sentiers battus et qui propose différentes pistes d’explorations musicales, tout en restant accessible à l’écoute.